Samedi 21 mai prochain, les collectifs Point Of View et Brigade du Stupre s’associent pour organiser ONDES & FLUIDES. Cet évènement haut en couleur (sanguine comme séminale) aura lieu au L.E.A. (ou “Laboratoire d’Expérimentation Anthropologique”), un très joli squat à Mairie de Clichy. Avides d’indiscrétions (et sécrétions ?), nous avons rencontré deux des organisateurs, Nastasia Hadjadji (Brigade du Stupre) et Matthieu Souchet (Point of View), afin qu’ils nous racontent leurs projets.
Parlez-nous de vos collectifs respectifs. Qui êtes-vous? Que faîtes-vous?
Matthieu : Point Of View organise des soirées/concerts et a pour ambition de mettre au devant de la scène des musiques hybrides, live et djset, afin de créer une diversité du propos musical comme de notre population en allant chercher des publics qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer.
Nastasia : Brigade du Stupre est un collectif féministe ascendant queer, body et sex-positive, né au Printemps 2015. Nous sommes 5 amies d’horizons variés (Beaux Arts, Sciences Po, Design couleur), réunies autour de volontés communes : ouvrir la discussion sur les problématiques féministes en nous adressant à des publics non-circonscrits aux cercles militants, renouveler les formes et les leviers de l’engagement militant « institutionnel » et, enfin, proposer une alternative à ces mêmes structures institutionnelles : une façon d’aborder le féminisme et les luttes connexes plus souple, parfois festive, souvent au prisme de la production artistique – tout en essayant de conserver la force revendicative de la « lutte » politique.
En somme, nous nous positionnons comme héritières de tous les courants de pensée qui ont façonné le militantisme féministe ces dernières années, tout en essayant de nous approprier ce socle idéologique pour produire des formes d’engagement renouvelées. Nous nous sommes engagées à 5 sur le chemin d’une déconstruction que nous menons à mesure que nous avançons au sein de Brigade du Stupre.
Comment vous est venue l’idée de collaborer?
Nastasia : Par connexions amicales ! Nous nous étions rendues à l’évènement Point Of View du Printemps dernier au L.E.A. (organisé avec le collectif CURI). Le lieu est mortel ! Par la suite, et par le jeu de connexions amicales internes, on s’est dit qu’on pourrait collaborer sur la prod’ d’un évènement commun. Aussi, pas mal des artistes programmés sont des potes, c’est une teuf de potes à la base. Et nous, côté Brigade, on met également en avant le travail artistique et militants de potes. Bref, ligne éditoriale : potes
Matthieu : Côté Point Of View, nous avons toujours l’envie de proposer plus que de la musique sur nos événements. La Brigade était vraiment une évidence pour cette édition notamment de par le lieu, qui nous permet de faire des expositions/projections/performances en plus des lives/djset. Mais, surtout, nous trouvions très important de soutenir au maximum la démarche féministe des filles de la Brigade, qui défendent cela corps et âme. Y participer de près est un grand honneur et plaisir, et nous permet, à notre manière, de nous investir avec elles à 100%.
Vous coorganisez un évènement le 21 mai. A quoi doit-on s’attendre de particulier ?
Nastasia : Pour ce qui est de la programmation Brigade du Stupre, nous avons pris le parti de nous adresser aux corps et à leurs fluides. Ce choix thématique résonne avec nos expériences personnelles comme avec nos objectifs en tant que collectif : apporter une grille de lecture féministe, intelligible et non-repoussoir pour le plus grand nombre, sur des problématiques contemporaines. Il sera donc question des corps, de représentations dissidentes des corps, et des expériences du corps : les matières organiques et fluides qu’il produit. On parlera de la mouvance du body positivism et on essaiera de proposer des expériences pratiques et artistiques autour de l’idée de ré-appropriation/dédiabolisation des fluides corporels. De manière très concrète, on proposera accrochages photographiques, installations plastiques et ateliers pratiques : un atelier façon « chambre photographique » autour du body positivism et de la remise en question des frontières de genre, animé par Debbie Claire, et un atelier sur la libération de la parole et la création à partir de fluides corporels, animé par le collectif F.L.U.I.D.E.S. Les deux sur inscription car les places sont limitées !
Matthieu : Niveau musique, en plus des résidents de Point Of View (Fleuve/Francïs/Applet/Minimum Syndical) ou de Brigade du Stupre (Kinski/Kaplan), nous avons programmé des groupes représentatifs d’une scène française bourgeonnante, notamment sur un plan rock/noise/expé (Areva, Badbad, Usé) mais aussi sur le plan électronique, avec un mec comme Renart qui est dans les parages depuis quelques années mais qui continue à se renouveler fortement. Des jeunes artistes (à l’exception d’Usé) qui sont dans les friches, parfois éloignées, mais qui ont un ethos semblable. On commence avec nos deux headliners : Usé (Born Bad Record), c’est un mec solo qui fait une musique sans concession, entre musique de transe et rock ultra puissant. Son disque « Chien d’la casse » est tout beau tout chaud, juste à peine sorti dans les bacs. Usé, c’est un vrai artisan de l’underground français qui officie dans un tas de groupes totalement hors du commun, notamment les gigantesques Headwar.
