Le Castor est une parution féministe annuelle, à mi-chemin entre la revue et le zine, entièrement rédigée en écriture inclusive, et conçue par et pour les personnes LGBTQIAP+. Le deuxième numéro sortira le 1er décembre et a pour thématique la poésie LGBTQIAP+. Nous avons rencontré Amélie, fondateur-trice du Castor.
C’est quoi, Le Castor ?
Le Castor est un webzine d’actualité et de réflexion féministe, culturel et participatif, créé en 2014. Trois ans plus tard, il devient association afin d’organiser des expositions ainsi que des concerts aux énergies queer-punk, féministes et DIY, qui mettent en avant les talents artistiques, les luttes et les savoirs de personnes LGBTQIAP+.
En 2019, nous avons fait le choix de lancer un premier numéro papier, mi-revue mi-zine : un bel almanach à conserver, résumant cinq années créatives et engagées du Castor. Aujourd’hui nous récidivons. Mais tous les contenus du numéro à paraître le 1er décembre sont inédits, et nous avons parié sur un numéro 100% artivisme, faisant dialoguer textes poétiques et arts visuels. Les trente-deux artistes qui ont participé sont concerné·e·s au premier chef par les oppressions patriarcales sous tous leurs aspects : iels sont lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, pansexuel·le·s, asexuel·le·s, aromantiques, non-binaires, transgenres et cisgenres, hétéros, racisé·e·s et non racisé·e·s, en situation de handicap, gros·ses, neuroatypiques, psychoatypiques, précaires, avec une diversité d’âges et de vécus.
Qui se cache derrière Le Castor ?
A l’origine, un·e mastérant·e en journalisme à Paris IV Sorbonne puis à Paris 8 Saint-Denis passionné·e par les liens entre journalisme, arts et militance. J’ai fait le CFPJ un an, quelques stages et une alternance dans la presse culturelle, et j’ai été très déçu·e par l’entre-soi de ce milieu, l’irrespect des règles de base du journalisme (non-vérification des sources, déni et mauvaise foi… ), ou encore la hiérarchisation oppressive de l’information. Le Castor a été créé en réaction à tout cela, afin d’accueillir des types de contenus variés (reportages, dossiers, portraits, interviews, billets d’humeur, mais aussi dessins, photographies, poèmes… ), avec des angles originaux et inclusifs. Et pour visibiliser celleux qu’on n’entend jamais dans la presse mainstream.
Le projet est participatif, c’est pourquoi tout le monde peut y proposer des contenus tant que ces derniers respectent nos valeurs. Certaines personnes contribuent régulièrement (ami·e·s, rencontres via des manifestations, des événements ou sur les réseaux sociaux… ). D’autres envoient occasionnellement des contenus. Avec le confinement, nous avons doublé notre nombre de participant·e·s, notamment parce que les personnes cherchent à libérer leur parole dans un contexte de manque d’espace vital et de tensions émotionnelles.
Pourquoi avoir choisi de faire un numéro sur la poésie ?
Si la chanson est un genre populaire, la poésie a toujours été la mal-aimée. Il y a cette vieille conception erronée et tenace, qui fait que de nombreuses personnes perçoivent la poésie comme une chose parfaitement étrangère à la vie réelle, tenue pour une espèce de luxe. Mais la poésie offre une liberté incroyable pour communiquer autour de nos expériences, pour exprimer nos révoltes et nos aspirations. C’est un outil d’empowerment et un moyen d’action pour combattre la léthargie qui nous menace. Et une manière de réenchanter le monde. C’est en la diffusant et en invitant les personnes à prendre la plume pour s’emparer de cet art qu’on pourra faire la peau au stéréotype du poète enfermé dans sa tour d’ivoire.
D’autre part, il y a urgence à mettre à l’honneur la poésie LGBTQIAP+. Dans un collège où j’ai enseigné, j’ai choisi d’inclure un poème de Sappho dans ma séquence « Dire l’Amour ». Déjà, les élèves avaient du mal à concevoir que ce soit une femme qui écrive, mais alors, qu’elle s’adresse à une autre femme ! L’écrasante majorité des élèves avait intériorisé le fait que tous les poèmes d’amour parlent de relations hétérosexuelles (qui finissent mal en général, rires). Or, iels sont emblématiques de notre société. Il faut absolument associer les expressions artistiques aux questions de visibilité LGBTQIAP+.
Comment avez-vous travaillé pour mettre au point ce numéro ?
Un appel à participation a été lancé fin mai sur Facebook et Twitter. J’ai récolté une grande variété d’œuvres, qui se sont mises à dialoguer, grâce à un étrange sortilège, de façon très spontanée. Il faut dire, Le Castor est un repaire de sorcières.
Bastien, un ami graphiste et drag s’est occupé de la cohérence graphique. Plusieurs participant·e·s m’ont aidé à relire la maquette. Et mon copain Ronan a géré la partie fabrication. La couverture a été réalisée par l’artiste Rita Renoir, avec laquelle je collabore depuis quelque temps maintenant. C’est une illustratrice bienveillante, rêveuse et engagée, que j’apprécie beaucoup. Elle avait déjà conçu la couverture du numéro un, et la pochette de mon groupe queer-punk Versinthë99 par le passé. Quant à la quatrième de couverture, le choix du dessin subversif et coloré La queerness ne tient pas sa langue, réalisé par Ugo, s’est imposé de lui-même.
Comment diffusez-vous votre revue ?
En ce moment avec la pandémie, il n’y a malheureusement plus qu’un seul moyen de diffusion : notre boutique militante Etsy . Mais d’ordinaire, nous participons régulièrement à des stands lors de divers événements (concerts, expositions… ) et festivals féministes, LGBTQIAP+. Quelques exemplaires sont également disponibles dans des librairies parisiennes comme la Librairie féministe Violette & co ainsi que la librairie underground Parallèles.
Est-ce que vous pouvez nous parler du prochain numéro ?
A vrai dire ce numéro est encore un mystère insondable.