Plus qu’un mois pour soutenir le projet de reprise de la librairie lesbienne Violette and Co

À un mois de la fin de la campagne de financement participatif lancée par le collectif Violette and Coop, on a rencontré Loïse qui nous a parlé un peu plus du projet de reprise de l’emblématique librairie lesbienne Violette and Co qui a fermé ses portes récemment.

Est-ce que vous pouvez présenter le collectif ?

On est un collectif de femmes, de féministes, de lesbiennes issues de différents domaines, majoritairement du domaine de l’édition et des milieux associatifs et artistiques qui étions toutes très attachées à la librairie Violette and co et à la préservation des milieux lesbiens et LGBT. On est toutes militantes pour un féminisme intersectionnel et quand on a appris la fermeture définitive de la librairie en janvier, on a toutes eu la même réaction : on ne pouvait pas laisser faire ça. On était quelques-unes à se connaître des milieux militants, à être amies et on s’est réunies dans ce groupe pour pouvoir travailler à la reprise. On a présenté notre projet aux fondatrices Catherine Florian et Christine Lemoine. Ça a été un véritable coup de cœur des deux côtés et on a commencé à travailler ensemble fin janvier.

Aujourd’hui, on est une association qui s’appelle Violette and Coop, c’est une association qui nous sert de structure pour organiser la transition administrative et pour organiser la levée de fonds mais cette asso a pour vocation de devenir une coopérative.

 

 
 
 
 
 
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On est toutes bénévoles au sein de cette association, soit dans une période où on a mis un peu de côté notre travail soit on a encore nos emplois ou nos études en parallèle. On est un noyau dur de 6 personnes et on reçoit des aides ponctuelles de l’extérieur aussi.

Pourquoi était-ce important pour vous de reprendre Violette and co ? Qu’a-t-elle de spécial cette librairie ?

Personnellement, je suis aussi bénévole et militante aux Archives Lesbiennes de Paris qui existent depuis 1983 et je me suis rendue compte, et c’est un constat qu’on partage avec les autres membres de l’équipe, qu’il y avait énormément de lieux lesbiens et féministes qui avaient existé et qui avaient été effacés des cartes, effacés de l’histoire, dont on n’avait pas entendu parler et dont il était extrêmement difficile de retrouver la trace si on n’allait pas dans les lieux très spécifiques comme les Archives du féminisme ou les Archives lesbiennes. On vit toutes à Paris ou en banlieue parisienne et on souffre déjà du manque de lieux de sociabilité et de lieux culturels offerts aux personnes queers, LGBT, lesbiennes, et ça nous faisait encore un lieu de moins. Et en plus, ça s’inscrit dans une dynamique de disparition des lieux lesbiens qui a lieu depuis les années 2000 au niveau national mais aussi international et pour nous, c’était très important de conserver cette histoire. De conserver ce lieu qui était un lieu à soi, le seul lieu à Paris, et avant la création de la librairie Au bonheur des Dames à Toulouse le seul lieu en France où on était assuré·es de trouver des ouvrages lesbiens et trans, et surtout une exhaustivité d’ouvrages féministes francophones, ou de livres sur la transidentité, les études de genre, les études queer… C’est aussi un lieu où on pouvait entrer sans se sentir jugé·e en tant que personne lesbienne, bie, trans qui demande des livres sur des récits qui nous représentent et avoir une expertise des libraires sur ces sujets. Aujourd’hui, on voit plus d’ouvrages qui représentent la communauté LGBT ou les problématiques féministes dans les librairies généralistes, ça reste encore difficile de s’adresser à des libraires qui ont un réel intérêt pour le sujet et une réelle expertise.

Pour toutes ces raisons, c’était important pour nous de garder cet espace culturel qui met en valeur nos écrits et qui soit aussi un refuge où on se sent en sécurité et où on se sent chez nous.

 

 
 
 
 
 
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Pourquoi ne pas simplement ouvrir un nouvel établissement ?

