Vibrations #16 : Morbihan

Je suis parti quelques jours à la campagne, parmi mes amis qui ont trouvé au creux des vallons morbihannais un mode d’existence propre à eux. Une ferme, des poules, un atelier paysan, des caravanes, une ressourcerie et une cantine. La vie et l’activité s’organisent dans la quiétude de l’isolement et dans l’excitation palpable de ceux qui réalisent qu’ici, presque au-delà du monde, on résiste de manière collective.

Je passe mes journées à lire et à écrire, à discuter avec les gens de passage et ceux qui, ici, ont un projet précis. Parfois je monte sur la colline humide, foulant le sol élastique et repoussant les ronces qui envahissent le petit sentier pour contempler d’un peu plus haut la vallée brumeuse.

Il y a dans la liste des choses nécessaires à la vie, le besoin de changer de monde si on veut changer le monde. Regardez, dans l’avion on vous le dit : il faut d’abord mettre son masque à oxygène avant d’aider votre voisin. Il faut prendre soin de soi, si on veut continuer à pouvoir fomenter la révolution. Je suis ici pour ne pas être à Paris. C’est simplement ça. Il y a des moments où les tentations de la ville vous semblent trop intenses et il faut les fuir pour accorder à son corps le repos dont il a besoin. On ne peut pas s’exploser le cerveau tous les weekends et vivre pied au plancher sans pause. Il faut savoir passer au stand.

Au début, par automatisme, on s’accroche aux rites et aux habitudes des jours parisiens, liés au mouvement social, aux fêtes queers, au milieu militant, aux sensationnelles émotions du sentiment d’urgence. Mais un jour ou l’autre, on finit par débrancher Grindr.

Le midi, nous mangeons à vingt sur de longues tables et j’écoute les conversations de travail. Il y a ici une actualité qui se suffit quasiment à elle-même : comment se débarrasser de la buse qui attaque les poules tous les jours, combien vendre le fourrage, comment organiser la vie collective… Il y a tout le temps du passage. Des gens viennent acheter les produits des cultures et d’autres choses variées, stockées dans une forme d’amoncellement propres aux fermes : ferraille, fûts métalliques, matériaux de construction…

Le repas terminé, chacun retourne travailler jusqu’au soir au soin des animaux, à la construction du nouveau hangar, et à d’autres activités auxquelles j’assiste, parfois, en retrait, silencieusement. La pluie fine entre dans le quotidien. Parfois, le chien s’affole à l’arrivée d’une voiture inconnue, sans doute un représentant commercial en charrues ou en semis.

Le soir, nous cuisinons en évoquant des souvenirs nostalgiques. On se réchauffe autour du poêle à bois. Certains ouvrent des bouteilles inconnues et poussiéreuses et nous goûtons au vieux cidre et à l’eau de vie, qui m’enivre autant que le sensation profonde d’être bien entouré. Les jours sont lents et calmes, le long du granit.

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