Un dimanche avec Lolla Wesh

Photo par Morgane Dardis

Après avoir bravé ma meilleure gueule de bois du dimanche, j’ai pris mon vélib’ pour aller voir Le Stand Up Drag de notre tatie gênante préférée, Lolla Wesh. Entre activisme politique et autofiction, elle s’amuse à titiller les hétéros coincés et à débuker les violences sociales autour des questions queer. Un spectacle puissant mais également très doux… Pour Friction Magazine, elle a répondu à quelques questions autour de son personnage drag, de son spectacle et de son activisme politique !

Peux-tu te présenter en quelques phrases ! Qui es-tu Lolla Wesh ? 

Je suis un individu qui essaye de faire de son mieux pour exister dans ce monde. Tout ça implique énormément de réflexions et d’analyses sur ce monde justement, et aussi des thérapie psy assez deep… J’adore partager ou transmettre ces pensées et réflexions ! 

Quand as-tu commencé à faire du drag et pourquoi ? 

Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être était-ce un acte cathartique. Quand ? En 2013/2014. C’était un moment où Drag Race n’étais pas encore diffusé en France et souvent, les gays shamaient les drags.

Tu utilises dans ton spectacle un personnage que l’on voit depuis longtemps sur la scène drag française. Pourquoi as-tu eu envie de faire un one-drag-show ? Comment l’as-tu écrit et mis en scène ? 

L’écriture c’est simple à expliquer. J’écris depuis tout petit, seul. Et il faut savoir que ce spectacle a connu plus d’une dizaine de réécritures. Aujourd’hui, l’écriture bouge tout le temps, parce l’actualité bouge, les mentalités et la pop culture aussi. Je suis d’ailleurs en train de réécrire avec l’aide d’une amie actrice que vous invite à suivre : Laura Leoni. Sinon j’écris des notes ça et là, des pensées, des idées suite aux retours de ma productrice ou ma tourneuse. La mise en scène c’est pareil, il y a une sorte d’instinct, mais aussi une forme de risque dans l’impression.

Dans ton spectacle, tu fais de l’humour une arme politique pour battre en brèche les violences que les TPG (Trans-Pédés-Gouines) peuvent subir. En quoi est-ce nécessaire pour toi de passer par ce médium-là et pas par un autre ? Qu’est-ce qui te semble nécessaire aujourd’hui de défendre sur scène ? 

J’ai choisi l’humour parce qu’après des années à militer dans l’association AIDES, j’ai compris que la colère et l’activisme politiques pouvaient vite ne plus être écoutés. Je citerais le chanteur Sébastien Delage « J’ai compris que j’avais presque fais le deuil de mon militantisme alors que j’ai compris qu’à mon échelle fallait juste que j’arrête le mutisme. » Je pourrais dire cette phrase aussi. Je réalise qu’à travers un personnage et de l’humour parfois grinçant, on peut planter des réflexions hyper importantes et parfois super graves dans la tête des gens. L’humour permet de tout entendre. À chacun de s’en saisir à sa façon et de faire germer la graine que le personnage a planté. Sur les sujets que je veux défendre, j’ai tendance à faire de toutes les injustices mon cheval de bataille. Mais je commence à concentrer réellement le propos de mon spectacle sur l’homophobie, la gayphobie grandissante dans nos rues, à l’Assemblée (et non Attal n’est pas une caution queer), nos écoles et même entre nous les LGBTQIA+. 

La pop culture est également présente dans ton spectacle. Tu performes sur une chanson de Mylène Farmer (que tu affectionnes tant !) et sur Comme ils disent d’Aznavour. Quel est ton rapport à la pop culture ? Et que veux-tu transmettre au public à travers elle ?

La pop culture est nourrie depuis toujours par le sociétal. Quand en 2023 des gays rejettent d’autres gays parce qu’ils aiment Mylène Farmer et que l’argument n’est pas simplement sur une question d’univers mais bien de shaming follophobe (same avec Lady Gaga ou Madonna) ou quand un gay utilise le terme de « musique de pédé » au premier degré, ma question est la suivante : jusqu’à quel point revendiquer aimer et écouter Mylène est politique ? Cette question se pose pour toutes les artistes féminines, étant donné que la pop culture est construite sur des bases misogynes. Il faut savoir que les gays ne sont pas à l’abri d’être misogynes. Du coup utiliser la pop culture comme argumentaire me semble pertinent et permet aussi aux gens d’avoir des outils pour pouvoir aussi mieux comprendre ce que je veux raconter.

Être sur scène semble t’animer mais tu es également très présente sur les réseaux. Qu’est-ce qui est nécessaire pour toi dans le fait de performer ?

Aujourd’hui je suis présente sur les réseaux sociaux parce que je n’ai pas le choix. C’est par les réseaux que l’on vend un spectacle mais, crois-moi, je préfère de loin la vie sur les planches, au théâtre ou en cabaret.  Les stratégies de communication et de visibilité ont grandement changé par rapport à l’époque où j’ai fait mon buzz internet. Du coup, je garde collée sur moi l’étiquette de la première Drag Youtubeuse donc le travail doit continuer à se faire et je m’adapte du mieux que je peux. Même si je suis souvent shadowban (technique qui consiste à invisibiliser des publications ou comptes par des réseaux sociaux), voire totalement invisible pour certain·es. Parfois, des gens pensent même que j’ai complètement arrêté. 

Pourquoi te semble-t-il important d’être également très visible sur les réseaux, notamment sur Instagram ou Twitter ?

LW : Twitter, je l’utilise pour mon travail dans l’industrie du porno… Les aficionados du porno sauront pourquoi je dis ça. Et oui, je suis aussi TDS, sorry not deso. Les autres réseaux je dois avouer qu’en vieillissant, ça me dépasse ! Mais je fais ce que je peux pour proposer du contenu drôle même si je me sens plus du tout dans le coup. Du coup, Instagram me sert plus de vitrine pour mon spectacle et mes cabarets que pour le format vidéo Facebook/ YouTube que j’ai pu faire entre 2014 et 2019… 

Où est-ce que l’on peut te retrouver dans les prochains mois ? 

LW : Je suis en tournée avec mon spectacle partout en France. Toutes les dates et villes sont en lien sur mon Insta et je joue tous les dimanches au Théâtre Du Marais jusqu’au 31 mars. Je commence aussi un tout nouveau projet avec deux autres drags, Diamanda Callas et Babouchka Babouche. Nous créons « Le ménage à trois », un cabaret pour le nouveau lieu Chez Olympe à Pantin. J’y fais aussi ma soirée solo qui est Trav Race : une soirée show, quizz et scène ouverte pour remettre à la mode le travelotage. Et enfin très régulièrement, mes week-ends au Cabaret Burlesque dans lequel je joue depuis 10 ans à la Nouvelle Seine.