QUEERSTIONNAIRE #9 -Aimé Pestel

Inspiré à la fois de Proust et Pivot, la rédac de Friction Magazine a décidé de proposer son queerstionnaire à des personnalités qu’elle admire. Une façon ludique – on l’espère – de faire connaissance. Aujourd’hui, rencontre avec Aimé Pestel, queerartiste dessinateur, autiste et transgenre.

Le principal trait de ton caractère ?

Je suis quelqu’un d’extrêmement émotionnel. Dans mon cas, cela induit une difficulté intrinsèque à trouver la juste distance avec les autres. Trop près, trop familier, ou trop loin, trop distant, avec ce qui se passe. J’ai tendance à prendre les choses au 1er degré et à ne pas trop saisir les subtexts. Après, ayant été identifié comme étant sur le spectre autistique il y a un peu plus d’un an, en principe cela explique pas mal de choses sur ce point… ! 🙂

Ton principal défaut ?

J’essaye de ne pas trop raisonner en terme de « défauts » dans la vie, même si j’ai évidemment un esprit critique envers moi-même et que je fais des erreurs, comme tout le monde. Le père d’une amie disait «Ce ne sont pas des défauts, ce sont des caractéristiques ! ». Je partage pas mal ce point de vue 🙂 Pour ce qui me fait défaut tout du moins, je dirais que l’on peut se référer à la réponse précédente : mon émotivité et ma lecture trop littérale des choses ont tendance à me compliquer la vie et mon rapport aux événements / aux gens. Mais c’est aussi ma source d’inspiration première ! Non tutti i mali vengono per nuocere (« Tous les maux ne viennent pas pour nuire, en italien). Mon père m’a dit au sujet de mon premier coming out il y a quelques années (lesbien, à l’époque) : « Ce que l’on te reproche cultive le, c’est toi », c’est une phrase de Cocteau.

Ton occupation préférée ?

Dessiner en écoutant de la musique tout en discutant avec des gens sur Instagram et en faisant de l’astrologie, c’est pas mal. Sinon la même chose, mais avec Shama, my Partner in Life 🙂 OU prendre l’apéro posé en petit comité avec des gens chouettes en nature, c’est cool !

© Aimé Pestel

Ce que je voudrais être ?

Si possible, moi, mais dans une version qui a appris à prendre un peu plus confiance en sa sensibilité et sa manière d’agir dans la vie. Évoluer dans mon travail d’artiste. Pour l’instant dans mes projets, je suis plutôt axé sur le dessin, mais comme je l’ai mentionné, je fais aussi de l’astrologie et du tarot, donc si je pouvais aussi évoluer dans ces domaines globalement et continuer d’aider des personnes, proches ou plus éloignées, à se sentir mieux via ces médiums, ça me plairait pas mal. Avec Shama, on a aussi commencé à faire des vidéos concernant la transition, l’autisme et la non-binarité, en espérant que cela parle à des personnes concernées et les aide un tant soit peu à s’accepter en sachant que leur point de vue est tout aussi valide et légitime que les autres. La prochaine vidéo ne devrait pas tarder, si tout va bien 🙂

Le métier que tu n’aurais pas aimé faire ?

Je suis psychosociologue de formation, ce qui aurait pu me destiner au consulting ou aux ressources humaines. Mais je trouve le monde du travail et de l’entreprise globalement assez problématiques à l’heure actuelle donc je sais que j’aurais été clairement au casse-pipe dans cette voie, ça ne coïncide pas du tout avec mes valeurs personnelles (rien que l’expression « ressources humaines » pose problème). Par ailleurs, je n’ai pas les outils cognitifs pour travailler dans des espaces avec plein de monde, d’interactions et de bruits toute la journée, donc ça ce serait compliqué voire impossible pour moi, même sans ça.

Ta drogue favorite ?

Mmm…l’astrologie et le contact avec les forces occultes, peut-être ? La soif de comprendre. J’ai un besoin viscéral de pouvoir mettre des mots et des explications sur tout ce que je perçois et expérimente dans la vie. L’art, la beauté globalement, je peux vivre de grandes extases comme ça.

 

Ton rêve de bonheur ?

Avoir le sentiment d’avoir trouvé ma place dans ce vaste monde, avec des individu.e.s autour de moi qui me comprennent et avec qui je peux échanger sur tout, mettre en place des projets, mais qui comprennent mon besoin de solitude régulier. Vivre un peu d’amour et d’eau fraîche, ça manque par ici 🙂

Quel serait ton plus grand malheur ?

Y en a pas mal, notamment concernant les gens que je serais susceptibles de perdre. Mais j’ai tendance à croire que l’on ne peut pas imaginer le pire sauf quand il est là. Le propre du pire est justement de nous prendre de court. Mais je crois à la résilience et au fait que l’on peut se relever de tout. En quelque sorte, si l’on s’en tient à cette conception, le pire n’existe pas et on ne peut hiérarchiser les malheurs, car les mêmes choses ne nous atteignent pas de la même façon toute notre vie. Régulièrement, j’expérimente des choses dans mon propre vécu qui me paraissent insurmontables sur le moment, alors que ces mêmes choses sont perçues comme parfaitement anodines par la majorité de la population, donc je suis amené à beaucoup relativiser.

Ton mot préféré ?

Y en pas mal mais je les reconnais quand je les utilise ! Il y en a, c’est pour la sonorité, d’autres pour le.s sens qu’ils induisent 🙂 J’adore les adverbes ! (j’ai l’impression que c’est le cas de beaucoup d’autistes).

