Dobrawa Czocher a dévoilé à la fin de l’année dernière l’incroyable morceau Prayers. Et si l’on n’a pas l’habitude de vous parler de violoncelle (quoiqu’on puisse y voir une certaine obsession de notre part), on peut vous dire qu’on a été envoûté·es par la douceur et la maestria des morceaux de la violoncelliste polonaise. Dans son nouvel album, elle nous entraîne dans les brumes de paysages oniriques en explorant par le son la richesse mystique des rêveries. On a voulu en savoir plus sur cette artiste incroyable qui mélange la musique philharmonique avec des approches plus alternatives de l’enregistrement et du son. Rencontre
Vous n’avez que trente ans, et pourtant vous avez une carrière musicale très accomplie. Pouvez-vous retracer votre parcours pour nos lecteurs·trices qui vous découvriraient ?
Ma mère est violoniste, la musique était donc un langage que j’ai commencé à exploiter très tôt, avant même mes premières classes de violoncelle (à l’âge de 7 ans). Il existe des écoles de musique publiques en Pologne et j’ai commencé à étudier dans l’une d’entre elles. Je ne veux pas vous ennuyer en vous racontant chaque étape de mon éducation musicale, mais il y a eu quelques endroits importants comme l’Université Chopin à Varsovie et la Hochschule für Musik à Detmold où j’ai eu la chance de travailler avec des professeurs exceptionnels et de faire partie de classes de violoncelle très inspirantes. Je travaillais dur pour atteindre une certaine technique de violoncelle et obtenir une place dans un orchestre. Entre-temps, j’ai commencé à créer un projet avec Hania Rani [une pianiste polonaise, ndlr] dans lequel nous avons commencé toutes les deux à développer une approche de la musique assez différente de celle que nous connaissions à l’université.
En 2015, notre duo a sorti le premier album qui était inspiré par la rockstar polonaise Grzegorz Ciechowski. « Biała flaga » était composé d’arrangements de ses chansons. Hania les réalisait (de manière incroyable à mon avis) et j’étais l’interprète. C’était une période merveilleuse que nous avons vécue toutes les deux grâce à ce projet. Nous avons visité de nombreux endroits en Pologne et à l’étranger, y compris de petits villages où les gens voyaient nos instruments pour la première fois. Mais à l’époque, nous étions encore en train d’étudier et nous n’aurions jamais considéré ce projet autrement que comme une simple « aventure ». Chacune d’entre nous était toujours concentrée sur l’acquisition d’une technique instrumentale. J’ai finalement trouvé un emploi dans l’orchestre et c’est alors que j’ai réalisé que je porte en moi un besoin de création. Grâce à Hania qui, pendant que j’étais à l’orchestre, a commencé à suivre sa propre voie en tant que compositrice, j’ai eu le courage de m’essayer à la composition. Et cette histoire m’a conduite à Inner Symphonies que nous avons composé ensemble en 2020 au milieu de la pandémie et que la légendaire Deutsche Grammophon a sorti en 2021. Cela a ouvert un tout nouveau chapitre dans mon parcours musical qui m’a conduit à mon premier album solo Dreamscapes.
Vous avez commencé à composer avec la pianiste Hania Rani. Dans quelle mesure cette collaboration était-elle une étape nécessaire avant votre premier album Dreamscapes ?
Dès 2015, voire avant, nous jouions de la musique classique ensemble donc nous nous connaissions très bien. Je pense que notre premier album Biała flaga puis notre deuxième album Inner Symphonies ont été cruciaux pour que Dreamscapes puisse voir le jour. Ces deux albums créés ensemble avec Hania m’ont tout appris pour enfin trouver le courage de me montrer avec mon univers musical personnel.
Pouvez-vous nous parler de vos influences ? A l’écoute de votre musique, on sent votre grande maîtrise du répertoire classique mais on peut aussi percevoir des influences plus contemporaines…
Oui ! Je suis un amatrice de musique classique mais je n’ai jamais perçu ce genre comme supérieur. Je suis un fan de tout ce qui me parle et parfois j’aime aussi beaucoup les sons bizarres ! Pour moi, le plus important, c’est l’expression et l’authenticité. Juste pour vous donner quelques exemples : Pink Floyd, The Cure, Radiohead, Blonde Redhead, Nick Drake, Sigur Ros, Múm, Damon Albarn, James Blake, GoGo Penguin, Portico Quartet, Mica Levi, Efterklang, Jonny Greenwood, Björk, Agnes Obel, Patrick Watson, Max Richter, Krzysztof Komeda, Sławek Jaskułke, Leszek Możdżer, Brad Mehldau, Ebjörn Svensson Trio, Cosmo Sheldrake, Hildur Gudnadóttir et bien d’autres encore.
Comme son nom l’indique, votre musique explore le royaume des rêves. Vous parvenez à explorer les profondeurs de l’âme dans une musique qui fait appel aux sentiments et aux émotions… Pouvez-vous nous en dire plus ?
Dreamscapes est mon premier album dans lequel je présente mon instrument préféré : le violoncelle et ce dont, à mon avis, le violoncelle est capable. Je construis une musique basée sur la superposition de lignes de violoncelle et la multiplication d’effets sonores (réalisés à nouveau par le violoncelle) afin de créer un monde de rêve ou de pensée plus profonde – le subconscient. Cette partie mystérieuse de chacun de nous est l’inspiration de cet album. Si certains auditeurs trouvent dans ce monde musical une partie d’eux-mêmes, je serais le plus heureux.
Aurons-nous l’occasion de vous entendre en France prochainement ?
Malheureusement, il n’y a pas encore de concert prévu en France, mais j’espère vraiment y jouer bientôt !