Les Garçons dans l’eau est un film aussi puissant que doux, à l’image de l’histoire d’amour qu’il raconte. Dans ce moyen-métrage écrit et réalisé par Pawel Thomas Larue, nous suivons les vacances d’Oscar, parti sur la côte bretonne avec ses amis. Il n’est pas revenu sur les lieux de son enfance depuis qu’il s’est affirmé comme un garçon trans. Sur la plage, la bande croise Malo, un beau mec du coin, trans, lui aussi. Afin de nous parler en détails de cette rencontre et de leur film, Friction Magazine a rencontré le réalisateur du film, Pawel Thomas Larue, mais également Roméo Bertrand, son producteur.
Bonjour tous les deux, est-ce que vous pouvez vous présenter vous et votre parcours ?
Roméo : Moi c’est Roméo Bertrand, j’ai produit le film et je travaille en tant que chargé de production pour Don Quichotte Films. A côté de mon travail à temps plein, j’avais trop envie de bosser sur le film de Pawel parce que c’est un copain mais surtout parce que son film avait l’air hyper bien. Du coup, c’était ma première expérience de production.
Pawel : Je m’appelle Pawel. Je suis né en Bretagne mais je suis monté à Paris pour faire des études de cinéma. J’ai commencé à développer Les garçons dans l’eau dans le cadre de mon master en réalisation mais je l’ai arrêté et j’ai continué le projet à côté. J’ai écrit et réalisé le film avec toute l’équipe.
Comment est né ce film, d’où est venu le besoin de créer une histoire comme celle-ci ?
Pawel : J’ai écrit plutôt le film à partir de contre-exemples que d’exemples. Je me disais « c’est quoi les truc qui te font chier dans les films ? ». J’avais pas d’exemple de films sur les transidentités ou sur les mecs transmed qui me plaisaient. J’étais en mode : « Ça me fait chier de voir des personnages trans qui sont ou qui deviennent hétéros, ça me fait chier de voir des personnes trans toujours affiliées à des personnes cis autour, des histoires d’amour qu’entre une personne trans et une personne cis… » J’avais aussi envie de raconter une histoire trans en dehors des villes, de pouvoir voir des personnages ailleurs.
Le film a été tourné en non-mixité queer. Qu’elles en ont été les exigences et les joies aussi qui ont découlé de ce choix ?
Roméo : Ça semble naturel quand on fait un film sur le sujet, quand on fait partie de la communauté, de bosser avec des gens qui nous sont proches et qui partagent les valeurs et le sujet du film. Et puis au fur et à mesure, en étant de plus en plus de queers, c’est devenu un choix politique plus tard. Au début c’était une évidence de bosser avec des gens qui nous entourent et qui comprennent de quoi on parle.
Pawel : Je suis hyper d’accord avec toi, il y a pas eu un moment en début du film où j’ai dit « on va tourner en non-mixité ». Comme on était dans un contexte avec peu de moyen, on allait aussi passer presque quinze jours ensemble dans une barraque. Tu vois c’est con mais on tournait au bord de l’eau, on savait qu’on allait se baigner… C’est tout un contexte et c’est sûr que si tu fais venir un mec chiant qui vient dans cette équipe… Et bien sûr même si la visibilité ça paye pas les courses, là le film est pris en festival, je suis content qu’il y ait des copaines queers qui peuvent montrer leur travail. Surtout qu’en vrai, même si on avait des rôles définis, il y avait une espèce de communication entre postes. C’est chouette aussi de discuter avec des gens qui te comprennent.
Roméo : C’était une non-mixité mais aussi à grande majorité trans. On s’est posé la question aussi d’une non-mixité dans ce sens-là.
Pawel : J’aime bien dire que Les Garçons dans l’eau c’est une histoire pédée avant d’être une histoire trans. Enfin c’est vraiment les deux, j’étais intéressé qu’il y ait des personnes gays et lesbiennes cis parce que c’est aussi ça que raconte le film.
Justement c’est drôle parce que du coup vous avez un film fait par la commu mais dont l’histoire est justement très isolée de cette dernière, on est dans une barraque paumée, c’est une histoire très extérieure à un monde en non-mixité. Comment vous expliqueriez ce « paradoxe » ?
Pawel : Pour moi c’est deux choses très différentes, le choix de la non-mixité, c’est plus comment nous on choisit de construire le film pour qu’il soit raconté par des personnes qui peuvent le défendre intiment. Et après l’histoire, moi Oscar, c’est pas un « queeros » du tout à mes yeux, c’est vraiment un mec trans qui a voulu se conformer de partout, par sa transition hormonale, le cercle qu’il s’est construit, par la manière dont il performe sa masculinité… L’histoire de ce personnage et de comment il en sort un peu, on l’a raconté nous.
Dans le film il y a ce refus d’être gay pour le personnage principal, ça se mêle avec son identité de mec trans aussi j’ai l’impression, il y a toute une évocation de la masculinité et de l’amitié masculine aussi… Pourquoi évoquer ce sujet, comment ça résonnait chez toi en tant qu’artiste et en tant qu’individu ?
Pawel : De base, je pense que les identités masculines c’est ce qui m’intéresse le plus. Ce sont des identités qui me touchent, aussi parce que je les ai pas vécus au « je » pendant longtemps. C’est à la fois la place à laquelle j’accède maintenant et en même temps une place que je connais pas bien parce que j’ai pas eu ces codes-là.
Ce truc d’histoire d’amour, c’est aussi une homosexualité qui lui permet de casser son rapport à la masculinité.
Pawel : Oui, justement il y a ce sentiment qu’un certain nombre de mecs trans deviennent pédés, y compris des personnes moi c’est mon cas, qui ont eu une phase lesbienne. J’ai l’impression que c’est jamais raconté alors que c’est une trajectoire commune. Et pour certaines personnes, t’as vécu ta vie de lesbienne, t’as fait ta transition, c’est déjà des étapes fatigantes et quand tu découvres que t’aimes peut-être les mecs, c’est dur de se dire qu’il faut encore assumer un truc et expliquer aux gens. Les garçons dans l’eau c’est presque plus une histoire de coming-in que de coming-out.
Les Garçons dans l’eau sera projeté dans le cadre de la séance « Courts-métrages transgenres 1 » ce week-end à Chéries-Chéris