Cyclique #1 : Le sexe pendant les règles : un tabou à abattre

Comme on les aime d’amour, on a décidé de mettre en place un partenariat avec les meufs de Cyclique / Clean Your Cup. L’objectif : donner toujours plus de visibilité à nos menstruations dans les règles de l’art. Pour ce premier Focus Cyclique :  « Le sexe pendant les règles : un tabou à abattre ». Je précise (TW) : hétérosexualité / bisexualité.

Texte illustré par Sophie.

Les règles, les menstruations, les ragnagnas… Tant de mots pour parler de notre endomètre qui coule entre nos jambes. Les règles sont taboues, c’est une affaire de femmes. C’est ce qu’on dit. Effectivement, le tabou est tel que j’ai parfois des difficultés à échanger sur le sujet avec les concerné·e·s car « on ne parle pas de ça ». Dans ces conditions, je décide de prendre la parole sur le tabou suprême : le sexe pendant les règles.

Un peu de statistiques pour commencer…

Dans certains pays, il est complètement tabou de juste évoquer le sujet. Il existe même un mythe qui dit que faire l’amour pendant les menstruations pourrait tuer son partenaire. Il n’est pas étonnant que cela soit encore tabou aujourd’hui avec des mythes ancestraux aussi hallucinants et toujours aussi prégnants dans certaines parties du monde. Un sondage réalisé en 2016 par ActionAid montre qu’une britannique sur trois trouve le sujet des règles gênant. Selon une enquête de 2013 commandée par les marques Always et Tampax auprès d’un panel de 1.007 femmes, 79% des participantes renoncent à une activité sexuelle durant cette période (une part minoritaire déclare cependant s’autoriser quelques «caresses»).

On retrouve à ce sujet des textes intéressants dans l’Ancien Testament, ce qui pourrait expliquer ce pourquoi nous en sommes arrivé.e.s là. Au quinzième chapitre du Lévitique, le troisième livre de la Bible qui établit les rites et les préceptes moraux comme pratiques auxquels les juive·f·s doivent se plier, on peut lire :

La femme qui souffre ce qui dans l’ordre de la nature arrive chaque mois, sera séparée pendant sept jours.” (Lévitique, 15 :19-20):

Ou encore :

«Si un homme s’approche d’elle lorsqu’elle sera dans cet état qui vient chaque mois, il sera impur pendant sept jours ; et tous les lits sur lesquels il dormira seront souillés..» (Le Lévitique, 15 : 24)

Les bases sont posées. Je vous propose de prendre ça avec humour et détachement. On risquerait de s’énerver sinon.

Maintenant, parlons un peu de mon cas. J’ai vécu comme vous tou.te.s ces interdits de façon intériorisés et inconscients, mais bien présents tout de même. Ma puberté naissante, il y a plein de choses que j’imagine ne jamais faire, comme avoir un rapport sexuel pendant ma période rouge. Cependant, au début de ma vie sexuelle et affective, je rencontre quelqu’un et m’engage dans une relation sérieuse. L’option pilule s’impose assez rapidement à moi comme le Saint Graal. Je ne souhaite pas imposer à mon partenaire mes règles car oui, j’en ai honte. Le sort se retourne contre moi et je subis un mois de saignement non stop avec ce nouveau traitement hormonal. C’est terrible pour moi mais mon partenaire est compréhensif et nous faisons quand même l’amour malgré ça. Je me sens soulagée et l’acte pendant les règles devient “normal”. Par la suite, mes autres partenaires sont tout autant compréhensifs et mes règles ne posent pas de problèmes dans mes relations sexuelles.

Puis, je rencontre mon compagnon actuel. Avec lui, tout est évident. Je n’ai aucun complexe et nous rigolons ensemble des “scènes de crime” post coït ! J’aimerai pour toutes les personnes concernées que tous les hommes soient comme le mien, ou à défaut, aussi compréhensifs. Je sais que certain.e.s ne font pas l’amour pendant leurs règles car elles n’en ont pas du tout envie et je le comprends tout à fait.

Par ailleurs, la pilule a rendu mes règles douloureuses alors qu’elles ne l’étaient pas à la base. Je n’ai pas spécialement de “pics” de désir pendant mes règles mais j’en ai besoin quand j’ai mal. Car le sexe me soulage de mes douleurs menstruelles. L’endorphine libérée lors d’un orgasme a un effet vasodilatateur qui soulage des crampes. Ce n’est pas la seule explication, mais c’est celle que je me suis donnée. Le sexe remet de l’ordre dans mon bas ventre et après l’acte, je me sens bien. J’ai l’impression d’avoir les entrailles qui se détendent. Ce n’est sans doute pas le cas pour tout le monde mais pour mon cas, je suis spécialement en demande pendant cette période pour cette raison. Finalement, le sexe pendant les règles est pour moi parfaitement “normal”. Il n’y a rien de dégoutant et au contraire, cela peut être très bénéfique. Je ne vous cache pas que ce n’est pas sans conséquences. Le sang tâche. Mais avec quelques précautions, c’est vite oublié !

Je remarque cependant que mes congénères sont rarement sur la même longueur d’onde. Certain.e.s refusent d’en parler et me trouvent bizarre. Le plus choquant est l’histoire qu’un garçon m’a raconté une fois. Un de ses amis sortait avec une fille depuis longtemps, et alors qu’il lui faisait un cunnilingus, elle a eu une grosse perte de sang soudaine. Le garçon – traumatisé – l’a quitté sur le champ et n’a plus plus jamais voulu entendre parler d’elle. Pour moi, le choc était à l’inverse : mes camarades étaient tou.te.s dégouté·e·s et donnaient raison à ce garçon. Personne ne s’est mit à la place de la fille, qui – en plus de l’humiliation qu’elle vient de subir – se retrouve larguée. Voilà leur commentaire : “Mais tu te rends compte comme c’est dégoûtant, le pauvre” ; “J’aurais fais pareil, c’est horrible” ; “C’est la faute de la fille”. Ha bon. C’est sa faute. A ELLE. Il aurait peut-être fallu qu’elle le prévoit ?! Je tombe de ma chaise tellement leur commentaires me révoltent.

Voilà pourquoi je vous raconte cette histoire. Je ne revendique pas spécialement le cunnilingus pendant les règles mais du respect et de la bienveillance envers sa/son partenaire. Ce genre d’incident ne devrait pas faire l’objet d’une rupture et couvrir de honte une fille. Il faut accepter le corps de sa/son partenaire, ses fluides et ses humeurs. Cela fait partie de notre corporalité ! Il n’y rien de sale ou de honteux, rien à dénoncer. J’ai lu une fois dans un témoignage : « Le sang ça va, mais quand ça sort du vagin ça me dégoûte ». Certain·e·s aiment la sodomie et j’ai quand même l’impression qu’on les juge beaucoup moins que les personnes qui font l’amour pendant les règles. Chacun·e ses goûts et ses choix mais ne soyons pas intolérant·e·s les uns envers les autres.

J’aimerai finir sur une note positive. J’ai lu le témoignage inspirant d’un garçon qui eut une liaison passionnelle avec une femme plus âgée. Au moment de passer à l’acte, elle le prévient qu’elle a ses règles. Ce n’est pas un problème pour lui et iels partagent un moment charnel durant lequel, iels se dessinent sur les corps avec la récolte de menstrue. Il explique que c’est la plus belle expérience sexuelle de sa vie et qu’il a aujourd’hui une petite amie avec qui il pratique – je cite – le “sexe cro-magnon”.

Yolanda.

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