Vibrations #40: Encore une histoire d’île.

Le bonobo

Il y a, fin août, sur l’ile de Groix, au large de Lorient, un festival du film dont je ne devrais pas parler de peur que le secret ne s’évente. Le festival international du film insulaire, qui ne diffuse que des films tournés sur des iles et à propos des iles. J’ai été, pendant 4 années consécutives, le DJ du bar du festival, le Bonobo, qui ferme tard et dans lequel je passais de la variétoche jusqu’à minuit et d’autres sons plus énervés après. Pendant les 5 jours du festival, j’avais les nuits entre mes mains. Je faisais ça bénévolement, ce qui me permettait d’aller voir les films quand je le voulais, de boire des tonnes de bières à l’œil, et de profiter de l’île la journée.

Tout le festival tient dans une ancienne conserverie de poisson ainsi qu’une école de voile qui n’est plus aux normes et dans les bâtiments desquels on a installé la cuisine, des salles de cinéma, les bureaux, et dans les extérieurs tout un tas d’espaces pour manger, écouter de la musique, discuter, etc. C’est un petit festival de cinéma, qui ne se la joue pas, et c’est très bien comme ça.

Une année, alors que je me reposais d’une nuit intense dans un transat en palettes, j’ai rencontré Paul. Il avait le même âge que moi, je l’avais remarqué : il était bénévole au kiosque d’accueil. Le courant est tout de suite passé, nous avons bu un café ensemble et j’étais heureux d’être moins seul. Il était avec deux copines, de Lyon comme lui, et passionnées de cinéma, comme lui. L’après-midi, nous allons nous baigner dans l’eau froide et nous nous rapprochons tandis que les filles sont restées sur la plage de galets. Le soleil réchauffe les pierres, il y a une odeur d’été qui se termine, une atmosphère de fête, mais de la dernière fête avant les jours urbains, les jours feuilles mortes, et les jours pluie. Dernière fête avant la fin du monde. Sentiment d’urgence.

Paul et moi nous glissons dans le dortoir des bénévoles, je ferme la porte à clé, et nous baisons rapidement, un sourire aux lèvres. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble le reste de festival, nous allions à des séances ensemble et il venait me voir alors que je faisais danser les gens tard dans la nuit.

Nous nous sommes revus les années suivantes, et nous sommes devenus copains, heureux de nous voir, mais nous n’avons plus jamais baisé, d’abord parce que, je crois, nous n’avions pas les mêmes envies et puis il y a eu cette année où j’ai invité mon copain de l’époque, Younes. Et c’est de cette année que je vais vous parler.

Nous parlons régulièrement avec Paul sur Instagram, et il y a quelques jours il m’a demandé : est-ce que tu te souviens d’un garçon qui s’appelait Pedro au Fifig ?

J’ai tout de suite compris qu’il s’agissait d’un garçon avec qui il avait eu une aventure et qu’il essayait de le retrouver.

Port-Lay

Achille : C’est romanesque ça tu sais

Paul : Mais tu n’es pas le seul qui pratique le romanesque, Achille.

Achille : C’est pour ça que je suis curieux. Tu l’avais rencontré au festival?

Paul : Oui je l’avais rencontré au festival. C’était assez étrange.Ce mec est hétéro. Enfin en tout cas c’est ce qu’il disait

Achille : Hétéro jusqu’à ce qu’il te rencontre

Paul : Haha ben comme je ne l’ai plus jamais revu je ne sais pas si il avait vraiment jamais couché avec un mec ou pas avant moi

Achille : Mais il s’est passé un truc ?

Paul : Oui

Achille : Eh ben… Bonne chance pour le retrouver

Paul : Je te raconte si tu veux

Achille : Ah mais oui ! C’était un mec de l’organisation ?

Paul : Non. Juste un mec qui était en vacances pour peu de temps à Groix avec des amis à lui. Il devait avoir pas encore la trentaine. Il s’appelait Pedro. Vivait et travaillait à Lyon comme graphiste si je me souviens bien. Je discute un peu avec lui au bar, tu sais comment les rencontres sont faciles à Groix. Moi j’étais avec 4 amies. Et pendant la soirée ce type passait un peu de temps avec nous aussi. Mais un peu trop Du genre je me disais qu’il était intéressé par une pote à moi. À un moment de la soirée, je remonte vers le bar au niveau des dortoirs, et là ce mec me demande s’il peut me parler un peu, en privé. Je trouve ça bizarre mais why not. Donc on va s’asseoir là où y a moins monde. Et là il me demande si je suis gay. Il me dit qu’il est hétéro, qu’il a une copine, mais qu’il me trouve beau. Et que ça ne lui a jamais fait ça. Je sens l’embrouille. Et là commence un mélange de peur en mode « qu’est-ce qu’il me veut » et d’excitation.

Le kiosque

Achille : Pourquoi l’embrouille ? C’est plutôt cool non ?

Paul : Ben parce que les hétéros qui disent ça comme ça ce n’est pas si fréquent.

Surtout que ce mec est extrêmement beau, alors je comprends pas ce qui m’arrive. Je le connais pas. Et mon histoire personnelle de PD de province fait que quand on commence à te demander si t’es gay ce n’est pas pour te faire du bien.

