Whole 2025 jour 3 : sex, drugs & Whole new world

L’été dernier, Leslie avait découvert le Whole Festival et vous avait raconté ses trois jours passés au sein du plus gros festival queer du monde. Cette année encore, elle a décidé vous confier ses impressions et tous les détails de ses nuits interminables. Remise de sa descente, elle a choisi de parler des consos de drogues pour évoquer ce troisième jour de fête.

Le Whole est une expérience à part : quelque chose que les mots peinent à décrire. Il y a la musique, la liberté, les rencontres mais il y a aussi les drogues. Et si ce dernier report arrive bien après les autres, c’est qu’il a fallu redescendre des perches de kéta et gérer la descente pour pouvoir le relire à tête reposée.

Si l’orga du festival prévoit de nombreux points awareness ainsi qu’une sober tent, c’est peu de dire que les drogues sont une part importante du festival. Dans Les Paradis artificiels, Baudelaire écrivait : « L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes, allonge l’infini, approfondit le temps, creuse la volupté. » De la même façon, les drogues, au Whole, ne sont pas une façon de s’extraire de la réalité mais de lui donner plus de profondeur. Les consommations ici, il me semble, ont pour but d’enrichir l’expérience, il ne s’agit pas de fuir la réalité, il s’agit de lui donner une épaisseur que seules les drogues peuvent lui conférer.  Lorsque nous organisons notre venue au festival, une part non négligeable des préparatifs consiste à prévoir nos consommations, les substances que l’on veut prendre, les quantités. Je vis le festival comme un espace-temps clos hors du réel et du quotidien où je m’autorise un dérèglement des sens à peu près total. C’est une sorte de carte blanche de trois jours où les besoins naturels comme dormir ou manger passent après l’expérience totale du festival. J’ai énormément travaillé sur mon rapport à mes consommations au quotidien, dans la vraie vie, ici je me laisse porter par les envies. 

Mais les excès individuels doivent s’accompagner d’une vigilance collective. Je revenais vers le site du festival dans la nuit du samedi. Devant moi, un groupe de mecs pédés, je vois l’un d’eux s’affaisser de toute sa hauteur, incapable d’avancer. Ses amis tracent leur route, comme si de rien était. Je vais voir le mec en question et suis rejointe par une meuf bénévole au spot d’awareness. Nous le raccompagnions vers la tente. Il est incapable de nous donner la moindre info, ses amis l’ont laissé en plan. Un peu plus tard cette nuit là, enfin le matin suivant, nous nous retrouvons à tenir compagnie à un mec qui ne tient plus debout, ses yeux se ferment, ses jambes ne le portent plus. Nous attendons avec lui, essayons de savoir où sont ses amis. Dans les conversations Telegram, certaines personnes déplorent les consommations excessives de G. Pour ma part, et comme j’avais pu l’être lors de certaines soirées ou afters à Paris, je me fiche bien que les gens consomment telle ou telle substance. Je ne suis d’ailleurs pas en reste. Mais lorsque je me suis affalée contre une poubelle, incapable de me situer dans le temps ni l’espace, que j’ai mis 45 minutes à taper un message, j’étais bien heureuse d’être rejointe par un ami qui a veillé sur moi jusqu’à ce que je retrouve mes esprits. Les consommations ne sont pas anodines, elles ne sont pas sans risques, et elles devraient nous amener à être attentif·ves les uns aux autres. Dans un espace du dérèglement total des sens, il est essentiel que l’on prenne soin de nos proches et au-delà que l’on prenne soin des autres quels qu’ils ou elles soient. 

Par ailleurs, je suis assez surprise que les dispositifs de réduction des risques liés aux consommationq de drogues mais également aux pratiques sexuelles ne soient pas plus présents sur le festival. Peut-être n’ai-je vu que ce qui m’intéressait et n’y ai-je finalement prêté une attention que limitée. Je me demande dans quelle mesure nos responsabilités individuelles envers celleux avec qui nous partageons le festival s’articulent avec des dispositifs de prévention mis en œuvre par les organisateurices. Il me semble que c’est principalement là que doit se jouer le care communautaire dans un espace comme le Whole. 

À un moment, lors de la dernière soirée, j’ai réalisé que j’étais heureuse d’avoir découvert la kétamine sur le tard. Je ne sais pas si j’aurais pu continuer à être une adulte fonctionnelle si j’avais découvert à quel point la réalité est dense et belle et savoureuse en entrant dans l’âge adulte. Pendant le festival, j’ai dit que cette drogue prenait tout son sens ici, parce que s’il est une réalité que l’on veut vivre plus intensément, c’est bien l’expérience du Whole, les lumières, les décors, les corps, la joie pure. Je me demande si je pourrais vivre ce festival sans conso. Je ne suis même pas sûre d’en avoir envie. Mais je sais que je veux continuer de le vivre avec des gens qui s’assiéront près d’une poubelle jusqu’à ce que je retrouve mes esprits, ou des amis avec qui je ferai le tour du site du festival autant de fois que nécessaire parce qu’ils vivent mal une montée de taz. Les drogues, oui, mais surtout les drogues et des proches avec qui distendre le réel et regarder les lumières se mélanger dans des arc-en-ciels de joie pure.