C’est justement pour cette mémoire des lieux lesbiens… Il y a beaucoup de lieux qui ont existé qui n’étaient pas vraiment des lieux avec une offre spécifiquement lesbienne, des librairies généralistes mais tenues par des lesbiennes, notamment La Maison des amis des livres d’Adrienne Monier ou la librairie Shakespeare and Company qui existe encore mais dont personne ne sait que ça a été créé par une lesbienne ou la librairie Carabosses qui était une librairie féministe de Paris pendant plus de 10 ans. On est très attachées à la préservation de l’histoire lesbienne. Si on laisse Violette and Co disparaître et qu’on crée une nouvelle librairie lesbienne, en fait, Violette and Co va disparaître avec son histoire et c’est pour ça qu’on souhaite offrir une relève et être dans la transmission avec les générations précédentes plutôt que dans une rupture et d’oublier notre passé en ayant l’impression de créer quelque chose de nouveau alors que ça a déjà existé.

Comment cela se passe-t-il concrètement ? Notamment puisque les locaux ont été rendus par les fondatrices de la librairie ?

Ça fait un moment que Catherine et Christine avait pour projet de prendre leur retraite, elles ont commencé à en parler publiquement en 2019 et encore 2019 et maintenant l’immeuble dans lequel se trouvait Violette and Co au 102 rue de Charonne dans le XIe arrondissement a été racheté et va être transformé en bureau. L’immeuble va donc être en travaux pendant deux ans. Les fondatrices ont dû prendre une décision par rapport au local en septembre 2021, donc à un moment où elles savaient pas encore s’il y allait y avoir des repreneuses. Elles ont décidé de rendre le local, elles se disaient que c’était pas un cadeau de laisser ce local aux futures repreneuses puisque l’immeuble allait être en travaux pendant deux ans et pour des questions d’accessibilité également.

Quand elles ont trouvé le local, elles ont beaucoup aimé la mezzanine qui permettait d’accueillir des rencontres, d’avoir une vie culturelle en plus de la librairie mais dans la pratique pour les personnes à mobilité réduite, les personnes en fauteuil, les personnes âgées qui peuvent pas monter les marches, ça crée une plus grande difficulté d’accès à ces rencontres et à ces formats.

En effet, il faut que nous retrouvions un local. C’est notre gros chantier du moment. On voudrait rester dans l’Est de Paris (XIe, XIIe ou XXe arrondissements mais on a aussi des propositions dans les IIIe et IVe arrondissement, donc un peu plus central) et on est en lien très étroit avec les mairies d’arrondissements et la mairie centrale à qui on essaie de demander du soutien dans cette recherche du local.

On voudrait un lieu qui soit entièrement accessible, plus grand que ce que l’était la librairie, on aimerait étendre l’offre, agrandir certains rayons et créer un espace café. Ce sont nos critères, après on est en cours de recherche, on a fait des visites, on a des propositions et on espère rouvrir le plus rapidement possible.

Au niveau du fonds, vous reprenez également les livres ?

La reprise de Violette and Co a été une reprise assez particulière puisqu’on s’est manifestées assez tard, un peu à la dernière minute parce qu’on avait entendu dire dans les milieux militants qu’il y avait des repreneuses et c’est seulement un mois avant la fermeture qu’on a appris par les fondatrices que finalement ça n’allait pas se faire et que la librairie allait fermer définitivement. On s’est mobilisées immédiatement dès qu’on l’a su mais c’était déjà assez tard donc Catherine et Christine s’étaient déjà organisées et la librairie fermait pour qu’elles s’occupent des retours, et nous de notre côté, on n’avait pas encore concrètement l’argent pour reprendre le fonds de commerce. On a quand même réussi à acheter un fonds de livres mais assez réduit et qui ne permettra pas de rouvrir la librairie, d’autant qu’il y avait eu énormément de passage et d’achats dans les dernières semaines de la librairie donc il leur restait très peu de choses finalement. C’est à cette étape qu’on est dans notre campagne de financement participatif qui consiste à réunir les fonds pour reconstituer le stock de livres et c’est ce qui va nous coûter le plus cher dans la librairie.

