A league of their own : du home run au génie lesbien

Le 12 août dernier, entre réchauffement climatique, baisse du pouvoir d’achat et débat inaudible autour du planning familial, Amazon Prime Vidéo nous fait presque oublier son bilan carbone abyssal en mettant en ligne la saison 1 de la série A league of their own sous l’œil aiguisé du Gouinistan.

Inconditionnelle de ce que j’appelle les films de sport et membre du lobby LGBTQIA+, j’ai renoncé à tous mes principes de limitation du temps d’écran pour binger le show.

Avant de lister les innombrables qualités de la série, d’en faire un éloge à la limite de la propagande féministo-queer et spoiler un peu mais pas trop, laisse-moi te faire un petit point historique et te pitcher le scénario.

En 1943, alors que l’Amérique envoie aussi ses jeunes athlètes au front, le patron des Cubs de Chicago dans un double objectif de profit (l’Amérique, tu connais) et de divertissement, crée l’All American Girls Professionnal Baseball League, une ligue de base-ball féminin qui connaîtra une décennie de popularité avant que, malheureusement, les hommes ne reprennent possession des enceintes sportives.

L’histoire a fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 1992 avec la queen Geena “Thelma” Davis, Tom Hanks et la pas encore ultra-botoxée Madonna. Le film réalisé par Penny Marshall ne traîte que superficiellement des questions raciales, de lutte contre le patriarcat et de réprésentation lesbienne en mettant au centre de l’intrigue l’entraîneur de l’équipe des Peaches de Rockford dont aucune des joueuses n’apparaît comme ouvertement queer.

30 ans plus tard, le remake, créé et interprété par Abbi Jacobson, met en lumière les destins croisés de cette même équipe et de Maxine Chapman, lanceuse talentueuse, exclue de la ligue parce qu’afro-américaine et se paie le luxe de faire interpréter certains de ses personnages par des actrices et acteurs ouvertement membres de la communauté LGBT. +1000 points pour la présence de Roberta Colindrez.

Au fil des 8 épisodes de presque 1 heure à l’esthétique rétro, la réalisation sans faute (la beauté de l’épisode 6 est sans appel) et aux dialogues affutés, la série prend le temps de faire connaissance avec ses personnages. Têtes d’affiche ou seconds couteaux, tous les protagonistes ont une identité et sont porteurs d’histoires. Aucun rôle n’est superflu. Sauf bien sûr celui de Casey “Dove” Porter, l’entraîneur misogyne qui disparaît dans l’indifférence générale. Bye bye Dove, on ne t’aimait pas.

La constitution de l’équipe et son ascension jusqu’à la phase finale de la ligue sert de fil rouge à cette première saison. Que tu sois une Déchaînée marseillaise ou une Dégommeuse parisienne, tu trouveras ton bonheur dans les scènes de liesse des matchs de championnat et dans le bruit réjouissant du choc de la balle contre la batte.

“A league of their own” prend l’exploit sportif comme prétexte pour mettre en avant le racisme systémique, l’égalité des droits et l’émergence du féminisme. Bien que traités avec justesse et intelligence par les showrunners, la vraie innovation de la série n’est pas là. 

Dans la société des années 40, pas question d’être ouvertement gay, lesbienne, bi, queer ou trans sous peine d’être arrêté.e.s, tabassé.e.s ou encore mieux, lobotomisé.e.s. Pourtant, ici, tous les profils sont visibles. La série réussit même à ne pas centrer sa narration uniquement sur une intrigue amoureuse ou un coming out crispé en donnant du corps à la représentation de l’amitié lesbienne, à l’importance de la communauté et de la sororité. Parti pris rare et test de Bechdel réussi haut la main. Attention, il y est aussi question de love. Les couples sont légion, hétéro, homo, cis, trans et aucun ne sonne faux ou pire, niais. Celui formé par Abbi Jacobson, hétéro contrariée, et D’Arcy Carden (l’iconique Janet de “The Good Place”, reine de mon coeur), lesbienne solaire, est interprété avec une sincérité rarement vue à l’écran et te fera aimer la pizza plus que jamais.

Si de plus en plus de séries font la part belle aux personnages LGBTQIA+, il ne fut pas toujours facile de s’identifier aux fastes de L Word, à l’univers carcéral de Orange is the new black ou aux orgies de Sense 8. Je sais à peine expliquer un home run et à Marseille je risque peu la lobotomie parce qu’amoureuse de quelqu’un du même sexe que moi. Pourtant, durant 8 épisodes, j’ai été une Peaches et me suis reconnue dans leurs questionnements, leurs tâtonnements et dans l’importance de faire groupe pour se définir. La pari de l’identification et de la représentativité est gagné et le discours résolument moderne en dépit de l’ancrage en 1943.

Dans une ère post #MeeToo et tendant à l’inclusivité, si il est ici question de sport et de sueur, sans jamais perdre de vue l’humour, il est surtout question de sexisme, de racisme, d’homophobie, d’empowerment, de lutte contre le patriarcat et de génie lesbien. Sur ce dernier point, la série marque un tournant.

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