Face aux violences des institutions médicale envers les communautés LGBTI, et en particulier les personnes intersexes, le Collectif intersexes et allié·e·s (OII France) a lancé cette année un mouvement éphémère : « les délaissé·e·s des fiertés ». L’objectif est de lutter contre l’invisibilisation des intersexes au sein de la pride alors qu’iels subissent encore à ce jour des mutilations et traitements forcés sans nécessité vitale. Le mouvement, qui rassemble déjà au moins 80 personnes prendra la forme d’un cortège pirate en non-mixité ce samedi.
Nous avons posé quelques questions à Lil, activiste au sein du Collectif et qui sera à la Pride avec les délaissé·e·s des fiertés.
Est-ce que tu peux expliquer un peu ce qu’il va se passer samedi ?
L’organisation de la Marche des fiertés de Paris ayant à nouveau laissé de côté les personnes intersexes et leurs revendications spécifiques, des militants du Collectif intersexes et allié·e·s ont lancé une initiative visant à assurer une présence et une visibilité à nos revendications. C’est devenu un mouvement, celui des délaissé·e·s des fiertés. Il s’agit d’un mouvement en non-mixité qui a décidé de s’unir pour défendre les revendications des personnes intersexes, trans, lesbiennes, bies et gays contre l’institution médicale. Nous comptons attirer l’attention sur la situation dramatique des personnes intersexes en France et sur les abus et crimes commis par le système médical sur les personnes LGBTQI en prenant la tête de la Pride. Une équipe pédagogique sera présente afin de sensibiliser les personnes qui seront présentes à la Pride aux réalités intersexes. Nous sommes un mouvement de personnes intersexes, queer, racisées, trans, handies et nous voulons dénoncer le pinkwashing et les violences que nous subissons.
Le cortège qui va prendre la tête de la Pride sera en non-mixité. Tu peux nous expliquer qui prendra part à ce cortège ?
Le cortège des délaissé·e·s des fiertés est un cortège en mixité choisie. C’est-à-dire que sont invitées à prendre part à ce cortège toutes les personnes qui ne sont pas dyadiques, pas cisgenres et/ou pas hétérosexuelles, et qui souhaitent soutenir nos revendications.
Pourquoi est-ce important de prendre la tête ?
Il est important de prendre la tête cette année pour apporter de la visibilité aux personnes qui en ont habituellement le moins. Se positionner en tête de la Pride, c’est une manière de montrer que nous existons, que nous agissons et que nous ne nous laisserons plus faire. Si les associations et organisations qui se veulent alliées se montrent incapables de nous soutenir et de porter nos revendications, alors nous les porterons nous même. Nous ne nous laisserons plus invisibiliser. C’est d’autant plus important que les débats pour la révision des lois de bioéthique s’ouvriront dans quelques semaines, et que c’est une occasion rare pour que l’État français décide d’enfin inscrire dans le marbre de la loi la protection des enfants intersexes.
Le mouvement intersexe en France est encore jeune. Les activistes intersexes sont peu nombreux et nous devons lutter au quotidien pour être reconnus.
Comment expliques-tu l’absence de visibilité des personnes intersexes au sein des luttes LGBTQI ?
Il existe une culture médicale qui pousse les personnes intersexes à la honte, au silence, et qui les divise par syndrome et pathologie sans jamais mentionner l’intersexuation, ce terme parapluie qui nous rassemble. Les personnes intersexes sont donc souvent très isolées. Cela explique que le mouvement intersexe en France soit encore jeune et le Collectif intersexe et allié·e·s, créé en 2016, est encore la seule association par et pour les personnes intersexes en France. Les activistes intersexes sont peu nombreux et nous devons lutter au quotidien pour être reconnus, et même simplement connus. Notre travail acharné paye, nous commençons à être considéré par les associations LGBTQI, mais pour beaucoup, ça reste encore seulement LGBT. Force est de constater que dans notre communauté, certains ne sont pas capables de reconnaître leur privilège dyadique et de faire un peu de place aux problématiques intersexes, de prendre en compte nos réalités et des les inclure dans leurs revendications et dans leur communication.
Concrètement, quelle peut être la posture d’un·e allié·e samedi ?
Samedi, un·e allié·e peut venir marcher à nos côtés pour ajouter sa voix aux nôtres. Un·e allié·e peut prévoir une pancarte de soutien aux personnes intersexes s’iel marche dans un autre cortège. Un·e allié·e peut veiller à ce que les personnes intersexes soient prises en compte dans les revendications qu’il portera.
Plus d’info sur le cortège des Délaissé.e.s des Fiertés : ici
Le point de rendez-vous est donné à 11h30 à la station Luxembourg (RER B, sortie 1 – place Edmond Rostand).
