De plus en plus d’espaces lesbiens et queer se revendiquent d’une non-mixité FLINTA*. Pour nous, cette non-mixité, et à fortiori l’acronyme FLINTA* soulèvent plusieurs questions. FLINTA* part du postulat que les groupes sociaux sont hermétiques … Comment faire si un groupe d’amies composé de NB, lesbienne, personnes trans, cishets, inter et des PD’s veulent chiller ensemble dans la même soirée ? Oui, il est essentiel que des lieux revendiquent la création d’espaces qui ne soient pas exclusivement dédiés au cliché du mec cis gay blanc dominant. Toutefois, nous appelons à plus de vigilance quant à la non-mixité qui ne saurait être une fin en soi mais doit rester un outil de construction de luttes politiques.
FLINTA* : qu’est-ce que c’est et quelle est l’origine de l’acronyme ?
L’origine de l’acronyme Frauen, Lesben, Intergeschlechtliche, nichtbinäre, trans and agenderest ancrée dans l’histoire féministe allemande qui prend sa source avec la création de Frauenräume espaces pour les femmes dans les années 1970’s puis étendu petit à petit pour représenter d’abord les lesbiennes. Selon le Tagespiel « also für all jene, die aufgrund ihrer Geschlechtsidentität patriarchal diskriminiert werden », c’est-à-dire qu’il s’agit d’espaces pour quiconque est discriminé de façon en raison de son identité sexuelle.
Si l’on regarde la page Wikipedia anglophone de l’acronyme, on peut lire : « FLINTA* specifically refers to the gender identity of individual ». L’acronyme fait référence à des identités de genres discriminées. Par conséquent, il implique une conception de la transidentité qui l’exclut des sphères de la féminité ou de la masculinité. Par ailleurs, l’inclusion du L des lesbienne ferait référence à Wittig quand elle affirme que « les lesbiennes ne sont pas des femmes » toutefois il nous semble que cet acronyme entretient une confusion entre différents niveaux d’oppression par le système cissexiste et hétéropatriarcal.
Quand on adjoint le terme de sexisé·es formé sur le modèle de racisé·es pour « personne victime de racisme systémique » on peut supposer qu’on renvoie aux personnes victimes d’oppression systémiques sexistes. Or les gays sont également victimes de ce système. Quelle pertinence dans cette exclusion dans la politique d’un lieu ou d’espaces festifs en dehors d’événements ponctuels ? Pourquoi s’inquiéter que des pédés aient des vélléités d’envahir des espaces de parole ou de sexe estampillés FLINTA* ?
Une exclusion de principe des mecs cis
La question se pose alors de la place qu’on laisse aux mecs cis non hétéro qui subissent l’homophobie, oppression qui repose sur des ressorts sexistes. Revendiquer une non-mixité FLINTA* revient à les considérer comme des ennemis de principe alors que ce ne sont pas eux qui restreignent les libertés des autres minorités de genre ou sexuelles. Pour nous, c’est une erreur politique de poser des exclusions ainsi, et ce d’autant que l’on intègre les femmes hétérosexuelles dans le même temps qu’on exclut les mecs cis gays. On se retrouve face à une politique d’inclusion qui repose sur l’ostracisation de personnes discriminées.
Cela soulève de nombreuses questions, à commencer par la pertinence d’espaces FLINTA* qui proposent des shows drag en programmant des queens dont les amis et les amants sont exclus. Il peut être pertinent de formuler certaines limites aux cadres d’événements, par exemple sexpositif pour se prémunir de la présence non souhaitée de mecs cis hétérosexuels qui souhaiteraient envahir ces espaces. Or, force est de constater que jamais des pédés chercheraient à le faire. Il est important de faire la différence entre mecs cishet et mecs queer.
Au contraire, il nous semble nécessaire de créer des espaces vraiment inclusifs et donc qui ne reposent pas sur des principes d’exclusion : le système d’oppressions hétérocissexistes pèse, de manière différente certes, sur toutes les minorités de genre et sexuelles.
Une non-mixité également biphobe
La non mixité FLINTA* est aussi biphobe. La place donnée aux mecs bis est juste inexistante, avec pour eux les seules alternatives de se planquer dans les milieux gays ou hétéros. La place donnée aux meufs bies est mince, et la non mixité FLINTA* vous invitent bien cordialement à mettre la moitié de vos attirances au placard.
Supposer que tout le monde est soit homo ou hétéro prive la communauté bie d’un espace, et les initiatives intra communautaires sont trop peu nombreuses et elles même entachées de la peur constante « d’avoir l’air trop hetero ».
Quelle inclusion pour les personnes intersexes ?
L’intersexuation est souvent perçue dans les milieux queers non éduqués comme un genre de non-binarité mais qui relèverait du biologique. L’intersexuation, ce n’est ni une identité de genre, ni une orientation, c’est un vécu d’invalidation sociale et/ou médicale des corps qui sortent des normes médicales binaires du masculin et du féminin. Être intersexe ça n’est pas un genre (même si certaines personnes Inter s’identifient de la sorte). Il y a des mecs cishet inter, des mecs cis gay inter, des meufs cishet inter (il y en a même beaucoup). Il y a même énormément de personnes qui ont des traits intersexes et ne se reconnaissent pas du tout dans le terme politique intersexe/sont enfermé.es dans une logique de pathologisation de leur intersexuation.
Les personnes intersexes demandent qu’on s’intéresse réellement à leurs combats et que les milieux queers sortent de la performativité militante ignorante. Car mettre FLINTA* sur un événement sexpositif, sans sensibilisation aux questions inter, c’est purement performatif et extrêmement contre-productif. Clamer que « tous les corps sont beaux » et voir ses participant·es jeter des regards en coin voire franchement dégoûtés sur les corps inter ou gros, poilus, avec des cicatrices n’est pas acceptable.
Cette fausse politique de l’inclusion conduit à des situations ubuesques où des personnes inter se font exclure d’espaces queer parce que ces personnes ont manifestement trop un « passing cishet ».
La question des masculinités trans et gay
La question de nos rapports aux masculinités hors du spectre cis-hetero doit être réfléchie. La revendication d’espaces ABCD (anything but cis dudes) est juste transphobe. Les mecs trans et personnes transmascs sont des hommes et les considérer comme désirables uniquement parce qu’ils sont trans relève de la fétichisation. Les masculinités des personnes transmascs ou personnes non binaires peuvent prendre des formes variées, qui ne sont que rarement accueillies dans les milieux gays ou lesbiens traditionnels. Faire de la place à ces masculinités dans les milieux queer est dès lors primordial.
De fait, la non-mixité FLINTA* conduit à une forme de gatekeeping sur l’apparence qui force à l’outing des personnes trans et exclut les personnes en questionnement. Les mecs trans stealth se trouvent-ils contraints de prouver qu’avant ils ont subi du sexisme ? Les personnes enby doivent-elles faire un effort pour arrêter d’avoir des tenues et attitudes qui les sécurisent pour montrer patte blanche ? Faut-il avoir l’air trans ou intersexe pour être accepté·e ? Et quid des mes cis gay qui sont confrontés à de la follophobie et qui sont ramenés/rabaissés à la condition féminine en dehors des espaces queers ?
À l’inverse, il nous semble plus pertinent de proposer des espaces en non-mixité queer qui repose sur l’autodétermination et l’identification de la queerness quelle qu’en soit la raison.