C’est le 26 juin sur Instagram que Calypso, Aaliyah, Kitty, Chinack et Madame Wasabi l’ont annoncé : le collectif Rice Queens est prêt à être servi ! Un groupe de drag performers “venues des quatre coins de l’Asie pour lutter contre le patriarcat et épicer cette vie parisienne bien terne”. Un programme qui nous a mis l’eau à la bouche et qu’on a décidé de goûter un peu en avance, quelques jours avant leur premier show intitulé “Drag Rice” et qui aura lieu le 16 juillet au Café Movida, à Paris !
Bonjour tout le monde ! Tout d’abord, est-ce que vous pourriez vous présenter ?
Calypso : Bonjour, je m’appelle Calypso Overkill AKA Filipino Rice. La dancing diva délirante de Rice Queens et la tête d’affiche également (je viens de le décider et elles ne le savent pas encore).
Kitty : Hello hello, moi C’est Kitty Space, la chatte de l’espace de Rice Queen ! La Dark Asian Doll prête à vous faire rire ou pleurer mais toujours avec passion, engagement et fantaisie !
Chinack : Hey, je suis Chinack La Fey ! International Jet-Set et nymphe des bois à mes heures perdues.
Aaliyah : Bonjour, je m’appelle Aaliyah Xpress, drag queen parisienne un peu lente mais pas très chère, militante et engagée dans l’antiracisme, qui déconstruit les préjugés et les politiciens à coup de barres de rire et de farces de raviolis. Si certaines dans le groupe savent chanter ou danser, mon talent apparemment c’est d’être “politisée”, du coup ça va être dur de faire le talent show.
Wasabi : Bonjour à tous·tes ! Je m’appelle Madame Wasabi, je suis le piquant qui manque à votre sushi !
Comment est né le collectif Rice Queens et pour quelle raison ?
Calypso : Dans un grand cuiseur de riz, mettez 4 tasses du riz (de votre choix, vous pouvez mélanger les types de riz, the more the merrier), et 6 tasses d’eau, mesurez bien la proportion riz-eau avec les doigts (obligatoire), une pincée de paillettes, une giclée de Miss Dior et une pincée de MSG !
Aaliyah : le projet a débuté il y a 2 ans, lors d’un mukbang avec Calypso Overkill, Madame Wasabi et Nadine Thailand (qui est en pause actuellement), pour reprendre de plus belle en post-covid, avec de nouvelles soeurs Chinack la Fey et Kitty Space.
Kitty : J’avais parlé à Calypso et Madame Wasabi d’un shoot et elle m’ont dit qu’elles voulaient aussi en faire un avec leur collectif de drag queens asiatiques. Je suis la petite (ou grande) sur ce menu de buffet asiatique à volonté.
Aaliyah : L’objectif est vraiment de montrer la diversité des drags asiatiques en France (et que les gens arrêtent de nous confondre parcequ’iels sont racistes). Nous espérons pouvoir ouvrir le projet à terme à d’autres drag queers, kings et queens asiatiques, afin d’avoir une belle plateforme pour tous·tes les drags asiatiques, d’où l’invitation à notre shoot, par exemple, d’Egon Centrik !
Wasabi : Quand je vais dans des drags shows à Paris, je vois rarement des personnes asiatiques. Peut-être que c’est parqu’iels préfèrent rester chez elle·ux et aller sur Tinder/Grindr plutôt que d’aller rencontrer de fabuleux·ses drag queens ! C’est pour ça que je me suis dit que j’aimerais créer un évènement qui leur serait accessible : quand les performeur·euses et les hosts leur ressemblent, peut-être que c’est plus facile de venir ?
Est-ce que vous pouvez expliquer ce qu’est le terme Rice Queen à la base ? Pourquoi l’avez-vous choisi ?
Aaliyah : Une rice queen, c’est un terme dérogatoire qui désigne un homme blanc qui est principalement attiré par des hommes asiatiques, pour ne pas dire des “garçons” asiatiques. Cela sous-entend souvent un fétichisme de leur part, qui découle d’un imaginaire colonial : les hommes asiatiques sont efféminés, doux, faibles, dociles, passifs, étroits… bref une féminisation des hommes asiatiques qui a permis aux colons de l’époque de justifier des pratiques homosexuelles dans les colonies, mais aussi d’émasculer les hommes colonisés afin d’asseoir leur pouvoir. Il était donc temps de reprendre ce terme : qui donc, sont les vraies reines des rizières sinon nous ? À noter qu’on aurait pu s’appeler “sticky rice” qui désigne les hommes gays asiatiques qui ne sortent qu’avec des hommes gays asiatiques !
