Le dimanche 13 janvier, le collectif Art Whore Connection, composé de travailleur·se·s du sexe, publiait une vidéo appelant le Conseil Constitutionnel à « respecter [leurs] droits fondamentaux ». En effet, le 22 janvier, celui-ci débattait sur la loi de 2016 sur la loi pénalisation des clients, et rendra son avis le 1er février. Cette décision pourrait changer radicalement les conditions de travail des travailleur·se·s du sexe.
Dans la vidéo, joliment nommée « Putes & Rossignol », plusieurs travailleur·se·s du sexe sont assis·e·s dans un canapé et réagissent à une intervention de Laurence Rossignol sur France Culture en février 2018. Alors que celle-ci vante les avantages de la loi de la pénalisation des clients, iels rappellent que « les travailleur·se·s du sexe n’ont pas été invité·e·s au débat ».
Marianne Chargois, réalisatrice de la vidéo et travailleuse du sexe, explique : « On attend de nous qu’on donne des détails sur nos prestations sexuelles et sur nos vies, mais pas que nous donnions nos analyses [sur notre condition]. Elles sont considérées sans valeur, comme si le fait de travailler avec nos organes génitaux anesthésiait notre cerveau. […] On continue à confier l’analyse de nos activités à des tiers experts qui n’y connaissent rien. Nous souhaitons être invité·e·s en tant qu’expert·e·s de ce qui nous concerne, en tant que sujets pensants, mais nous continuons à être relégué·e·s à l’endroit du témoignage. » La loi de pénalisation des clients, dite du modèle suédois, fait que les clients s’exposent à une amende de 1500 euros lorsqu’ils font appel à des services sexuels. Cette loi a fait suite au délit de racolage, qui exposait les travailleur·se·s du sexe à des amendes, gardes à vues et peines de prison.
Mais quand Mme Rossignol explique que les « personnes prostituées ne sont plus pénalisées depuis l’instauration de cette loi », les spectateurices rient jaune : « Arrêtés municipaux, discriminations à l’accès au logement, expulsions, interdiction de toute forme d’entraide et de coopération, perte de revenus, stigmatisation, harcèlement policier et précarisation » sont selon elleux les conséquence véritable de la loi de 2016. Pour appuyer leurs propos, iels citent une étude datant d’avril 2018 et menée par des associations comme Médecins du Monde, Acceptess-T, le STRASS et Le Planning Familial.
Et la conclusion de cette enquête est sans appel : la loi de pénalisation du client détériore les conditions de travail de tou·te·s les travailleur·se·s du sexe. « La majorité des travailleur·se·s du sexe interrogé·e·s considèrent que la pénalisation des clients s’avère plus préjudiciable pour elles et eux que l’ancienne mesure de pénalisation du racolage public. Les effets négatifs de la loi se font ressentir sur leur sécurité, leur santé et leurs conditions de vie en général », peut-on lire. Les principaux risques viennent des clients eux-mêmes : moins nombreux et arguant le fait qu’ils se mettent en danger, ils tentent davantage d’imposer leurs conditions, refusant le préservatif, ou tentant de marchander sur le prix des services reçus, ce qui en plus expose les travailleur·se·s à des violences. « Cette situation entraîne un appauvrissement des personnes, surtout pour celles déjà en situation de précarité ».
Pour les personnes concernées, il ne faut pas chercher bien loin. La vidéo d’Art Whore Connection se termine en citant le fait que 88% des travailleur·se·s du sexe sont opposé·e·s à la pénalisation des clients. « Ce que nous apporterait le révision de la loi, en dehors d’une amélioration de nos conditions de travail, serait également une forme de réparation face à toutes les calomnies et diffamations que nous subissons de la part de nos adversaires politiques. Une reconnaissance du fait que nos vies à nous, les putes, les travailleur·se·s du sexe, les tapins, les prostitué·e·s, toutes ces populations qui dégoûtent les bien-pensants, comptent aussi » explique Marianne Chargois. Il serait peut-être temps de les écouter.