Déconstruction en instance est un cycle de neuf poèmes qui parlent d’une relation non-exclusive et questionnent la place que prend l’amour dans ces relations. Ecrits depuis une posture tantôt romantique, tantôt ironique, tantôt théorique (ou les trois à la fois), ces textes sont traduits du russe vers le français et inversement, dans un espace intérieur bilingue qui est celui de la migration et de l’exil. Sensibles aux espoirs, aux peurs et aux élans ratés, ils reculent plutôt qu’ils n’avancent, pour arriver à un point zéro, où tout est possible, mais plus rien n’a valeur de certitude.
Les textes de Lenny Smirno sont illustrés par Faust Lust Smiatek.
Déconstruction en instance
Neuf pas dans un (poly)amour
2. Attachement
Aujourd’hui aujourd’hui aujourd’hui regarde
Nous avons réussi à nous détacher.
Ma main gauche collée au papier peint
A l’endroit où tu t’appuyais pour te faire prendre
Ma main droite serrée entre tes jambes,
Les doigts dedans, glissants et engourdis
Mes yeux par la fenêtre, mêlés aux pigeons
Camouflés, te regardent partir en roucoulant
Mon ventre sous la couette
Avec une pizza et les séries documentaires
Nez dans la salle de bain
Rôde dans le linge sale pour retrouver ton odeur.
Je répète sourdement,
Consciente de ma
Socialisation féminine
Monogame
Et très largement hétéro-normée :
Je n’ai pas besoin de toi pour me sentir entière,
Me détacher de toi provoque une défragmentation corporelle.
Une défragmentation intégrale : forme d’aliénation.
Nique l’attachement.
Aliéna aliénou aliéné
Aliénons-nous !
Aliénons-nous liénons-nous
Lions-nous
Lisnous
Nous
Apparemment c’est raté.