Achille : Ah ouais

Paul : Bref. Il me dit ça et alors je suis en mode flatté et je lui dis merci et je ne sais toujours pas ce qu’il veut. Alors je lui demande. Et il me dit qu’il veut me sucer.

Achille : Boum. Romantique

Paul : Je suis de plus en plus dans le doute mais hyper excité aussi. On marche un peu mais pas trop car j’ai pas envie de trop m’éloigner. La fête continue sur le festival et le bruit diminue à mesure qu’on avance dans le sentier. On ne parle pas trop, du moins rien d’intéressant. Et derrière un vieux mur il se met à genoux et me suce. Là, je suis en quelque sorte rassuré. Je regarde autour de moi pour voir si personne ne vient. Mais il fait très nuit autour. C’est un sentier assez utilisé par les gens, l’été, il relie Port-Lay au Bourg.

Achille : Mais il t’avait donné des signes qui justifieraient d’être craintif ou alors c’était plutôt ton expérience qui jouait ?

Paul : Je crois qu’il avait le physique de quelqu’un qui joue avec les sentiments, tu vois ?

Achille : Je vois

Paul : Il était beaucoup trop beau pour que ça soit vrai. Et par ailleurs je m’étais fait agresser 4 mois plus tôt dans la rue. Par deux jeunes mecs.

Achille : Ah ouais dur. Une agression homophobe ?

Paul : Non, mais quand même. Juste deux gars qui voulaient mon fric et mon tel. Bref

Achille : Bon tu te fais sucer, c’est cool, et vous vous embrassez quand même ?

Paul : Oui on s’embrasse, et il embrasse bien. J’ai envie de le sucer aussi. Mais il veut qu’on aille plus loin pour être sûr qu’il n’y aura personne. Alors on marche longtemps sur le sentier côtier,  Il fait très nuit il y a les falaises, on voit les lumières de Lorient au loin, et un cargo entre dans la rade, c’est beau et effrayant à la fois. On arrive à un endroit magnifique et dégagé, une sorte de belvédère. On s’embrasse. On est au sol, je le suce. Sa bite est belle. Et il a envie de me prendre. Évidemment on a absolument rien avec nous…

Achille : Tu refuses j’imagine ?

Paul : Non. Parce que je suis bête et inconscient. J’hésite et on en discute. Il me dit qu’il est en couple blablabla. Il me prend. Il est hyper excité. Et moi aussi. Je suis sur le dos et au-dessus de lui il y a tout le ciel plein d’étoiles. Je n’ai pas froid. Je n’ai pas chaud non plus. Puis il me dit qu’il a envie que je le prenne.

Achille : Ah ouais, non mais quelle histoire.

Paul : Je rigole en lui disant que s’il ne l’a jamais fait c’est une très mauvaise idée de commencer comme ça. Mais je sens qu’il a envie de tout tester. Comme si c’était important pour lui. On essaie, mais à peine je commence à le pénétrer qu’il a mal (évidemment). Malgré toute la salive qu’on peut y mettre. On renonce et il me prend à nouveau. Il jouit dans mon cul.

Moi pas. On reste au sol. Puis le froid arrive, on se rhabille. On marche vers port Lay. Il m’embrasse Et me demande si je peux prendre une autre direction que lui pour pas arriver en même temps à port Lay. Car il y a des amis et qu’il veut pas qu’ils nous voient ensemble.

Achille : Oh le mec. Quel bâtard ! Tu lui a dit un truc ?

Paul : Non, ça me fait rire. Et je lui dit « pas de soucis ». J’arrive sur le site du festival il n’y a personne il est très tard. Le bonobo est fermé, tu ne mixes plus. Il doit être 4 heures et demie. Je rentre au dortoir et je me couche discrètement, sans vraiment réaliser ce qui vient de se passer.

Le lendemain je suis à la billetterie en tant que bénévole. Il est assis à une table à côté et boit un café avec ses amis. Ça m’amuse car il me regarde mais on fait semblant de pas se connaître

Ils ont leurs sacs et leurs tentes avec eux… Je comprends qu’ils s’en vont. Voilà c’est tout

Achille : Pas de numéro glissé ?

Paul : Non

Achille : Mais pourquoi tu veux le contacter ça a quand même l’air d’être un con non?

Paul : Je ne veux pas forcément le contacter. Juste le stalker.

Achille : Ahhh Intéressant, mais honnêtement compliqué… A part si tu marches lentement dans toutes les rues de Lyon avec Grindr dans la poche. Mais pour ça il faudrait qu’il ait évolué un peu. Mais enfin un gars qui ne veut pas qu’on le voit avec un pédé à 30 ans c’est soit un gars qui vit dans un milieu pourri soit un gros con non?

Paul : Haha je ne crois pas qu’il sera sur Grindr. Ça serait facile sinon. Bref voilà. Je me demandais si tu l’avais croisé mais apparemment pas. Notre premier date c’était une baignade non ?

Achille : Oui enfin on était avec tes copines. Mais le rapprochement s’est fait dans l’eau froide effectivement.

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