Nous relayons également l’appel à manifester du mouvement :
Après un demi-siècle de luttes LGBTI au sein des Marches des Fiertés, qu’en est-il aujourd’hui ? Peu à peu dépouillée de son sens politique, la Marche des fiertés de Paris est devenue une opportunité pour les organisations qui méprisent, invisibilisent et répriment les communautés LGBTI de redorer leur image. Nous dénonçons, entre autres, la présence du char officiel de l’institution policière. Nous rappelons que celle-ci continue d’opprimer les communautés intersexes, trans, lesbiennes, bies et gay, sans aucune remise en question ni condamnation interne. Ces violences sont d’autant plus appuyées et systématiques lorsque ces personnes sont à la jonction d’autres oppressions telles que le racisme, la xénophobie ou le validisme.
En outre, après plus de deux ans de gouvernance Macron, la présence officielle de La République En Marche lors d’un tel événement a de quoi rendre amer. Nous refusons de voir ce pinkwashing se perpétuer. Nous refusons de voir chaque année des chars comme ceux de Mastercard ou Google capitaliser sur les injustices et crimes que l’on subit. Nous refusons comme l’an passé d’abandonner nos luttes au pinkwashing raciste et homonationaliste qui légitime la présence officielle des chars d’Air France et de la SNCF collaborant avec les expulsions mortelles des personnes immigrées.
Lorsque le mot d’ordre de la marche des Fiertés de Paris a été donné sur la PMA, nous avons vu en cette occasion le moment de se réunir entre personnes des communautés LGBTI dans un cortège de tête en mixité choisie sans personnes cisgenres, hétérosexuelles et dyadiques*, afin de dénoncer les abus et crimes perpétrés par le système médical. Alors que cette institution est supposée garantir notre santé, elle représente toujours une idéologie oppressive qui blesse, ronge, viole, mutile et tue les personnes de nos communautés. Sous prétexte que nous existons en dehors de leurs normes de genres binaires et hétéro-centrées, nos existences sont perpétuellement fragilisées, précarisées, mises en danger.
Aujourd’hui, en France, les personnes intersexes sont torturées. Aujourd’hui, en France, des adolescent-e-s, des enfants, souvent même des bébés sont mutilés, subissent des traitements forcés, sous le seul prétexte que leur corps ne correspond pas à une binarité des sexes fantasmée par le patriarcat et le corps médical. Cette idéologie nauséabonde veut forcer les intersexes au silence. Aujourd’hui, la honte doit changer de camp. Les intersexes ne se taisent plus. A l’heure de la révision des lois de bioéthique, il est urgent que l’opinion publique et les législateurs prennent conscience de l’urgence que représente la situation des personnes intersexes. Pourtant, les organisations et associations prétendument inclusives et s’auto-proclamant soutien des personnes intersexes se montrent incapables de porter dignement leurs revendications, instrumentalisant ainsi les militants ou invisibilisant leur lutte. A ce jour, les personnes intersexes exigent la fin de tous les traitements et opérations subies sans un consentement éclairé et sans urgence vitale, le droit à l’auto-détermination et le respect complet de la dignité et de l’intégrité physique et morale auquel chaque être humain à droit.
Les personnes et luttes intersexes sont encore systématiquement sacrifiées et écartées des événements LGBTI, y compris la Marche des Fiertés, qui constitue pourtant une occasion exceptionnelle de visibiliser leurs luttes et revendications. Nous refusons que cette année encore, nos militant-e-s soient réduit-e-s au silence et à l’isolement, alors que leurs combats sont tout aussi nécessaires, tout aussi urgents, et méritent autant d’attention, que ceux des autres membres des communautés LGBTI.
C’est pourquoi, en collaboration avec d’autres associations allié-e-s, le Collectif Intersexes et Allié-e-s (OII France) formera un cortège en tête de la Marche, portant haut les couleurs et revendications intersexes. Ce cortège sera celui des « Délaissé-e-s des Fiertés », qui, en plus de soutenir dignement les activistes inter, portera également les revendications des personnes intersexes, trans, lesbiennes, bies, gay pour dénoncer l’institution médicale. Entre thérapies de conversion toujours légalisées en France, autorité cis-hétéronormative et pathologisante de la FPATH ( anciennement nommée la SOFECT) qui formate les personnes transgenres au péril de leur vie ; nos santés sont une nouvelle fois effacées des revendications de la Pride et des politiques gouvernementales. Les associations pour les personnes intersexes, trans, queer, racisées, immigrées, malades et handicapées, et grosses manquent cruellement de subventions.
Nous appelons les personnes intersexes, trans et queer (à la jonction ou non d’autres oppressions comme le racisme, la xénophobie, le validisme, la grossophobie, la putophobie, etc) à rejoindre le cortège de tête que nous formerons ce samedi 29 juin à la Marche des Fiertés de Paris. Venez aider les personnes intersexes à visibiliser leurs revendications en plus des vôtres pour lutter contre le système médical.