Calypso : J’ai découvert le terme Rice Queen dans une vidéo que je regardais sur la fétichisation des minorités racisées dans le commu LGBTQI. Je trouvais ce terme tellement génial et tellement drôle que j’ai commencé à en parler à mon entourage. C’est donc devenu ma vocation dans la vie de propager le nom Rice Queen !
Chinack : C’est Aaliyah qui nous a convaincu de prendre ce nom ! God bless her ahaha.
Car je n’étais pas trop convaincue par Rice Queens à la base. Puis elle nous a dit que ça permettait de réclamer ce que les colons nous ont volé et j’étais en mode : « Ok, work queen ! » Maintenant j’en suis absolument fan.
Kitty : Et puis le jeu de mot est tellement drôle ! N’est ce pas, Drag Race France ?
Est-ce que vos origines culturelles influencent votre drag et si oui de quelle manière ? Est-ce que c’est quelque chose qui est tout naturel, qui est tout de suite allé de soi et/ou c’est un choix travaillé, revendiqué ?
Calypso : Mon drag est influencée par mon origine culturelle évidemment ! On pourrait presque dire que Calypso représente mon enfance : la liberté de jouer dans les rues de mon quartier tout l’après-midi et également le chaos à se bagarrer avec les autres gosses qui ont essayé de voler mes cartes Yu-Gi-Oh. Je ne pense pas forcément lier Calypso à mon pays mais quand tu grandis avec des idoles de la Sainte Marie Vierge avec des yeux qui pleurent de sang, ça te tenterait aussi de reproduire l’icône religieuse en drag, non ? Disons que c’est une sorte de trauma dumping ? Il faut que ça sorte quelque part.
Aaliyah : J’aime bien dire que mon drag est sino-vietnamo-coreano-japonais… bref c’est un restaurant asiatique du 13ème. En effet, les gens qui nous voient ne nous voient qu’en tant qu’asiatiques, ou plutôt, nous sommes “asiatiquetés”. Ainsi, j’aime bien jouer sur ce que les gens vont percevoir et l’identité que l’on va m’accoler, mais aussi l’identité que je veux renvoyer, et celle que j’ai, l’histoire de mes identités multiples et de celles de mes ancêtres.
Chinack : Absolument, j’ai toujours dit que je suis l’Asie du Sud-Est ! Pour faire court : Je suis d’origine chinoise/cantonaise mais je suis née en Thaïlande, j’ai grandi au Cambodge et mon vrai nom est Laotien. J’ai eu le privilège de baigner dans ce hotpot riche en saveurs culturelles. J’ai grandi avec tellement d’art, de savoir-faire et d’histoires que j’ai toujours voulu le partager au monde entier, partager la beauté de l’Asie. Mais je ne savais pas comment… Puis j’ai découvert le drag et j’ai eu une révélation ! Plutôt que d’être un guide ou un régisseur d’exposition pour des vieux touristes en chaussettes-claquettes, je vais être l’exhibition ! Je serai le médiateur pour la culture asiatique et je vais partager mon histoire ainsi que l’histoire de tout mon entourage sur scène ! (avec leurs consentements, bien évidemment, I ain’t getting sued for copyrights). And let’s be honest, avoir un drag queen comme guide culturel c’est tellement plus fabulous qu’une personne dans sa quarantaine en train de vous raconter l’histoire de l’Asie d’une voix monotone.
Wasabi : Oui , totalement ! surtout quand je porte mon kimono, ou que je performe en Japonais (que ce soit en chantant ou lipsyncant). Dans tous les cas, je performe pour le plaisir de mon public, je veux qu’iels se sentent aussi heureux·ses que lorsqu’iels mangent un bon sushi.
Kitty : Étant née au Vietnam mais française d’adoption par les parents, il est pour moi très important de mêler mes deux cultures car c’est ce qui fait ma force et permet de passer des messages contre le racisme, le colonialisme, les préjugés et l’intolérance. Je veux montrer que les mélanges culturels sont forts. Je veux aussi rendre hommage à mes ancêtres vietnamiens que je n’ai pas connus tout en mettant en avant aussi ma culture française dans laquelle j’ai été éduqué.
En tant qu’asiatique, beaucoup de gens présument que nous sommes discret·es, timides… J’ai toujours eu l’impression que mon identité gay et l’art queer m’aidait à péter les préconçus racistes dans lesquels on essayait de m’enfermer. Est-ce que vous avez le même sentiment ? Est-ce que votre drag vous inspire, vous donne de la force pour faire face ?
Calypso : J’ai eu cette chance d’avoir grandi dans un pays colonisé par les Espagnols donc j’ai malheureusement pas cette timidité surtout dans le domaine vocal/sonore. Même dans le standard des asiatiques, I’m so fucking weird. Ma particularité, c’est que je ne me suis jamais senti “chez moi” même quand je vivais avec ma famille. So weird. Je suis un mélange de plein de choses que je préfère ne pas catégoriser et juste dire que je suis Calypso. Periodt.
