Ania, cadavre exquis et darkwave queer

Crédit photo Laurence Heintz

Qui se cache derrière Ania ? A l’occasion de la sortie de son deuxième album, on a voulu mener l’enquête sur ce personnage énigmatique.

Naissance d’une créature d’outre-tombe

Longue perruque sombre et lentilles claires, peau blanchie et air lugubre façon drag queen d’outre-tombe, Ania a de quoi intriguer. Qui se cache sous cette identité ? Malgré notre investigation, on n’est pas sûres d’avoir percé le mystère… Car derrière le masque blanc, un garçon plutôt secret qui en dira peu sur sa personne et préfère même rester anonyme. Si vous devez vraiment en savoir plus, retenez qu’il a 29 ans, qu’il a fait des études de linguistique et a vécu trois ans à Berlin.

Et pourtant c’est en Norvège, en 2011, qu’Ania se met à la musique en autodidacte avec le logiciel Ableton Live, qu’il utilise encore aujourd’hui : “J’habitais alors à Oslo et c’est une période où j’étais très souvent seul. Au début, c’était de l’exploration sonore pure. Mes créations ne ressemblaient à rien, j’étais comme un chercheur dans un laboratoire qui créait des monstres sans queue ni tête. J’ai découvert l’étendue de la musique électronique qui permet absolument tout avec peu de moyens.”

Petit à petit, il apprivoise le logiciel et se lance dans de vrais morceaux. C’est ainsi qu’en 2015, après son retour de Berlin, elle commence à composer son premier album, Morceaux pour Congélateur. Un pur objet DIY et, surtout, une véritable catharsis.

“Dans la vie je suis un garçon assez fantaisiste mais très anxieux. Ania est aussi une protection.”

C’est ainsi que naît Ania, sa “créature”, comme il l’appelle, inspirée du personnage d’Anna-Varney Cantodea du groupe solo Sopor Aeternus and the Ensemble of Shadows. Comme l’explique le musicien : “Ania est mon alter ego. Elle est apparue en même temps que mon besoin de faire de la musique. C’est une projection de moi-même, et il m’a semblé évident dès le départ que ma musique ne s’exprimerait qu’à travers Ania.”

Une façon de parler librement et sans crainte, comme l’explique l’artiste : “Dans la vie je suis un garçon assez fantaisiste mais très anxieux. Ania est aussi une protection”.

Anna-Varney Cantodea, du groupe Sopor Aeternus and the Ensemble of Shadows

Un nouvel album psychopompe (oui oui)

Aujourd’hui, Ania revient donc avec son deuxième album Assistante Funéraire, plus abouti mais aussi plus spontané, composé en trois mois, de manière quasi-compulsive : “J’ai eu de nombreuses phases maniaques où je passais 2 ou 3 jours enfermé chez moi à faire de la musique sans manger ni même me laver.” Elle compose sa musique chez elle, enregistre seule ses prises vocales avant d’envoyer le tout à une assistante, basée à Londres, qui l’aide pour le mixage.

Musicalement plus accessible, l’album ne s’en avère pas moins conceptuel :

“C’est un album concept qui parle de ce qu’il y a après la vie, et entre la vie et l’au-delà. J’ai lu beaucoup de choses sur les rites funéraires, et de nouvelles de Lovecraft. Ce n’est pas un album glauque, il traite plutôt la mort comme un passage vers un autre monde, une métamorphose. J’ai découvert le terme “psychopompe” qui veut dire ‘accompagnateur d’âmes’.”

De la darkwave à la dance russe

A l’image de sa musique, ses influences sont plutôt sombres et parfois même radicales, allant de la musique Darkwave et EBM des années 80 (Deine Lakaien, Cocteau Twins, Nitzer Ebb…) à la musique électronique plus actuelle (Björk, Gazelle Twin, Zola Jesus, PlanningToRock, Soap&Skin, Fever Ray…) en passant par du métal féminin (Chelsea Wolfe, Myrkur). Sans oublier les artistes de musique électronique analogique (Xeno&Oaklander, Marie Davidson). Et d’ajouter : “J’aime aussi les artistes très radicales comme Pharmakon,  Helga Pogatschar  ou Diamanda Galas qui repoussent les limites tant vocalement que musicalement.”

Elle qui n’a encore jamais performé en live passe parfois derrière les platines, comme lors de la prochaine Sneaky Sneaky, qui aura lieu le 26 mai. Elle précise :

“Pour danser, j’adore la techno industrielle vénère et la dance russe des années 90/2000 qui est très énergique avec de magnifiques synthés. J’ai une collection d’une centaine de titres. C’est un genre inconnu ici en France. C’est d’ailleurs cette musique que je passe quand je mixe à la soirée Sneaky Sneaky.”

L’occasion de la voir en vrai, donc, en attendant son premier concert, auquel on espère pouvoir assister bientôt.

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