Le mot que tu détestes ?

Idem, exactement pour les mêmes raisons.

Le son, le bruit que tu aimes ?

Les sons doux, posés et délicats, mais qui étrangement savent se rendre parfaitement perceptibles. Je suis souvent impressionné par le pouvoir de la délicatesse (ça marche avec les gens).

Le son, le bruit que tu détestes ?

Mes jeunes voisins qui braillent et crient « fils de puuuute ! » toute la journée. Les scooters débridés qui passent fréquemment devant chez moi pour faire des démonstrations de virilité. Les voitures. Les bruits de vaisselle. Les sons aigus en règle générale.

Ton juron, gros mot ou blasphème favori ?

J’adore « Holly Cow ! », je trouve ça très drôle car ça n’est pas vulgaire, et littéralement ça veut dire « sacré vache », ça peut même sonner positif du coup. J’aime bien la version « Holly Shit » aussi, obviously (pour une fois, ça ne fait de mal à personne en plus).

Ton héros/héroïne favori/te dans la fiction ?

Wouah, que c’est difficile comme question ! Je regarde tellement de séries depuis quelques années qu’il y en a beaucoup, en plus moi je m’attache très vite (Cancer = Cœur d’artichaut <3 ) donc difficile de faire une sélection… Dans les choses de ces derniers mois, j’avoue que j’ai trouvé très intéressant / profond / intense le personnage de Jessica Jones, d’autant que la série abordent beaucoup de questions importantes.

 

Tes héros/héroïnes dans la vie réelle ?

Mmm…Même si nous n’avons pas toujours une relation très simple, je trouve que le parcours de ma mère a quelque chose d’assez héroïque, ça fait longtemps que je me dis ça (j’ai mis un moment à le réaliser aussi). Elle a eu 3 enfants durant ses études de médecine, et ce, en 3 ans, puis un.e 4ème, 8 ans après. Je suis dans les remerciements de thèse de ma mère, j’ai été dans les amphi durant mes premiers mois, et en salle de garde avec mes frangin.e.s parfois quand personne ne pouvait nous garder (exceptionnellement, mais quand même!). Après, elle a bossé au SAMU comme urgentiste, puis s’est spécialisé dans le traitement de la douleur, et est maintenant gériatre en train de devenir spécialiste d’Alzheimer. Elle a été la seule femme médecin, et la plus jeune, à l’Ordre des Médecins pendant des années. Enfin, il y a tellement de choses à son compteur, elle a une force d’action phénoménale je trouve (Bélier, en même temps). Moi c’est ma mère, donc ça fait peut-être un peu niais et ça comporte une certaine forme de normalité dans la vie de tous les jours, mais quand je m’imagine rencontrer quelqu’un.e avec ce parcours, à l’heure actuelle, je m’imagine assez cloué pour le coup.

Une personne pour illustrer un nouveau billet de banque ?

Abolissons les billets et les banques ! <3

Un.e créateur.trice que tu admires particulièrement ?

C’est par phase parce que j’épluche tellement de trucs par jour que j’en ai beaucoup à l’esprit, mais si j’arrive à faire une liste, je le ferais (Mercure en Gémeaux, oui oui,  certain.e.s comprendront). Ah, malgré tout, je tiens quand même à mentionner Daniel Arzola, car je trouve très riche son parcours de vie et sa manière de se positionner, ainsi que son style graphique, très beau et très powerful. Évidemment, ça fait aussi plaisir de voir une autre personne autiste réussir à se faire entendre et éveiller les consciences sur certains sujets. Je pense notamment à sa série « No Soy Tu Chiste » que je trouve très esthétique, par ailleurs.

©Daniel Arzola – I’m not a joke

Personnages historiques que tu méprises le plus ?

Y en a pas mal nécessairement, puisque l’Histoire avec un grand H est écrite par les dominants (pas besoin de mettre l’écriture inclusive sur ça, c’était juste des cismec en mode masculinité toxique). #fragilemasculinity

Les fautes qui t’inspirent le plus d’indulgence ?

Il y en a beaucoup car j’ai conscience que nous n’avons pas tou.te.s le même background sur ce point, entre les « dys» (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, etc) et nos origines sociales, je préfère ne pas juger. Par contre, j’ai du mal avec le fait d’entendre « vingt heures et quart » ou « vingt-deux-heures et demi », je ne sais pas pourquoi, ça touche à mon principe de cohérence je crois. (ahah vive l’autisme)

Ta devise ?

Dernièrement, il y a deux choses qui m’ont fait du bien et j’essaye d’y penser régulièrement c’est « Tu as le droit et tu es capable de…(fill in the blanks) ». C’est un.e autre autiste qui me l’a communiqué car ça l’aidait beaucoup dans la vie. Et « universe has your back ». Ça me va assez bien ce principe cosmique, d’autant qu’on peut aussi bien personnifier l’Univers que simplement apercevoir la globalité de ce qui se joue en son sein et le fait que tout est relié (quelle que soit l’approche). Quand j’étais plus jeune et que j’étais plus fougueux et, hum, téméraire, -disons-le-, je me disais régulièrement « plus qu’à assumer ». Ça m’a beaucoup aidé !

Plus d’infos : 

aime.pestel.tumblr.com
Instagram : @aime.pestel
Facebook : aime.pestel.art (Aimé Pestel)
Youtube : The Non Binary Autistic Project

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