Attention ! Dans les rues du Marais ou de Lille ce samedi 30 novembre, vous risquez de croiser des drag queens et kings… Pour la quatrième année, la communauté drag se mobilise contre le VIH avec le Sidragtion. L’an dernier, 6640€ avaient été récoltés au profit du Sidaction à l’occasion de la journée mondiale contre le sida. Enza Fragola et Minima Gesté, qui coordonnent l’évènement, nous expliquent.
Pourquoi avez-vous voulu créer un évènement contre le VIH en faisant participer les drags de Paris ? Et d’où vient cette idée d’aller dans la rue ?
Enza et Minima : C’est la quatrième année qu’on organise le Sidragtion. À la base, on s’inspire d’une tradition venue des Pays-Bas : les Begging Babes. C’est une collecte de fond pour le AidsFonds dans les lieux LGBTQI+ d’Amsterdam, organisée par la House of Hopelezz depuis 15 ans.
L’idée du Sidragtion en tant que telle remonte à 5 ans. Aujourd’hui, il y a des drags dans toutes les campagnes de com’ militantes (Vers Paris Sans Sida, AIDES, etc.) mais, à l’époque, nous n’étions pas sollicité·e·s par les associations. Faire le tour du Marais en passant par les lieux comme le Centre LGBT, la Mine, le Labo,… où nous n’étions pas habitué·e·s ou attendu·e·s, c’était nous rendre visibles et accessibles à la communauté LGBTQI+ dans son ensemble et montrer qu’on avait envie d’être utiles. Il y a une véritable soif des performeur·se·s de s’investir dans des causes et les occasions ne sont pas si nombreuses que ça.
« On se fait jeter des restaurants, avec le sourire, mais on rentre quand même dedans pour se faire remplir la fente. »
Mais être en drag dans la rue en fin d’après midi, y compris dans le Marais, ce n’est pas simple. On est conscient·e·s de la recrudescence des agressions à caractère homophobe. À Paris, 53 plaintes pour homophobie ont déjà été déposées au cours du premier semestre 2019, contre 60 plaintes pour ce motif pour tout 2018 et 47 en 2017 (selon la DILCRAH). Être en groupe ensemble aussi nombreu·x·ses, c’est rappeler aussi que ce quartier, qui se gentrifie, qui perd des commerces LGBTQI+, reste aussi le nôtre, nous « le mauvais genre ». C’est de l’ordre du drag attack. On se fait jeter des restaurants, avec le sourire, mais on rentre quand même dedans pour se faire remplir la fente.
Je crois qu’il y avait encore plus de participant·e·s en 2018 que les années précédentes : que pensez vous de l’engagement de la communauté drag sur ce sujet ?
En effet, le nombre de participant·e·s inscrit·e·s a littéralement doublé, passant de 34 à 70 à Paris et – nouveauté 2019 ! – 20 participant·e·s feront une maraude dans les rues de Lille à l’initiative de la House of Jambon Beurre. Tous les ans, l’événement prend plus d’ampleur et inspire, comme la House of Hopelezz nous a inspiré.
Il y a peu d’occasions où les drags peuvent s’engager aussi directement et aussi nombreusement dans les luttes qui touchent la communauté LGBTQI+ à Paris et il y a une vrai soif d’engagement chez les performeur·se·s. Car, paradoxalement, avec la professionnalisation du drag, il y a une certaine dépolitisation sur scène. Utiliser ces événements clés pour mobiliser même des artistes qui habituellement ne font pas dans le politique, c’est rappeler que le drag est politique dans son ADN.
De plus, que l’initiative vienne de la communauté des performeur·se·s en elle-même, sans intermédiaire, sans promoteur, sans queerwashing, est aussi importante. On est une communauté à part entière avec une certaine force qu’on exerce à ce moment-là pour une bonne cause.
Pour la première fois l’an dernier, le nombre de contamination au VIH a baissé (-7 % en général en France, -16 % à Paris et même -22 % chez les HSH parisiens), notamment grâce à la PreP. En tant que drag queens, vous faites partie des figures visibles de la communauté queer parisienne : qu’est-ce que ces chiffres positifs vous inspirent comme réaction ?
La recherche progresse, les moyens de protections évoluent et se diversifient, comme les traitements, les résultats parlent, c’est hyper encourageant. On espère que cela fera taire les trop nombreux détracteurs de ces nouveaux modes de protection.
Souvent on entend que si on avait XXX millions, on pourrait éradiquer le virus en quelques années. On marchera pour le Sidragtion tant que l’épidémie persistera.
Après leur récolte, retrouvez les drags dans différents bars (entrée gratuite ou prix libre, donations bienvenues : tous les dons sont entièrement reversés au Sidaction) :
• à La Mutinerie (Paris 3e) à 21 h
• au Rosa Bonheur (Paris 19e) à 21 h
• et pour les Lillois·e·s à la Ressourcerie à 21 h 30
Coup de gueule dépistage !