« La musique n’a pas de limite, on n’est pas obligé-e d’être emprisonné-e » : rencontre avec Vanda Forte

Vanda Forte est né-e au Maroc et est arrivé-e en France à ses 26 ans. Aujourd’hui iel est artiste résident-e au festival Le Bon Air à Marseille où iel va jouer deux fois, en solo pour ce projet Vanda Forte, et en duo avec Caïn و Muchi. Nous l’avons rencontré-e en amont du festival pour tenter d’en savoir plus sur sa musique et son parcours.

Photo : Manel Tleta (@gemma.muse)

La musique a toujours fait partie de la vie de Vanda Forte, dont les parents sont musicien-nes amateurices. « J’ai toujours fait de la musique, d’abord avec mes parents, puis au Conservatoire, puis j’ai commencé à chanter dans des petits groupes de rock alternatif pendant mon adolescence, j’ai toujours su que je voulais faire de la musique sans avoir forcément le déclic d’avoir envie d’en manger. La société nous renvoie que c’est toujours une activité parallèle. Dans la culture dans laquelle j’ai grandi, la musique est quelque chose pour nourrir l’âme, pas forcément quelque chose de professionnel mais j’avais d’autres projets pour moi. » Dans sa vingtaine, Vanda Forte a d’abord fondé des collectifs pour la promotion d’artistes indépendant-es avant d’étudier la musicologie. « C’est une crise existentielle qu’a chaque artiste dans sa vie, où iel s’interroge sur sa légitimité, c’est pour cela que j’ai tout arrêté pour faire un master de musicologie et acoustique ». Ces études lui ont ouvert des portes, pas nécessairement des opportunités musicales, mais ça lui a appris à se détacher de ce qu’on lui a enseigné au Conservatoire. « J’apprends dans ce master que la musique n’a pas de limite, on n’est pas obligé-e d’être emprisonné-e. Ça m’a beaucoup libéré-e. C’est une formation qui m’a appris à comprendre la musique de plusieurs points de vue : philosophique, historique, épistémologique… »

C’est par le rock progressif et le proto-rock qu’iel arrive aux musiques électroniques. Aujourd’hui, la uk bass, la drum and bass et la jungle font partie de ses influences. C’est d’abord en mixant dans l’intimité qu’iel commence à mixer.  « Je n’aime pas trop la ségrégation stylistique, et dire que je joue tel ou tel genre ». Si sa musique peut sembler difficile à définir, on y retrouve un travail sur les dualités qui est à la base même de son nom d’artiste. En effet, c’est d’abord dans le jeu de rôle Naheulbeuk qu’iel fait naître un personnage mi-elfe mi-démon qu’iel a appelé Vanda Forte, un nom qui représentait une dualité entre l’ordre et le chaos. En effet, le mot « vanda » renvoie à une orchidée violette tandis que l’adjectif « forte » évoque, évidemment, la force. C’est cette dualité entre la douceur et la force que l’on retrouve dans la musique de l’artiste. « Je peux dire que je joue de la techno mais c’est un terme tellement vaste que ça ne veut pas dire grand-chose, je n’aime pas trop m’emprisonner dans ce genre de termes. On peut reconnaître la patte de chaque artiste même si dans le même set il y a dix styles différents. » Vanda Forte évoque des artistes comme Anetha ou Jensen Interceptor connus pour jouer de la techno mais qui s’autorisent à explorer d’autres styles comme la drum and bass pour l’une et la baile funk pour l’autre. « Aujourd’hui les artistes ont tellement d’influences que ça n’a pas beaucoup de sens de mettre des étiquettes, en revanche on peut dire « c’est de la musique club » de façon à évoquer à quelle fin cette musique est utilisée. »

Vanda Forte laisse une grande place à l’expérimentation dans ses compositions, en essayant de traduire à l’instant t comment iel se sent et comment ça peut se traduire par le biais de la musique. « Souvent je pense mes tracks comme une sorte de psychanalyse, ce sont un peu des indicateurs de comment l’artiste se sent à un moment précis. » Les artistes qu’iel écoute fonctionnent de cette manière en piochant des bouts de style, d’instruments, de sample : « La musique, c’est que de l’expérience et des expérimentations, l’art c’est essayer de mettre des choses ensemble qui n’ont pas encore été explorées pour toi ».

Avec son projet Caïn و Muchi, Vanda Forte expérimente beaucoup autour de son patrimoine culturel, notamment en travaillant sur des rythmiques qui ne vont pas être forcément facilement reconnaissables à l’oreille. « Je n’en ressens pas toujours le besoin et je ne suis pas nécessairement représentant de ma culture parce qu’il y a beaucoup de choses qui me plaisent ». C’est cette fois en duo que l’artiste exploite son patrimoine, iel travaille sur ce projet avec Sinclair Ringenbach, qu’iel a rencontré en Master : « Je suis parolier dans ce projet mais on compose aussi ensemble et c’est la suite logique de ce que l’on faisait pendant nos études. » Un album est en préparation pour le mois de septembre et s’annonce aussi très intéressant.

Lorsque l’on a rencontré Vanda Forte, iel s’apprêtait à jouer au Badaboum pour le before de la Douve Blanche, la saison des festivals est officiellement lancée et l’on retrouvera l’artiste notamment sur la scène du Bon Air à Marseille en mai. « Je suis résident au Bon Air auprès de Sherelle et Helena Hauff, ça veut dire qu’on présente nos projets et qu’on est là sur tout le festival. Ça me fait plaisir de faire partie de ces belles programmations ». L’été de Vanda Forte s’annonce chargé, car iel souhaite aussi se consacrer à la production « j’aime bien aussi prendre des pauses de tournée pour composer ». Au milieu de tout cela, Vanda Forte prépare un EP de cinq titres pour la fin de l’année et un nouveau live : « Ce n’est pas un nouveau départ, mais c’est un peu la cristallisation de tout ce que j’ai pu faire ces dernières années, donc j’ai vraiment hâte. »