Les mots qu’il te reste à dire

Tu as bien essayé d’écrire. Il est arrivé ce moment où tu as tellement à dire que tu ne parviens pas à coucher un seul mot. Ça, des messages, tu en as envoyés. Des longs, des incisifs, des pitoyables, des drôles. Tu l’as cherchée l’attention.

Et pourtant tu es là. À moitié saoule, seule. Ton portable comme seul allié à jeter des bouteilles à la mer et à espérer que quelque chose batte au rythme de ton cœur déréglé.

Tu es passée par toutes les étapes. Par tellement d’étapes. Il en existe sûrement d’autres. À chacun·e ses étapes. Pour le moment, c’est toi, l’alcool qu’il te reste à boire et les mots qu’il te reste à dire.

Depuis quand n’avais-tu pas écrit ? Depuis quand gardes-tu les mots tout au fond de toi ? Et pourquoi ? Tu te sens seule, n’est-ce pas ? Tes mots ne résonnent dans aucune pièce, dans aucune salle. Ils n’existent que dans l’espace étriqué de ta tête dans lequel ils tournent, tournent.

Tu n’es plus rien. Tu as disparu. Qui es-tu ? Tes mots n’existent presque plus. Ils se taisent peu à peu. Leur musique se tarit peu à peu. Tout doucement tu te dissous dans le néant des idées dont tu es sortie victorieuse, un jour. Tout doucement, tu disparais. Ce n’est pas le grand geste que tu attendais, l’éclat, le feu d’artifice. C’est discret et anodin. C’est indolore. Progressivement ta voix se tait.

Est-ce que c’est grave ? Elle s’était éraillée, ta voix. Tu n’y arrivais plus, déjà, à organiser tes mots. Ils étaient moches, tes mots. Tu les as enfouis tout au fond de toi et tu les extirpes douloureusement. Ils jaillissent frippés, desséchés. Tu as perdu la voix, tu as perdu les mots.

Tu es seule. Tu peux abandonner les principes, les idées, les envies. Tu es seule avec l’absurdité de ta petite vie misérable, jamais à la hauteur, jamais. Tu es seule avec ce que tu voudrais dire et toutes ces paroles qui meurent sur tes lèvres.

Seule et stupide. Ramasse tes mots et tes paroles desséchées et cache toi derrière la montagne des choses que tu ne diras jamais.