Retour au ciné : on a vu le film « Deux »

Deux (réalisé par Filippo Meneghetti et co-écrit avec Malysone Bovorasmy) n’a clairement pas à rougir de sa carrière jusque-là. Avec un césar du premier film et des nominations pour ses actrices, le film a reçu de nombreuses éloges critiques sans pourtant avoir la chance de bénéficier d’une sortie en cinéma normale. Depuis mardi, il est revenu en salles et c’est dans ces conditions qu’on a la chance d’enfin le découvrir.

Deux nous fait entrer dans l’intimité d’un couple de septuagénaires nommées Nina et Madeleine, ensemble depuis plusieurs années sans pour autant être out auprès des enfants de l’une d’elles. Je m’en voudrais (et vous m’en voudriez) de vous en raconter plus. Ce que je peux vous dire toutefois, c’est que les deux amoureuses vont traverser des difficultés liées à leur grand âge, en essayant de faire front du mieux qu’elles peuvent, malgré le caractère secret de leur relation. Au cours de l’histoire, l’homophobie n’est que rarement externe : elle se loge surtout dans le personnage de Madeleine, dans la crainte de dire les choses, dans la retenue qu’elle a. C’est ce qui fait que ce thème, qui n’est toujours qu’évoqué du bout des doigts, est là sans pour autant prendre une place immense. L’attention est surtout accordée à la détermination amoureuse des deux femmes, à l’amour qu’elles se portent et aux obstacles qu’imposent la honte et les autres. Il est intéressant de voir comment les auteur·es ont fait le choix de se concentrer sur l’intimité sans pour autant occulter complètement l’homophobie, thème qui prend souvent l’entièreté de la place des histoires gays et lesbiennes au cinéma. Deux se montre juste, apte à narrer les difficultés d’être un couple âgé lesbien mais surtout l’amour si intense de ses deux personnages. Il ne perd jamais de vue son sujet mais évoque tant de choses qui résonnent en nous : sortir ensemble alors que l’un.e est dans le placard et pas l’autre, les difficultés administratives lorsqu’on est un couple gay, l’injonction à l’hétérosexualité, vieillir à deux…

Ce film se distingue particulièrement par sa délicatesse. La caméra porte une douceur incroyable et dévouée à ses personnages, à l’aide de plans solides et stables, qui viennent poser le quotidien de ce couple à travers des portes, des judas, des fenêtres. La bande-son se fait discrète, de façon qu’on puisse mieux entendre les bruits de la vie à deux, y compris ceux désagréables, qui dressent le poil. Une réalisation sans fioritures en somme, qui vient soutenir une narration lente, aux dialogues rares et aux moments de poésie élégants.

Deux fait plaisir à voir pour toutes ces qualités et pour ce bonheur-là : voir des personnes queers âgées, voir des femmes septuagénaires s’aimer, assister et encourager silencieusement, pleurant.e dans son fauteuil, la puissance furieuse d’un amour exceptionnel, qui brave les interdits, les obstacles et les affres de la vieillesse.

Deux est dans les salles depuis le 19 mai et disponible durant une semaine dans plusieurs salles d’art et d’essais parisiennes. Également disponible en VOD.

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