Jusqu’au 17 avril se joue au Théâtre du Rond-Point une pièce inspirée d’essais et d’interviews entre l’écrivain James Baldwin et le photographe Richard Avedon. Les deux artistes, idoles des années soixante, partageaient un même amour pour l’Amérique qui, loin de se résumer à une idolâtrie stérile, leur permettait de porter sur leur pays un regard à la fois tendre et acerbe. Élise Vigier, artiste associée à la direction de la Comédie de Caen, met en scène leur dialogue dansant et invite ses interprètes, Marcial Di Fonzo Bo et Jean Christophe Folly, à tisser des liens entre les États-Unis et la France, via l’Argentine et le Togo. Avedon-Baldwin : entretiens imaginaires fait parti de la collection des Portraits de la Comédie de Caen, imaginée par Marcial Di Fonzo Bo à son arrivée à la tête de la Comédie.
Baldwin, l’écrivain noir et homosexuel dialoguait déjà avec Avedon, le photographe blanc et juif dans Nothing Personnel. Comme le rappelle la note d’intention des auteur·e·s, ils « ont en commun une extrême délicatesse et une sensibilité rare mais surtout une grande tendresse, une sensualité électrique dans l’autopsie d’un pays en crise identitaire. » Au cœur de leurs échanges, notre responsabilité face à l’avenir et envers les générations postérieures et notre rôle de passeurs. Élise Vigier et Kevin Keiss se sont inspirés des multiples interviews que les artistes ont laissées pour confronter leurs visions de l’impérialisme américain et y ont superposé les voix des deux comédiens eux-mêmes : Marcial Di Fonzo Bo et Jean-Christophe Folly. On assiste alors non seulement entre un dialogue entre deux hommes – et quatre voix – mais aussi à celui Entre les États-Unis en 1964, et nos enfances des années 70 et 80 – et la France d’ici, celle dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Si l’on peut parfois s’interroger sur certains choix, la pièce s’avère un moment enthousiasmant, notamment dans ce qu’elle donne à entendre de beaux morceaux d’entretiens puissants. On peut regretter que les allers-retours entre le passé de Baldwin et d’Avedon et le présent des comédiens créent parfois un effet de distanciation qui manque d’un peu de justesse, on peut toutefois saluer l’effort fait pour resituer les débats dans une perspective actuelle.