Après un premier succès avec Save me Mr.Tako, Christophe Galati revient avec Tako no Himitsu: Ocean of Secrets, un nouvel opus plus sombre qui nous fait plonger dans un monde où poulpes et humains se font la guerre. Afin de comprendre ses influences artistiques mais aussi les défis qu’imposent l’évocation de sujets LGBTI dans le monde du jeu-vidéo, nous avons échangé avec lui.
Bonjour Christophe, peux-tu nous évoquer ton parcours ?
J’ai commencé à créer des jeux vidéos quand j’avais douze ans. J’ai un frère qui est collectionneur de jeux vidéos et en grandissant il m’a un peu transmis la culture et au collège j’ai découvert RPG Maker avec un ami. Mon premier jeu était un fan-game de Pokémon, j’ai commencé à présenter en ligne les jeux que je faisais. Il y avait déjà un côté dark et mythologique qu’on retrouve encore dans mon travail aujourd’hui. Après mon bac je suis parti directement en école de jeux vidéos à Paris. A dix-neuf ans j’ai commencé mon premier jeu indé qui est donc Mr : Tako en parallèle de mes études et de mes stages. J’ai très vite pris l’habitude de faire ça dans mon coin, le soir et le week-end.
C’est marrant car tu parles beaucoup de « dans ton coin », tu évoques RPG Maker et à titre très personnel, j’ai toujours l’impression que la culture jeux-vidéos on est souvent en tant que LGBT pas forcément concerné·s ou pour nous car c’est une culture dominée par les mecs hétéros et cisgenres. Est-ce que justement ces outils t’ont permis plus facilement de t’isoler et de te sentir safe ?
Moi, pour le coup, mon grand-frère m’a un peu tout apporté mais est aussi queer. Pendant tout mon collège-lycée, je ne jouais pas aux jeux en ligne, mon frère m’obligeait à commencer par les jeux rétros. Pour moi c’était pas du tout un bastion de l’hétérosexualité et quand je suis arrivé en école de jeux vidéo, j’ai découvert l’homophobie. J’étais le seul queer de la classe et à partir du moment où les gens l’ont su, on m’a un peu mis dans une case. Et ça m’a justement poussé à mettre des choses queers dans mes jeux vu que c’était pas tous ces gens que j’ai croisé dans mon école qui allaient le faire.
Est-ce que tu peux nous pitcher un peu ton nouveau jeu, Tako No Himitsu : Ocean of Secrets ?
C’est la suite de mon premier jeu qui reprend toujours une esthétique rétro. Le premier avec un style Game boy, platformer et qui dure d’une vingtaine d’heures, qui parle beaucoup de tolérance à travers une métaphore hommes-poulpes avec un univers où ils se font la guerre. Dans ce nouvel opus, j’explore l’esthétique Game boy Advance avec gameplay action RPG. J’ai gardé les poulpes mais ça se passe huit cent ans après et le jeu parle de secrets et de traumatismes, c’est le sujet central. Les poulpes ont été effacés de l’histoire. C’est un monde où on va découvrir que beaucoup de choses sont cachées, des ombres commencent à apparaitre et symbolisent les traumatismes. Tako était déjà assez deep mais là on est à un cran au-dessus, aussi côté queer d’ailleurs. Là, dans le nouveau jeu, on incarne plusieurs personnages dont un qui est drag queen.
Pourquoi un personnage de drag-queen ? Ce sont des artistes qui sont importants dans ton rapport personnel à nos identités ou c’est aussi pour le côté gameplay ?
Le drag est entré dans ma vie quand j’ai commencé à développer des jeux, au début du phénomène Drag Race mais avant la mainstreamisation. J’étais à Paris entre 2010 et 2015 avec une première vague de nouvelles queens parisiennes du style Cookie, Calypso… Et j’avais dans mon école de jeu vidéo, Mirage, drag queen qui est partie au Canada depuis. Et il m’a emmené dans ces endroits-là à Paris. Dès que je passe à Paris, j’essaye de voir des shows. Pour le premier jeu, il y avait des sujets que je n’ai pas osé aborder, que ce soit des sujets queers ou très personnels parce que je me suis dit « C’est mon premier jeu, c’est dangereux, est-ce que j’ai les capacités pour le raconter aussi ? »
C’est intéressant ce que tu dis car il y a toujours chez les artistes issu·es d’une minorité à la fois la pensée «Il faut que je dise des choses, c’est ma responsabilité » et « Est-ce que je suis bien légitime, est-ce quelqu’un d’autre le ferait pas mieux ? » Comment tu gères ce paradoxe ?
Le premier jeu était pas mal influencé par les attentats de Paris, vu que j’étais à Charonne quand ça a eu lieu. J’ai eu un passé assez traumatique sur ma période enfant-ado. Quand je suis arrivé à Paris, j’ai eu un sentiment d’invincibilité en mode « c’est bon, je vais dépasser mon trauma, je réalise mes rêves ». Et quand il y a eu les attentats, ça m’a ramené au fait que si je racontais pas certaines choses, je les raconterais jamais. A partir de là, Tako a commencé à parler beaucoup d’obscurantisme, d’un retour à l’extrémisme et à la guerre. Mais en le faisant, j’avais peur que ce soit mal reçu par le milieu du jeu vidéo. Il y a eu au même moment une grande vague du féminisme dans le milieu, avec un retour de bâton où on allait harceler les gens un peu queers, un peu féministes. Donc j’ai eu peur de ça avant de sortir le jeu mais au final, ça allait.
Depuis ma résidence artistique à Kyoto, j’ai eu une longue période d’introspection et je me suis recentré sur les messages que je voulais transmettre et maintenant j’y vais à fond. Même si je ne suis pas drag queen moi-même, plus plein d’amis qui en font et qui en parlent, j’ai un personnage drag car ça me fait plaisir et puis dans les jeux vidéos ils sont souvent très clichés, ça ne montre pas une vision réelle. J’ai toujours parfois le syndrome de l’imposteur mais dans le jeu-vidéo, il y a pas grand monde qui en est capable non plus. Et on a commencé à proposer à des artistes drags du monde réel d’apparaître en caméo dans le jeu et j’ai déjà eu plusieurs drags qui ont dit oui.
C’est quoi le futur du jeu ?
Désormais j’ai une société, je ne suis plus tout seul complètement. Le JRPG et le propos du jeu fait un peu peur aux éditeurs encore donc je me lance dans un Kickstarter où on peut trouver un trailer. Et on travaille sur une démo du jeu !
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