Fedayin, le combat de Georges Abdallah est un film qui retrace le parcours d’un infatigable communiste arabe et combattant pour la Palestine. Des camps de réfugié·e·s palestinien·ne·s qui ont forgé sa conscience, à la mobilisation internationale pour sa libération, nous allons à la découverte de celui qui est devenu l’un des plus anciens prisonniers politiques d’Europe. Une collecte est organisée pour permettre de finaliser le film. Pour en savoir plus, nous avons interviewé l’équipe du film.
Est-ce que vous pouvez nous parler de Georges Abdallah ?
Georges Abdallah est un militant communiste libanais issu d’une famille maronite (chrétienne) du nord du Liban. Son ancrage politique révolutionnaire va le conduire, au début des années 70, à s’engager aux côtés de la résistance palestinienne qui s’est installée dans le sud du pays suite à la répression qu’elle a subie en Jordanie (le fameux « Septembre Noir »). Il rejoint donc les rangs du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) avant que la guerre civile libanaise éclate (en 1975) et participera notamment au combat contre l’invasion israélienne de 1978. Quatre ans plus tard, le Liban sera envahi par l’armée israélienne qui se rendra également complice des massacres des camps de réfugié.e.s palestinien.ne.s de Sabra et Chatila, massacres perpétrés par les milices phalangistes (extrême droite libanaise).
Deux ans auparavant, Georges Abdallah co-fonde les FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises) qui avaient pour principal objectif de poursuivre le combat contre l’occupation israélienne en Palestine et l’invasion du sud Liban, cette fois, sur le sol des pays alliés à l’Etat hébreux, notamment la France et les États-Unis. Il se rend donc en Europe et sera arrêté en France en 1984 puis condamné en 1987 à perpétuité pour « complicité d’assassinats », dans le cadre d’opérations revendiquées par les FARL, notamment les exécutions d’un membre du Mossad, Yacov Barsimentov et de Charles Ray, agent de la CIA. Lors de son procès, pour lequel le gouvernement des Etats-Unis s’est porté partie civile, Georges Abdallah détournera sa défense en tribune politique dans le but de dénoncer la colonisation israélienne et les massacres perpétrés dans la région.
Aujourd’hui, il est devenu bien malgré lui le symbole d’une justice aux ordres de décisions politiques. Ainsi, libérable depuis 1999, c’est seulement après de nombreuses demandes de libération, que la justice décide de le libérer en 2013. C’était sans compter sur le veto du premier ministre de l’époque, Manuel Valls – suivant ainsi l’avis insistant de la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton – qui refusera de signer l’avis d’expulsion vers le Liban, condition de la libération de Georges Abdallah.
Aujourd’hui, après plus de 35 ans passés dans les geôles françaises, Georges Abdallah poursuit ses combats. Chaque année, des nombreux rassemblements ont lieu en France et dans de nombreux pays dans le monde et une manifestation est organisée devant la prison de Lannemenzan (65), regroupant plusieurs centaines de militant.e.s.
D’où vient le nom du documentaire « Fedayin » ?
« Fedayin » (combattant en arabe) fait référence aux Palestinien.ne.s qui menaient et qui mènent encore des actions de guérilla contre l’occupation israélienne. Georges Abdallah, lors de son procès, se définit comme tel devant la cour. Il dit exactement, « je suis un combattant arabe ». Fedayin est également l’hymne des combattant.e.s palestinien.ne.s depuis plusieurs décennies. Il nous a semblé donc assez naturel que cette figure du/de la résistant.e palestinien.ne devienne le titre du film, souligné par « le combat de Georges Abdallah ».
Georges Abdallah est le plus ancien prisonnier politique d’Europe. Pourquoi est-ce primordial de mettre son parcours en lumière ?