Chinack : Je suis un peu à cheval sur cette question. Pour moi “discret·e et timide” ce n’est pas un cliché en fait. Je ne vais pas vous mentir, je suis quelqu’un d’assez discret et timide. Mais ça c’est le résultat de mon éducation à l’asiatique où je ne pouvais pas montrer mes sentiments, avoir des excès de colère etc… Mais ce qui m’a vraiment aidé à briser un peu cette éducation c’est l’art et mes amis. Être entouré de femmes fortes m’a aidé à faire sortir une certaine confiance en moi que j’avais refoulé. Mais comme j’ai été éduqué d’une certaine manière, je ne peux pas m’en débarrasser aussi facilement, j’ai été matrixé en quelque sorte. Mais attention, juste parce que je suis timide et discret, ça ne veut pas dire qu’on peut me marcher dessus… Sauf Timothée Chalamet ! Bref, don’t poke the sleeping tigress hunny !
Wasabi : Disons que je suis un homme typiquement japonais, un peu timide (je ne prends pas autant de selfies que Calypso ou Kitty pour les réseaux sociaux haha). Mais quand je deviens Wasabi, c’est un peu comme si je me transformais en Sailor Moon ou un autre héros d’animé : Je n’ai plus peur de me montrer aux autres alors que je suis plutôt réservé en général, de par la culture de mon pays d’origine (le Japon). J’ai beaucoup plus confiance en moi, et deviens plus sauvage et piquant quand je suis sur scène. J’apprécie énormément ce gap entre Wasabi et moi. Ce n’est pas conscient, mais cela me vient assez naturellement.
Kitty : On a différentes identités, je n’ai pas grandi au Vietnam mais en Chine, France, Canada, Angleterre. Je dis toujours que je suis de partout, je ne me suis jamais senti chez moi nulle part mais aussi un peu chez moi quand même, c’est un sentiment bizarre. Mon drag m’aide à briser les clichés racistes, j’suis folle et belle, et malgré mes origines asiatiques, non je n’ai pas d’accent, comme beaucoup le pensent au début. Kitty est un melting pot de plein de culture et c’est ça qui est space !
Aaliyah : Nos identités sont toujours multiples, le fait d’être drag permet de le revendiquer si on le souhaite grâce à la plateforme que cette pratique nous offre ! C’est très empouvoirant.
Votre premier évènement a lieu le 16 juillet. De quoi il s’agit ?
Aaliyah : c’est le premier show des Rice Queens, qu’on a décidé d’appeler Drag Rice ! (sans aucun lien avec une franchise télévisuelle pour ne pas être attaqué en justice). Il se déroulera le 16 juillet à la Movida, et vous pouvez déjà prendre vos préventes Early Bird.
Chinack : A défaut qu’aucune de ces talentueuses queens ne soit dans RPDR France, nous avons décidé de faire notre propre Drag Race 1OO% fait en Asie ! Gentlemen, start your engines and may the best asian win !
Kitty : On va casser les codes et vous en mettre plein la vue !
Calypso : Let me be an attention whore plus que je le suis déjà : tout d’abord, le 16 juillet c’est deux jours après mon anniversaire. Pour plus d’informations sérieuses, demandez à Aaliyah. Pour plus de soupe miso, demandez à Madame Wasabi (elle cuisine hyper bien !).
Et pour finir, votre chanson fétiche à interpréter/pour un lip-sync, le morceau qui vous représente le mieux ?
Kitty : J’ai tellement de chansons en ce moment que j’adore, mais j’aime performer sur « Foufoune » de Mara , elle représente bien Kitty qui est une chatte de l’espace, déjantée, space, drôle, weird et sexy, comme la chanson ! Miaaww miaawww !
Calypso : C’est bien ma saison d’anniversaire mais le morceau qui me représente le mieux en ce moment est All By Myself de Céline Dion. I’m going through tough shit ok et c’est pas tout le temps la fiesta à la casa.
Aaliyah : Ma chanson du moment, c’est You Stupid Bitch de Rachel Bloom, parce que c’est la chanson parfaite pour jouer la riche femme blanche de couleur que je suis en drag…
Chinack : Oulah, je ne peux pas choisir une chanson pour me représenter… c’est comme me demander de choisir un plat que je mangerai toute ma vie. That’s not possible. I’m like an onion, I got layers (mostly traumas). Mais si je devais vraiment en choisir une je dirais… Beauty Song du film Flying House of Daggers… Que vous verrez le 16 à Drag Rice au Café Movida !
Les préventes sont déjà disponibles pour « Drag Rice » et vous pouvez tenter de gagner vos places sur l’Instagram de Friction Magazine !