Ensuite il y a Renart (Cracki/Down), qu’on ne présente plus vraiment dans le milieu de la nuit. Renart c’est un vrai punk défricheur dans l’âme mais qui transmet ça plutôt via ses machines. Il est un peu comme Usé mais version techno.
Avec ces deux là c’est l’exemple même de ce dont je parlais tout à l’heure quant au mélange des publics : le but est de faire aimer des musiques à des gens qui ne les connaissent pas nécessairement. Prouver à des rockers qu’un mix electro peut être plein de morceaux qu’ils vont aimer et qu’un live électronique peut être bourrin et s’insérer sans soucis entre deux concerts “rock”. Et pour les technoïds, que le rock en live peut retourner un dancefloor tout aussi dignement qu’un Dj. Ce qui rejoint ces publics c’est l’aspect physique, primaire de la musique. Écouter et apprécier un bon live électronique ou un bon live rock revient à la même essence : s’abandonner mentalement et physiquement à la musique et apprécier la transe qui en résulte. Faire le lien entre les deux nous paraissait donc évident. Tout comme s’adresser à des gens qui, plus que jamais en 2016, ont pour beaucoup grandi avec.
Ensuite, nous avons deux superbes girls bands avec AREVA, un duo No Wave/Synthpunk/Noise/Chanson française. C’est du brut de pomme très poétique avec un chant, un synthé et une basse (“Ma ville, mon cimetière”, extrait de leur disque “Demhotep II”, est disponible ici). De l’autre côté, Badbad viendra nous ensorceler avec ses machines et son Noise/Punk hardcore/Electro. Cela fait déjà plusieurs années qu’elle tourne sur la scène underground française et étrangère et c’est un réel plaisir de pouvoir la compter parmi nous. Elle possède un univers fort et sait plonger son public dans une transe auditive et visuelle très dark.
Enfin on a L.T.Létext, deux vieux briscards de la musique parisienne et banlieusarde qui ont officié dans beaucoup de projets par le passé (dont nous tairons le nom ici par souci de fraîcheur). Ces deux là tabassent tout un tas de machines et d’instruments en live pour produire une musique électronique avec une vraie chaleur qui fait le pont entre Ambiant (parfois) et Punk (souvent) (un extrait de leur premier EP “SS/TT” est disponible ici).
A côté de ça, nous aurons une programmation éclectique de DJs qui s’étalera sur tout l’évènement pour faire le pont entre les artistes live (davantage que combler les silences), en proposant des sets parfois aux antipodes avec de la funk/house/disco en passant par de la Cold wave/Garage/Indus ou encore de la UK bass/Beat music/IDM. Cerise sur le gâteau, à laquelle nous tenons beaucoup et qui nous permet d’utiliser pleinement le potentiel incroyable de la Halle L.E.A, nous proposerons deux ciné-dj. Dans un recoin de la Halle se trouve une salle de cinéma tout équipée (fauteuils rouges de rigueur) dans laquelle deux artistes, respectivement Graal et Url/A, proposeront chacun une performance live mêlant projections vidéo et dj-set.
Super ! Et sinon, que cherchez-vous « Souslajupe » ?
Nastasia : Chez Brigade du Stupre, on cherche à parler de ce qu’il s’y passe justement : on entend parler de sexualitéS (j’insiste sur le pluriel) et notamment de sexualité « féminine » – on cherche à diffuser des discours non culpabilisants à ce propos. On parle de chattes (dans une perspective body-positivist qui met l’accent sur la diversité des morphologies génitales), de plaisir féminin (en essayant de le mettre en perspective au regard d’une histoire médicale et gynécologique qui l’a longtemps nié et pathologisé) et de rapports aux organes génitaux qui soient non-excluants, non-sexistes et non-racistes. Et puis, en lien avec la thématique de l’évènement, on parle des ondes et des fluides qui passent par nos corps et en sortent. Sous la jupe il y a des sexes, des sexes qui jouissent, éjaculent et vibrent.
Matthieu : Pour compléter la réponse de Nast : …qui font vibrer nos corps, nos pieds, nos cordes vocales et notre envie de danser !
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ONDES & FLUIDES, le 21 mai au L.E.A.
Pour participer à l’atelier FLUIDES, envoyez un mail à collectif.fluides@gmail.com
Brigade du Stupre:
Point of View:
Matthieu F. – Twitter : @Matthieufoucher