Déconstruction en instance est un cycle de neuf poèmes qui parlent d’une relation non-exclusive et questionnent la place que prend l’amour dans ces relations. Écrits depuis une posture tantôt romantique, tantôt ironique, tantôt théorique (ou les trois à la fois), ces textes sont traduits du russe vers le français et inversement, dans un espace intérieur bilingue qui est celui de la migration et de l’exil. Sensibles aux espoirs, aux peurs et aux élans ratés, ils reculent plutôt qu’ils n’avancent, pour arriver à un point zéro, où tout est possible, mais plus rien n’a valeur de certitude.
Les textes de Lenny Smirno sont illustrés par Faust Lust Smiatek.
Déconstruction en instance
Neuf pas dans un (poly)amour
7. Ombre
L’ombre de la table basse
L’ombre du fauteuil en cuir
L’ombre d’un palmier.
L’ombre d’un grand oreiller rouge
Le matin.
L’ombre des photos qui ont été décollées du mur,
Mais qui laissent des traces grasses de scotch adhésif
Bilatéral.
L’ombre des affiches au plafond :
Tatu, Alice au pays des merveilles, Rocky Horror Picture Show,
Britney.
L’ombre du cendrier
Et des mégots que je peux compter dedans :
un – c’est à moi
deux – c’est à moi
trois, quatre, cinq
(ceux-là ne sont pas les miens).
L’ombre de l’inquiétude sur ton front.
L’ombre des échafaudages sur le balcon,
Manque de lumière.
Il dit se sentir enfermé dans une pièce
dans un appartement
dans l’entre-soi.
Claustrophobie des liens familiaux.
Claustrophobie de la tendresse.
Moi, je suis claustrophobe de mon pays natal.
Tant que je suis ailleurs,
Je ne me sens pas enfermée.
Est-ce une fuite ?
Un refuge ?
Une trahison ?
L’ombre des maisons
Que nous avons abandonnées
Et dont nous garderons la trace,
Lui et moi.
Mais séparément.