Queer, féministe… et geek : rencontre avec le Reset

Reset - Dessin représentant trois personnes stylisées et des ordinateurs

Chaque dimanche, la porte de la Mutinerie (3e arrondissement de Paris) est ouverte et Zora, Lou, Menditso et July vous accueillent avec du café chaud et des chouquettes. Ils et elles font partie de l’équipe d’animation du Reset, un « hackerspace queer et féministe » actif depuis septembre 2016.

Un hackerspace, c’est un « un espace de bidouille et d’apprentissage des technologies numériques ». Mais si les hackerspaces en général « sont des lieux hyper intéressants où tu penses apprendre plein de trucs, » explique Zora, « quand tu te pointes, tu te rends compte qu’il faut déjà un certain niveau si tu veux comprendre. Certains ont une visée d’éducation populaire et de transmission non-académique mais si tu n’as pas un bac+5 en informatique, tu pleures. »

Le Reset se veut donc un hackerspace plus ouvert, mais aussi plus inclusif : les créatrices et créateurs du Reset ont fait le constat que la communauté geek n’était pas toujours accueillante pour les femmes ou les LGBTI. « Quand t’es une meuf, soit t’es identifiée comme mec — en étant par exemple “pas assez féminine” — et t’es acceptée, soit t’es une chair fraîche et on te demande où est ton mec en considérant que t’es là pour faire quelque chose. C’est pour ça qu’on voulait un lieu qui soit pensé comme étant un endroit où il y aurait, entre autres, un maximum de meufs. »

À ce premier constat s’ajoute la volonté de « croiser nos milieux » comme le raconte Lou : « Je me retrouvais en milieu queer à devoir mettre en place des choses techniques, parce que je sais faire. D’où ma réflexion : proposer aux militant·e·s queers et féministes de prendre en main les outils. »

Au lancement du Reset, la simple présentation du lieu comme « féministe » a sonné comme « un aveu de faiblesse technique »: « on a des gens qui nous ont proposé des ateliers en mode ‘c’est vraiment sympa que des meufs ouvrent un hackerspace, si vous voulez je peux vous former’ sans imaginer qu’on puisse avoir des gens parmi nous qui savent faire » explique Zora. Une réaction qui justifie à elle seule l’existence d’un tel lieu, « pour que les geeks aient le droit d’être queers et féministes et femmes ».

Frise composé de clitoris stylisés

Des ateliers…

Concrètement, le Reset propose chaque semaine différents ateliers, comme le Cryptobar sur la protection de la vie privée (chiffrement de ses communications, gestion des mots de passe…), les Queer Games autour de la création de jeux vidéos queers, ou encore des jeux et balades consacrées aux femmes de science et à la vidéosurveillance.

Ces différentes activités se veulent souvent des outils à destination des activistes, en fonction des demandes. Par exemple, dans le contexte de la mobilisation contre la loi travail — et de sa répression — le Reset a organisé une Cryptoparty destinée en priorité aux militant·e·s : « on voyait des gens parler sur Facebook de leurs activités militantes et d’autres choses aberrantes en terme de sécurité et on s’est dit qu’on pouvait informer ces militant·e·s sur les manières de se protéger par rapport, par exemple, aux forces de l’ordre. » 

Un moment réservé en priorité aux personnes ayant une activité militante, donc, ce qui, là encore, a donné lieu à une véritable shitstorm Twitter. Pourtant, comme le note Menditso « des formations pour journalistes sur ce sujet existent et ne créent pas d’esclandre mais quand c’est organisé par des féministes pour des militant·e·s, ça crée un problème ».

Image animée de Beyoncé souriant devant un ordinateur portable

… et une démarche

Dans toutes ses activités, le Reset se pose dans une démarche d’ouverture. Par exemple, pour les Cryptobars animés par July, celle-ci explique que « les gens viennent avec leurs questions, leurs inquiétudes » et elle adapte en fonction. Mais au delà, il s’agit de « laisser la place à des personnes qui ne l’ont pas forcément, pour être sûr qu’elles puissent participer et poser toutes les questions ». Le hackerspace s’est ainsi doté d’une charte : la participation aux activités suppose que chacun·e veille aux limites des autres et aux privilèges qu’elle ou il peut avoir. Pour les organisatrices et organisateurs, cela suppose une attention de tous les instants afin d’organiser notamment les prises de parole, comme par exemple ne pas se laisser entraîner dans des questions trop techniques limitées à quelques personnes alors que la majorité des participant·e·s n’aurait pas les mêmes connaissances.

 

De manière plus générale, l’équipe soigne l’accueil pour les visiteuse·teur·s : l’idée centrale est que les gens se sentent bien. « Ça fait une différence » souligne Zora. D’ailleurs, plus qu’un simple hackerspace, le Reset se veut « un espace de travail » : « on veut inviter les gens à venir travailler ou partager leurs projets » y compris éloignés de l’informatique, comme de la couture. « L’idée c’est que les gens prennent possession du lieu, dans le respect de ce qu’il est. »

Le Reset, c’est tous les dimanches de 11h à 17h à la Mutinerie (176-178 rue Saint-Martin 75003 Paris). Le prix est libre.

Retrouvez le programme et la charte sur le site lereset.org et de nombreuses ressources et infos sur leurs projets sur le Wiki du Reset.

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