Six sur scène, des histoires à raconter dans des perfs hyper construites : depuis deux ans, le collectif drag Mutantes s’est créé une place à part dans le paysage drag marseillais. On a profité de leur réunion hebdomadaire pour rencontrer Anzar Anzar, Ash, Mary Rose Cheddar Novembre, Patti Laboule et Saint Phalle.
« C’était censé être un seul coup, on n’avait pas anticipé qu’on voudrait continuer »
C’est souvent une habitude à Marseille : les histoires de drag passent par Robin des Doigts. C’est donc sur sa scène ouverte, au karaoké Sing or Die, qu’a émergé ce qui allait devenir Mutantes. Patti Laboule raconte : « On souhaitait faire une parodie des L5 avec Novembre et Ash : on a trouvé Saint Phalle et Anzar Anzar et très naturellement Philippine (Mary Rose Cheddar) est devenue la voix off de Popstar : c’était notre première perf, les “Iel 5”. »
« Les “Iel 5” étaient censé être un seul coup, précise Novembre, on n’avait pas anticipé qu’on voudrait continuer l’aventure. » Une deuxième scène ouverte est rapidement organisée et une méthode de travail émerge. Patti encore : « Suite au “Iel 5”, on a voulu faire un show autour de la Trilogie du samedi : on s’est mis à en parler, créer une narration, faire des blagues… C’est une façon de faire qu’on a gardé, sans discuter vraiment du type de drag qu’on avait envie de montrer : on a pris du plaisir à ce mode de construction, c’est devenu notre façon de faire. »
Résultats : des performances d’une vingtaine de minutes qui enchaînent les tableaux avec une vraie narration, une histoire du début à la fin… et pas mal d’humour. Anzar Anzar précise : « On essaye en général de prendre un thème qui nous parle. (Saint Phalle : « Sur lequel on a déjà rigolé ! ») et c’est un mode qui nous permet à toutes d’être sur scène et à tous nos drags d’exister dans leurs singularités. »
« Aller prendre des lieux »
Car si iels sont six, ce sont aussi six styles très différents : drag queen, drag king, club kid, drag… clown !? Et si le travail est commun, chacun·e a sa spécialité. Ash travaille les morceaux : « J’adore chercher des sons, faire des montages, des collages… et créer une histoire à partir de ça. » Novembre s’occupe des visuels et Mary Rose Cheddar des accessoires : « Et je fais les blagues qui ralentissent toutes les réunions… et aussi celles qui volent la vedette à chaque show. »
Les perfs se construisent chaque semaine, au rythme d’au moins une réunion tous les mardis (« Ce qui nous empêche pas d’être toujours en retard sur les répétitions » précise Patti). Depuis 2 ans, la pop culture est l’inspiration principale des Mutantes, mais « on va commencer à essayer de sortir un peu de la parodie et du détournement, de créer nos propres histoires » indique Ash.
Un bouillonnement créatif qui s’inscrit dans une dynamique plus large comme le raconte Novembre : « Le drag depuis quelques années se démocratise, devient de plus en plus visible, de plus en plus présent. Pas mal d’artistes émergent et proposent des choses qui n’existaient pas il y a quelques années et c’est beau à voir. » Comment se faire une place là-dedans ? Pour Saint Phalle « C’est aussi à l’initiative des drags d’aller prendre les lieux, il suffit parfois d’aller les voir : c’est à nous de prendre les devants. Des bars mais aussi des théâtres… »
Et si certain·e·s artistes drags tentent (parfois difficilement) de vivre de leur art, du côté de Mutantes, on reste en amateurs : « Tout ce qu’on gagne va dans Mutantes précise Mary Rose Cheddar. D’ailleurs on est très content·e·s de performer à six mais on sait que ce n’est pas évident de booker six personnes… » Ash considère que « si on a de l’argent, il vaut mieux le réinvestir dans [des] futurs projets ou pour payer des photographes. » (Mary Rose : « Ou un jour performer à New York »).
De nombreuses dates à venir
Et la suite ? Sans attendre New York, elle est chargée pour Mutantes : la Dragantuesque de Robin des Doigts et Cristale de Troie le 2 mars au théâtre de l’Œuvre (Belsunce), l’anniversaire de Mutantes le 28 mars au Sing or Die (Longchamp)… et une grosse soirée le 13 avril au théâtre des Chartreux. « On présentera pour la première fois ce genre de show : seulement nous sur scène, 40 minutes tous les six puis des perfs solos. Pendant une heure et demi, ça sera notre soirée ! » Et on a hâte de voir ça.
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