Lexie : « On m’a pas appris que dans la vie, j’allais en chier »

A l’occasion du 8 mars, Cyclique et Friction organisaient une boom de soutien à Acceptess-T au Garage Mu. C’était il y a pile un mois, avant le confinement et tout le reste. Parce qu’il nous a touché, on a décidé republier le discours de Lexie aka Aggressively Trans.

On m’a pas appris que dans la vie, j’allais en chier

Lexie

On m’a pas appris que dans la vie, j’allais en chier.

Et je sais pas ce qui aurait été le pire : perdre si rapidement mon innocence ; devenir si vite consciente des besoins d’une vie communautaire pour se protéger d’un système oppressif qui déglingue jour après jour santé mentale et justice sociale ou… ça. Attendre 24 ans pour avoir réussi à commencer à déconstruire des niveaux sur des niveaux de normes violentes et intégrées.

Je sais en tout cas ce qui aurait été le mieux : un système sans binarité de genre, sans hétérosexualité politique, sans cisnormativité, un système où le genre n’est pas une donnée sociologique ; une anecdote individuelle qui ne conditionne rien d’autre que notre propre compréhension de nous même. 

On en est loin. 

Et malheureusement on a besoin du 8 mars.

J’aimerai qu’on se soit dit, nous toustes ici ce soir, sur un groupe whatsapp : « venez on va boire des margaritas ou des trucs sans alcool » que ça soit une soirée entre potes ; et ça l’est, et c’est beau et positif. 

Mais cette soirée est la conclusion d’une journée de lutte.

Je suis féministe, je suis transféministe, je suis alliée d’autres femmes et j’ai pas le choix ; c’est une question d’inclusion de qui je suis dans une société où j’ai pas eu le choix de naître ; mais c’est aussi une question d’inclusion de qui je suis dans un mouvement, le féminisme, auquel je dois appartenir mais qui me rejette parfois. 

Et d’ailleurs je dis « moi » mais c’est bien plus vaste que ça. Mon récit est l’anecdote qui parle du système.

On est plein à vivre un continuum de violences à causes de nos identités.

On est plein à en souffrir.

Certaines en meurt même.

Vanessa Campos, Jessyca Sarmiento, toutes ces femmes qui ne sont pas juste un nom qui provoque un « quelle horreur », elles aussi elles avaient besoin d’un 8 mars. D’un 9 mars, d’un 10 mars… 

Parce que ces femmes, elles étaient trans, elles étaient migrantes, elles étaient latinas, elles étaient travailleuses du sexe. Et tous ces mots, ils désignent des réalités. Elles vivaient cette intersectionnalité. Comme les femmes noires, comme les musulmanes, comme les juives, comme les asiatiques, comme les handicapées, comme les neuroatypiques, comme les grosses…

On est des femmes, et on utilise pleins de mots qui forment un tout.

C’est pas pour rien si on parle de Journée DES droits DES femmes, c’est bien que nous sommes des pluriels et que, dans le féminisme c’est tout notre être qui doit être inclus, célébré, valorisé, défendu. 

Et là aussi on en est quand même loin. 

Et oui, on en chie encore. 

Face au 49.3, aux violences policières, au soutien de membres du gouvernement à des associations transphobes, abolitionnistes, face aux féminicides, de femmes cis et trans, face aux victimes ignorées de violences sexistes et sexuelles, face à la transphobie, à l’invisibilisation, au patriarcat.

Le patriarcat. 

C’est drôle à en pleurer parce que lui il nous cogne toutes, sans nous comprendre, sans nous connaître. Et il y en a dans notre maison qui font pareil. 

J’ai peur, j’ai mal, je suis en colère. 

Mais regardez, on est ensemble.

Adèle, Aïssa, Rokhaya, Grace, Sharon, Juliet, Sophie, Marie, Giovanna, Halimatou, Alice, Pénélope, Chris, Fanny, Roxanne, Charlie, Brieuc, et aussi Océan, Léon, Simon, Noam, Eyden.

Et on ressent les mêmes choses, et on subit là violences de systèmes qui s’entraident : patriarcat, capitalisme, colonialisme, racisme…

Alors venez, on se donne l’exigence de comprendre cette convergence des luttes qui est nécessaire ; cette intersectionnalité qui est une réalité vécue ; de s’apprendre et se comprendre, même si on s’aime pas. De s’éduquer et rien accepter qui blesse une autre femme, quels que soient les adjectifs qui décrivent sa façon de vivre sa féminité. Venez, on est féministes, pour de vrai, radicalement, queerement, anarchiquement, anticolonialistement, ensemble. On regarde le fait que le féminisme, c’est aussi dire que les règles c’est une histoire d’hommes trans, de personnes non binaires, que le genre c’est partout et c’est plus compliqué qu’on le croit…

Et on le gueule, et on occupe l’espace pour toutes ces valeurs, et on en parle autour de nous. On fait de la place à toustes celleux qui en ont besoin et en ont pas. En face ils nous feront pas de cadeau, c’est déjà pas le cas et ces simples espoirs fragilisent leurs projets, 

Donc allons boire un coup et rendre ça réel jusqu’à ce qu’on ait plus besoin de 8 mars.

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