À lire : «Règles douloureuses» de Kopano Matlwa

Kopano Matlwa est une jeune auteure sud-africaine, romancière et médecin, elle signe avec Règles Douloureuses son troisième ouvrage, paru en France en août 2018 aux éditions Le Serpent à Plume et traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Camille Paul.

« Mon histoire n’a rien d’exceptionnel, cela se passe partout, tous les jours. Que je sois hautement diplômée, que je sois médecin, que j’aie lancé une pétition relayée par la presse, rien de tout cela n’a d’importance. J’ai un vagin. C’est tout ce qui importe. » (p. 125)

Dans ce roman, qui se présente comme une sorte de journal intime, on se plonge dans les pensées de Masechaba, la narratrice, qui souffre d’endométriose. Elle raconte l’expérience de ses premières règles et la honte qui lui a fait cacher à Ma, sa mère, les taches au fond de sa culotte et sur ses collants à paillettes. Pour la petite fille, les règles apparaissent comme une punition divine, elle saigne à cause de ses fautes. La narratrice raconte l’écoulement continu et douloureux.

 « […] Je vivais captive d’une bête tapie au fond de mon pelvis, qui pouvait se trancher la tête à tout moment, selon son bon plaisir, et vomir ses entrailles sur le sol au gré de ses envies, sans avoir reçu la moindre provocation. » (p. 19)

La bête tapie au fond des entrailles de la narratrice, c’est l’endométriose, qui la fait souffrir et saigner des semaines durant et qui va la pousser à l’exercice de la médecine, dans l’espoir qu’un jour elle rencontre un·e camarade qui accepte de pratiquer une hystérectomie. Elle nous parle de cette amie qui n’a plus ses règles grâce au DIU Mirena, un stérilet. Elle raconte sa rencontre avec Nyasha, elle aussi docteure, originaire du Zimbabwe et avec qui elle va se nouer d’amitié. Même si les règles prennent beaucoup de place dans le roman, la narratrice évoque le difficile exercice de la médecine. Elle observe ses réactions, ses sentiments, elle cherche la moindre trace d’une émotion, et quand rien ne vient, elle se demande : « Peut-être suis-je simplement en phase de syndrome pré-menstruel. » Face à l’impression de perdre pied, cette phrase anodine revient, comme pour rappeler l’importance des menstrues et de l’endométriose.

Le roman est également traversé par des réflexions sur la capacité de son pays, l’Afrique du Sud, à construire une nouvelle nation, par des considérations sur les restes de l’Apartheid et le rejet des étrangères·ers. Un jour, après avoir été accusée par son amie Nyasha de ne pas avoir pris assez soin d’un patient étranger blessé lors d’émeutes xénophobes, elle décide de publier une pétition demandant le retour à la tolérance et à des valeurs humanistes. La narratrice s’engage contre les violences xénophobes dans son pays, son engagement sera médiatisé et lui vaudra un viol correctif et collectif par trois hommes qui lui demandent de rester à sa place.

« Pourquoi veux-Tu nous voir ramper ? Pourquoi devons-nous d’abord nous briser en une myriade de morceaux avant que Tu n’empoignes ta pelle pour nous ramasser ? Pourquoi devons-nous voler en éclats avant que Tu ne réagisses ? Pourquoi devons-nous prier pour des choses évidentes ? Cela ne sautait-il pas aux yeux que j’avais besoin que Tu viennes me sauver ? » (p. 93)

La narratrice s’adresse ainsi à un dieu qui l’a abandonnée, qui a permis que soit commis le viol. Elle évoque ensuite la thérapie, le difficile processus pour se reconstruire après cette agression. Un livre nécessaire qui aborde ces thématiques de façon poignante et qui porte une parole féministe puissante.

Règles douloureuses, Kopano Matlwa, Le Serpent à Plume, traduit de l’anglais (Afrique du Sud ) par Camille Paul, 18€

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