Enquête sur le nouveau phénomène à la mode chez les LGBTI

C’est un phénomène encore passé sous silence par Mediapart et Grazia mais qui est bien là : depuis le début du confinement, les LGBTI se rasent la tête. Pourquoi ? Friction Magazine a mené l’enquête.

Nous l’avons toutes et tous remarqué mais peu de gens en parlent ouvertement. Encore moins osent poser la question : pourquoi ? Pourquoi, depuis le début du confinement, des centaines de lesbiennes, gays, bis, trans se rasent-ils et elles la tête ? 

se raser le crane comme Britney ? Un phénomène de mode lié au confinement pour les LGBTQI ?

Un phénomène d’ampleur

Certain·e·s s’y sont mis·e·s dès le 17 mars et la maladie s’est répandue sur nos Instagram presque aussi vite que le Covid-19 : tondeuse à la main, ils et elles se rasent le crâne et postent fièrement en story les touffes de cheveux coupés au fond du lavabo.

Interrogées, les personnes concernées livrent des explications diverses voire confuses. Guillaume* admet avoir « pét[é] un câble », tout comme Bernard qui fait référence à « Britney en 2007 ». Certain·e·s se cherchent une explication plus esthétique : se raser le crâne au début du confinement laisserait « le temps de laisser repousser au cas où ça ne va pas du tout », selon Ève. L’isolement permettrait de retrouver une tête normale « avant de croiser du monde » nous confie John-Ross.

Mais peut-on se contenter de ces explications qui laissent supposer un simple hasard conjoncturel ?

Se raser la tête : un geste fort…

Le confinement interroge notre rapport au temps : combien de semaines allons-nous passer enfermé·e·s ? Se raser la tête permet de compter les jours de désœuvrement : plus les cheveux repoussent, plus le confinement dure.

Mais se couper les cheveux n’est-il pas surtout un acte de prise de pouvoir sur sa pilosité dans un moment où, justement, nos libertés sont entravées par le confinement ? Grace Jones dit d’ailleurs avoir eu son premier orgasme en se rasant la tête : une découverte d’elle-même et une affirmation de sa singularité. C’est un « geste fort » nous dit à ce propos Clovis dans son témoignage.

N’oublions d’ailleurs pas que les LGBTI d’aujourd’hui sont loin d’être les premier·e·s à se raser le crâne. Les cheveux longs sont depuis longtemps considérés comme un symbole typiquement féminin : se les couper, pour une femme, peut représenter une volonté de s’affranchir des codes de la féminité. Chez les gays, le crâne rasé a pu faire partie d’une certaine forme de masculinisation, parfois en réponse aux homophobes et un moyen de ne plus être perçu comme victime. (À l’inverse, l’auteur de ses lignes qui s’était rasé la tête à l’automne a laissé repousser ses cheveux à force de se faire complimenter sur Grindr pour sa « virilité ». Comme quoi.)

Avant, Markie More avec et sans cheveux. Acteur porno gay
Avant, Markie More faisait du porno. Puis il a rejoint une secte mormone, dénoncé le porno… et maintenant il en fait de nouveau mais sans cheveux.

… ou une résignation ?

N’oublions toutefois pas que se raser la tête n’a rien d’un phénomène moderne. « Et toi fils d’homme, prends une lame tranchante, un rasoir de barbier, et fais-le passer sur ta tête et sur ta barbe » nous dit la Bible dans Ézéchiel 5:1. Chez les Juifs de l’époque, se raser était signe de deuil. Une pratique que l’on retrouve également comme symbole de soumission au divin, dans l’hindouisme (par exemple en remerciement d’une prière exaucée) ou dans le christianisme (la tonsure des moines). 

Deuil et soumission : voilà deux sentiments qui ne peuvent pas nous surprendre alors que nous vivons une pandémie ayant déjà fait plusieurs dizaines de milliers de mort·e·s. Car comment réagir face à un phénomène si cruel mais contre lequel, individuellement, on ne peut pas grand chose ? On l’a observé à travers les époques, les périodes d’épidémie sont propices aux pratiques religieuses voire au mysticisme. Celles et ceux qui se rasent aujourd’hui sont-iels les précurseurs d’un renouveau spirituel ? La tondeuse est-elle le dernier item d’une liste qui compte déjà le tarot, les pierres et Co-Star ?

maria the robot s'est rasé le ciboulot
Les robots n’ont pas le Covid-19 mais ont-ils des poils ?

Ou alors tous ces cheveux coupés sont-ils à rattacher à une forme de nouvel hygiénisme ? Cheveux et poils ont souvent été associés à la saleté (et c’est encore le cas sur les jambes des femmes…). Alors qu’il nous est demandé de nous « laver régulièrement les mains », crânes rasés et mentons glabres sont peut-être en passe de devenir des symboles de pureté face au virus. (Même si, disons-le, quand les barbus se rasent on comprend bien souvent pourquoi ils ont une barbe à la base…)

Mais la résistance s’organise

Face à cette déferlante de rasoirs et tondeuses, toutes et tous ne se résignent pas. Beaucoup continuent d’affirmer l’amour qu’ils et elles portent à leurs cheveux et à leurs poils, parfois de manière surprenante.

Gouine fem : S'il doit rester qu'une gouine à cheveux longs je serai celle là - Friction Magazine

Les cures de sébum sont ainsi très tendance. Le principe est simple : il s’agit de ne pas se laver les cheveux pendant plusieurs semaines, voire un mois, afin de permettre à la sécrétion de sébum de se réguler seule. À terme, vous pourrez retrouver un rythme de shampoing plus normal, à savoir pas plus d’une fois par semaine (car se laver plus souvent les cheveux agresse votre cuir chevelu !). Désagrément temporaire : après quelques jours de « cure », vos cheveux sont gras et moches. 

Autres cas de cheveux moches mais toujours présents : la décoloration que s’infligent les gays à la moindre contrariété dans leur vie. Une pratique qui semble avoir repris de la vigueur en confinement. L’enquête pour déterminer si des cheveux jaune pisse vont à ne serait-ce qu’une seule personne sur Terre est encore en cours… Peut-être que ça intéressera Mediapart cette fois.

* Tous les prénoms ont été (un peu) modifiés.

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