Elle ripe, sa voix.
Elle est délicate, fragile, elle semble danser sur un fil tendu dans les hauteurs des octaves.
Des intonations qui irritent les insensibles, qui font des monts et des vallées dans l’excitation comme dans la colère.
On entend les petits points un peu partout, ils font suinter les finalités des syllabes.
Les han, les ah, ouh
Des fioritures qui se font sons.
Les mmh, les nan, les hi.
Comme des décorations étincelantes.
Dans ma bouche, il y en a de tout ça. J’ai appris à chérir ces éclats, ces petites inutilités stylistiques. J’entends tinter ces clochettes qui me font rire, rire qui semble secouer mille autres carillons, semblables à des églises d’altitude perchées dans ma gorge.
Mais c’est surtout sa voix que j’aime. Je crois qu’elle est accordée pour jouer des mots tendres. Elle parait parfois à contre-emploi dans les rages politiques. Et pourtant, dans ma mémoire, les fureurs s’habillent dans la fragilité de son timbre. Toujours. Je l’aime aussi comme ça, sa voix, j’aime toutes les surprises qu’elle déploie.
Cette tonalité, elle lui appartient comme elle a appartenu à tant d’autres hommes avant lui, petite chose précieuse qui serpente entre ses lèvres et les font pincées, en cœur. Cette voix m’est chère. Elle est belle, dramatique, sensuelle, elle a percé mes nuits, mes cris, la poitrine de mes amis.
Cette voix est sérieuse, d’autant plus qu’on la qualifie souvent de superficielle, de grandiloquente. Elle peut être aussi blessante que les insultes dont elle fait l’objet, qu’elle ramasse puis enjolive de sa langue élégante.
Il n’a pas à en avoir honte, de cette mélodie qui sautille en bordure de la masculinité. Une mélodie qui ressemble à une gosse espiègle, une gamine qui forme des bouquets sauvages qu’elle jette tels des cocktails remplis d’alcool et d’étincelles sur les maisons des honnêtes gens.
Elle est fragile, sa voix, elle est forte aussi comme ça. Et contrairement à ce que certains aiment penser, elle ne ploiera pas. Jamais elle ne cassera.