Le jeudi 25 janvier 2024, Friction a le plaisir de vous inviter à sa première édition de « Friction Folle et furieuse ». Une soirée dédiée aux pédés, créé par les pédés et leurs amies. Une soirée qui tentera, à chacune de ses éditions, d’aborder un sujet difficile qui interroge voire trouble notre communauté. Mais avant de vous retrouver au Sample le 25 janvier, nous avions envie de vous raconter d’où est né ce désir de créer un espace gay un peu différent de ceux que nous avons l’habitude de fréquenter.
« La vraie fierté, on la tirera d’une culture qui ne sera pas seulement sexuelle. C’est là partout autour de nous dans l’histoire. Il faut identifier ceux qui ont été présents, définir clairement ce qu’on a dans la tête et dans le cœur et l’affirmer. »
Ces mots viennent de la pièce The Normal Heart et sont ceux de Larry Kramer, écrivain et fondateur d’Act Up. Depuis que je les ai lus, ils sont presque devenue ma ligne de conduite artistique et politique gay. Malgré le contexte dans lequel ces phrases ont été écrites, celle du début de l’épidémie du VIH/Sida, elles résonnent profondément avec ce que je ressens à l’égard de ma communauté aujourd’hui. Pourquoi ? Est-ce que rien n’aurait changé depuis des décennies ?
J’ai longtemps rattaché mon homosexualité à la solitude
J’ai longtemps rattaché mon homosexualité à la solitude. J’aimerais vous dire l’inverse. Il ne serait pas difficile de faire croire l’opposé. Après tout, je suis une pédale heureuse et entourée. Pourtant, cette solitude se réveille parfois et accompagne encore beaucoup d’entre nous tout au long de nos existences.
Vous vous demandez si vous êtes le seul pédé à détester son corps et à le comparer systématiquement à celui des autres. Vous vous demandez si vous êtes le seul pédé à gérer difficilement son rapport à l’alcool et aux drogues. Vous vous demandez si vous êtes le seul pédé à avoir été agressé sexuellement.
Alors vous n’êtes pas stupide, vous voyez bien que les autres luttent aussi avec les mêmes problèmes que vous. Et pourtant, cette foutue solitude. Parce qu’autour de ces sujets subsiste un silence. On peine à évoquer tout ça sauf quelques fois entre amis proches. Il faut dire qu’on a envie de plaire et de respirer une fois qu’on se retrouve enfin entre nous. Nous avons fui l’homophobie pour nous réfugier dans les bras de nos pairs, pourquoi nous imposer de telles réflexions ? On prétend que ça va, on rigole de ces sujets comme une façon de dire que oui, le mal-être ronge certains mais bon, on survit.
Sauf les fois où non, certains d’entre nous ne survivent pas.
Quelques garçons choisissent de blâmer la vie pédée dans son ensemble. C’est de la faute de nos vies sexuelles débridées. De Grindr. Du couple ouvert. De la PrEP. De la drogue. Des clubs. Des vieux gays. Tous les emblèmes de la vie pédée y passent, réduits à leurs formes les plus caricaturales. On trouve des coupables faciles parce que la frustration, la colère, et cette foutue solitude se heurtent à un silence qu’on veut croire complice. Parce qu’on aimerait parler de tout ça et en même temps à qui ? Et quand, où ? Nous savons faire la fête, baiser, militer aussi. Mais après la lutte, après les nuits, savons-nous prendre soin de nous, savons-nous nous écouter ?
Nous pensons sincèrement que nous n’avons pas à choisir entre fermer les yeux sur nos problèmes communautaires ou tenir des discours simplistes dignes d’hétéros ignorants. Nous le pensons car une autre voie nous est dictée par nos amis, nos pairs, nos artistes et nos militants.
Il y a eu le #MeTooGay. Des cercles de paroles sur le chemsex ou les violences sexuelles voient le jour. Des textes magnifiques dans le recueil Pédés ou chez PD la revue sont publiés… Quelque chose change, nous le sentons.
Où sont les endroits pour échanger ensemble ?
Chez Friction, nous essayons de faire notre part du boulot comme on peut. Nous écrivons et publions des textes sur la violence sexuelle, sur notre rapport à l’amitié pédée, au fétichisme racial et à tout un tas d’autres sujets qui nous concernent directement… Mais malgré l’importance des mots, une frustration perdure. Où sont les endroits pour échanger ensemble sur tous ces sujets ? Si les féministes ou d’autres minorités organisent de tels espaces, il faut bien admettre que les pédés peinent à créer et faire subsister des environnements propices à la réflexion et au soin communautaire.
« Friction Folle et furieuse » est une tentative d’apporter notre pierre à l’édifice. Pour cette première édition le 25 janvier 2024, nous désirions commencer doucement avec un thème qui semble de prime abord futile : Grindr. Un sujet qui nous permet d’interroger un système qui est la genèse de la vie sexuelle de beaucoup de gays. Comment cette application a bouleversé notre façon de désirer ? Comment Grindr impacte nos sociabilités pédées, notre rapport à notre propre corps et à celui des autres ? Comment imaginer d’autres façons de relationner et est-ce véritablement nécessaire ?
Pour réfléchir aux thèmes que nous souhaitons aborder, nous convierons à chaque fois quatre pédés à participer à une table ronde sur le sujet. Artistes, militants, professionnels de santé, journalistes… Nous voulons réunir toutes les pédaleries pour qu’elles s’expriment et s’interrogent ensemble.
Après ce moment d’échange et de réflexion, place à un blind-test puis un DJ Set. Pour nous, le festif n’a pas à être dissocié des espaces d’échanges militants, bien au contraire. Confondre le sérieux et le futile est pour nous un geste fort et ancré dans notre culture gay et dans nos façons de nous rassembler.
Nous ne sommes pas complètement naïfs, un seul espace tel que celui-ci ne changera pas tout. Un silence ne se brise pas, il s’érode. Par les démarches personnelles, puis collectives. Par des prises de paroles diverses, qui se multiplient et convergent. Aujourd’hui, l’équipe de Friction vous invite à essayer de faire ça avec elle. Nous espérons que notre frustration, notre colère et notre profond désir d’enfin réfléchir ensemble, entre pédés, nous fera sentir moins seuls face à des problèmes qui nous ont souvent réduits au silence.
Friction Folle et furieuse #1 - Grindr Le jeudi 25 janvier au Sample (Bagnolet) de 18h à 23h30 Atelier d'écriture - Table-ronde - Blind test - DJ set Entrée à prix libre (tarif conseillé : 7€). Toutes les infos ici