En réalité, il est l’un des plus vieux prisonniers politique d’Europe (en Italie, un ancien membre des Brigades Rouges est enfermé depuis plus longtemps) mais le propos du film ne s’inscrit que secondairement dans la question de la durée de sa détention ou sa détention elle-même. Au-delà de l’acharnement judiciaire dont il est victime, ce qui nous a intéressé avant tout, c’est d’essayer de comprendre ce qui a conduit Georges Abdallah à s’engager dans les rangs de la résistance palestinienne à la fin des années 70 en prenant les armes en pleine guerre civile libanaise. Puis, dans un second temps, à poursuivre cet engagement au-delà des frontières du Liban, sur le sol européen, en particulier en France. Sa trajectoire politique structurée par l’anti impérialisme et l’anticolonialisme s’inscrit dans un héritage révolutionnaire qui est aujourd’hui largement abandonné par les organisations militantes en France et en Europe. Il nous a donc semblé important de montrer en quoi les combats politiques de Georges Abdallah sont toujours d’actualité et comment son parcours est étroitement lié à l’histoire de la résistance palestinienne.
Comment est né ce projet ? Qui en est à l’origine ?
Depuis plusieurs années nous militons à Toulouse, avec beaucoup d’autres, pour la libération de Georges Abdallah. Certains d’entre nous lui rendent visite régulièrement et ont, au fil des années, tissé une relation politique et de confiance. La mobilisation pour sa libération prend de l’ampleur chaque année, pourtant, son parcours et ses engagements ne sont pas connus largement. Mis à part un film court réalisé par le Secours Rouge il y a quelques années, il n’existe pas de film documentaire sur Georges Abdallah (le réalisateur Pïerre Carles prépare cette année également un film davantage axé sur la question politico-judiciaire). Nous avons donc décidé de nous lancer dans la réalisation de ce film et de nous rendre notamment au Liban à la rencontre de ses proches et de ses camarades, afin de mieux cerner les contours de son parcours. Loin d’être un travail hagiographique, la principale ambition de ce film est qu’il serve d’outil de réflexion, de discussion et de débat sur le cas de Georges Abdallah et sur la lutte palestinienne aujourd’hui.
Le film est porté par un collectif, Vacarme(s) Films, constitué de professionnel.les ou non de l’audiovisuel et dont le dénominateur commun s’inscrit dans la volonté de participer à la lutte politique à travers la réalisation de films et dans la rue.
A quoi vont servir les fonds récoltés grâce à la cagnotte ?
Nous avons réalisé des entretiens en France, en Belgique, en Allemagne et une bonne partie du tournage s’est déroulée eu Liban l’été dernier. Nous avons donc collecté beaucoup de matière pour raconter cette histoire. Mais le récit se déroule principalement dans les années 70/80 pour ce qui est de l’engagement de Georges Abdallah et depuis la Nakba (l’expulsion des Palestinien.ne.s en 1948) pour l’histoire palestinienne. Nous avons recours aux archives pour illustrer cette histoire et une partie de ces archives ont un coût parfois élevé. C’est donc dans un premier temps pour financer cette partie du film que nous avons ouvert cette cagnotte. Ensuite, une grosse partie de la somme récoltée va servir à rémunérer des techniciens lors de la post production, à savoir le mixage du son et la colorimétrie/étalonnage. Enfin, nous souhaitons que ce film soit rapidement accessible et diffusé le plus largement possible. C’est pourquoi, en plus des projections qui auront lieu dès l’automne prochain, une partie du budget servira à presser des DVD du film.
Quelles sont les prochaines étapes jusqu’à la diffusion du film ? Savez-vous déjà comment celui-ci sera diffusé ?
Nous aimerions que ce film soit un outil de discussion et de débat autour du cas de Georges Abdallah et de la résistance palestinienne. C’est la raison pour laquelle, dans un premier temps, la diffusion se fera à travers une série de projections. Dans un second temps, nous mettrons le film en accès libre sur internet afin de permettre une diffusion la plus large possible. Nous invitons toutes les personnes ou organisations intéressées par le sujet et le film, à nous contacter (vacarmesfilms@gmail.com)