Les Massilia Boyz, le tout nouveau collectif de drag kings marseillais

Ils viennent d’organiser leur premier show 100 % kings au Sing or Die le 8 février 2024 : on a rencontré les Massilia Boyz, le tout nouveau collectif de drag kings né de l’extraordinaire capacité de Robin des Doigts à organiser et fédérer les talents.

Pour commencer, parlez-moi de vous et de vos inspirations

John Travelota : Je suis tout juste sorti de l’œuf ! J’ai fait du king pour la première fois à la Vélorution Drag avec notre collectif cycloféministe Les Déchainé·e·s, lors d’un atelier animé par Robin et Messalina Mescalina, où j’avais incarné Thierry, un cycliste légendaire. Je prépare mon premier numéro plutôt du côté dragqueer mais je vais aussi explorer des formes de masculinité flamboyantes et peut-être un peu pédés aussi.

Prince des Docks : J’ai débuté le drag par un atelier de Robin et j’ai ensuite participé à ma première scène ouverte et ma pratique s’est poursuivie grâce aux encouragements de ma drag mother, Kitty Catcher. Je me sens proche de Lewis Raclette que je trouve très expressif autant dans sa gestuelle que dans son maquillage ! J’aime aussi beaucoup l’inventivité de Kitty Catcher dans ses costumes ou les mises en scène de Millepertuis ! Plus globalement, j’aime la poésie et la danse et j’essaye de les incorporer de plus en plus dans mes performances.

Rudy Wurst : J’ai commencé à faire des ateliers king à Marseille en 2020 puis j’ai fait mes premières scènes ouvertes en 2021. Ma première, je l’ai faite avec Robin des Doigts, qui est à l’initiative de ce collectif.  

Gino Vagino : Je performe depuis quelques mois seulement. Mon personnage est un mélange des auteurs-interprètes italiens et français des années 60-70 (Gino Paoli, Laurent Voulzy) ou de contemporains comme The Weeknd ou Justin Bieber. Leur point commun à tous étant leur masculinité à la fois peu virile et sensuelle.  

Robin des Doigts : Je fais de la scène depuis 2018. De Montpellier (où j’ai fondé avec Medusa Dickinson la House of Boner) à Marseille, je suis un king du Sud, quoi. Mon drag est un mélange de masculinité un peu second degré, de paillettes et de lesbianisme. Mes performances vont du lipsync au stand up. J’organise des drags show, lectures de contes, blind tests, ateliers, et autres soirées drags depuis le début. J’ai créé un collectif avec mon binôme marseillais Cristale de Troie (le s) le collectif Dragantuesque pour valoriser la scène queer et surtout drag locale. Dragantuesque a d’ailleurs transmis sa sororité aux Massilia Boyz depuis le début de ce nouveau projet tout beau tout chaud !

Comment sont nés les Massilia Boyz ?

Robin des Doigts : Depuis deux ans que j’organise des ateliers et des scènes ouvertes à Marseille, j’ai vu naître des envies et des personnages kings locaux. J’ai commencé à compter… Quand tous mes doigts de ma main se sont levés, j’ai compris que l’émulsion prenait et qu’on pouvait enfin se lancer ! Cinq drags kings/queers avec des approches, des envies, des expériences variées mais la même motivation. J’ai proposé de nous rencontrer pour voir. L’enthousiasme collectif s’est chargé du reste !

Rudy Wurst : Nous voulons donner plus de visibilité aux kings à Marseille : on assiste à une explosion de collectifs et de maisons de drag queens mais nous sommes le premier collectif de kings qui organisent un show ! 

John Travelota : Mais l’idée c’était aussi de pouvoir se retrouver pour partager d’autres choses : regarder des films sur le king, tester des performances, des astuces de make up, tout ce qui se passe autour d’un show et qu’on n’a pas toujours le temps de bosser en collectif.  

Quel regard portez-vous sur la scène drag king ? Vu de l’extérieur, on a l’impression d’une sorte d’émulation, avec de plus en plus de kings : c’est votre sentiment aussi ?

Gino Vagino : Totalement ! Déjà en tant que public, j’ai commencé à voir de plus en plus de kings programmés au côté de drag queens. Et en tant que performer je ressens la même chose, que de plus en plus de drag kings et drag queers se lancent. Après, pour le grand public, le chemin reste long, car le drag reste en grande partie associée avant tout aux drag queens.

Prince des Docks : Dans la pratique king, il y a peut-être moins d’« exubérance » — en tout cas mon personnage ne l’est pas — que dans des performances de queens. Mais le côté subversif se trouve ailleurs… Car il est assez difficile de mettre en corps un genre qui s’est construit historiquement comme étant le neutre, l’invisible, le passe-partout ! Il faut alors trouver d’autres manières de performer en repensant les mots, les collaborations, les mises en scène ou les médiums utilisés ! Faire preuve de beaucoup d’inventivité !

Robin des Doigts : La scène king, c’est mon amour ! Du love, du soutien, de l’intelligence artistique, de la remise en question… C’est pas parfait, hein, mais on retrouve des dynamiques plus bienveillantes, plus de réflexions sur nos pratiques et nos identités, plus de barrières à combattre et donc de stratégies qu’on se partage entre nous. Et en même temps, on n’est jamais loin des drags queens qui restent nos sœurs de cœur. Le king se développe, comme les autres formes de drag, grâce à la mainstreamisation du drag : c’est une réalité. Et ça fait plaisir à voir ! Mais il faut tout de même continuer à organiser des ateliers car je reste persuadé qu’il ne faut pas oublier que l’initiation à un art minoritaire passe par le partage de son histoire, de ses précurseurs, de ses enjeux identitaires, politiques et sociaux passés et présents, de l’expérience que celleux d’avant ou d’aujourd’hui en font. Et ce n’est pas un show de téléréalité, aussi excitant et important soit-il, qui permet cette transmission communautaire. 

Y a une part militante dans le fait de constituer un collectif drag uniquement composé de kings ?

Rudy Wurst : Bien sûr : on se pose contre une société encore patriarcale, qui demande que l’on se batte pour faire sa place quand on n’est pas un homme cisgenre blanc hétérosexuel. Nous voulons aussi montrer différentes formes de drag, du lipsync mais aussi du stand-up, du théâtre, du chant, de la danse, en s’autorisant un drag politique, qui peut déranger les images stéréotypées et mainstream.

Gino Vagino : La mixité choisie permet de s’organiser différemment, de moins s’auto-censurer… et de créer nos propres opportunités !

John Travelota : Personnellement, je vis le king comme une pratique émancipatrice qui permet d’explorer des univers et des imaginaires du genre et de la sexualité. Socialement et culturellement, on vit un moment à la fois de grande ouverture et de grande violence sur ces sujets donc ouvrir des espaces d’exploration et de libération est, quoi qu’il arrive, militant. 

Robin des Doigts : L’art est politique et nous tentons de le pratiquer en conscience !

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