Est-ce que tu peux revenir sur le projet dont tu parlais un peu tout à l’heure ? Il diffère un peu de la librairie telle qu’on la connaissait…

Dès le départ, ça nous a semblé évident de créer une librairie-café, c’est quelque chose qui se fait beaucoup en ce moment et on avait connaissance de lieux à l’étranger, notamment aux États-Unis, la plupart des librairies féministes sont aussi des librairies-cafés, notamment Bluestockings qui est une librairie-café new-yorkaise que j’ai connue lorsque j’y vivais. Certes, Violette and Co, c’était un lieu de sociabilité, puisqu’il y avait des rencontres etc., mais ce n’était pas un lieu où on pouvait rester. On trouvait qu’on manque vraiment de lieux pour les personnes LGBT qui ne soient pas des lieux de fête. Ça nous tenait à cœur d’avoir, en plus de la librairie, une offre qui permettrait à des personnes de rester plus longtemps, de boire un café, de se retrouver, de travailler… Pour aussi une plus grande accessibilité, parce que le milieu de la nuit n’est pas forcément accessible pour tout le monde, c’est bruyant, il y a de l’alcool, etc. C’est aussi un espace pensé dans la continuité de l’espace mezzanine de Violette and Co, à côté de la librairie et qui permettrait d’accueillir notamment des expositions, puisque Violette and Co a toujours été un lieu d’exposition et ça nous tient à cœur de continuer ça. Avec un espace où s’organisent des ateliers d’écriture, des workshops, des créations de zines, du travail avec des associations de visibilisation de nos communautés et des pratiques artistiques de nos communautés…

Il y a tout cet aspect café et il y a l’aspect coopérative que j’évoquais aussi tout à l’heure. On est aussi très engagées dans les milieux féministes et dans les luttes sociales et la coopérative, c’est la structure de société qui nous paraissait le plus en accord avec nos valeurs, nos engagements et les valeurs de la librairie. C’est-à-dire qu’une coopérative, c’est une société dans laquelle il n’y a ni actionnaires ni patrons ni de rapports hiérarchiques. La société appartient aux personnes qui y travaillent et toutes les décisions sont prises au vote sur la base de 1 personne = 1 voix. Il ne peut pas y avoir de personne extérieure à la coopérative qui pourrait lui donner une orientation et imposer des directives aux personnes qui y travaillent et c’était quelque chose de vraiment très important pour nous. Il fallait que la librairie appartienne à ses salariées et que les salariées aient un vrai pouvoir décisionnel. C’est aussi dans une continuité de lieux féministes et LGBT comme La Mutinerie ou Les Mots à la bouche qui ont choisi également cette structure.

Est-ce qu’au-delà d’un soutien financier il est possible de s’investir ou de participer au projet ?

C’est quelque chose qu’on nous demande beaucoup… En effet, on fait appel à des aides extérieures ponctuellement notamment à travers nos newsletter et à travers nos stories et nos posts sur Instagram. C’est comme ça qu’on a réussi à trouver par exemple des architectes qui vont nous suivre sur le projet, des aides de bénévoles pour nous aider sur l’organisation de soirées, des personnes qui travaillent dans le BTP ou qui construisent du mobilier. On fait donc appel à des aides extérieures ponctuellement, il faut juste s’inscrire à notre newsletter pour être tenu·e informé·e.

Comme il y a une réelle demande, à l’ouverture de la librairie, on créera une association, comme celle qui existait avec « Les Ami.e.s de Violette and Co » pour permettre à des personnes qui le souhaitent de s’engager encore plus dans la librairie, notamment dans l’organisation d’événements.

Quel est l’objectif de votre levée de fonds ?  Quelles sont les prochaines étapes pour vous ? 

On en est à 77 000€ de récoltés sur la cagnotte en deux mois, on est sur une campagne de financement participatif qui dure 3 mois et qui se termine le 4 juin, donc dans un mois exactement. Il nous reste donc un mois pour réunir la somme totale de 150 000€. À la base on était parties sur un objectif de 200 000€ parce qu’on avait aucune garantie d’avoir des subventions ou le soutien de banques et d’institutions. On sait que pour porter des projets lesbiens et féministes que ce sont souvent des projets qui ne sont pas suivis par les banques et les institutions. On avait l’énergie, la motivation, l’envie et les compétences pour faire tout ça mais on avait pas d’apports personnels. On a finalement eu des soutiens extérieurs qui nous ont permis de baisser le crowdfunding à 150 000€ et il nous reste donc un mois pour réunir un peu moins de la moitié de la somme et on compte sur tout le monde pour partager, participer et nous aider à réunir la somme dont on a besoin.

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