Lutte contre le VIH/SIDA : on fait le point

Depuis le 23 juillet se tient à Paris la 9ème conférence internationale “HIV Science”, un sommet réunissant près de 6 000 chercheur.e.s sur le VIH/sida. Une conférence dont les enjeux sont de tailles lorsqu’on voit le mépris et le désengagement affichés par certains dirigeants pour ce qui concerne la lutte contre le VIH/sida.

Financements : Trump et Macron dans le même bateau ?

L’enjeu cette année est de taille avec la proposition faite par le président Trump de couper drastiquement le financement de certains programmes de santé, notamment alloués à la lutte contre le sida. Dès samedi, l’inquiétude des communautés scientifiques était à son comble, Trump proposant la baisse des budgets de la santé et Macron brillant par son absence. Chaque fois qu’un événement de cette ampleur s’est tenu à Paris, Macron ne s’est pas fait prier pour venir l’inaugurer. Son absence pour une conférence sur la lutte contre le VIH/sida a donc été d’autant plus remarquée.

Coalition Plus, Act-Up Paris et Aides ont regretté cette absence du président français et y ont vu une «marque de mépris» et le signe d’un «désengagement de la France». Lors d’un zap contre la ministre de la santé Agnès Buzyn, elles en ont aussi profité pour singer le slogan américain, déjà détourné par Macron himself : «Don’t make the HIV epidemic great again», ont-elles demandé au locataire de l’Elysée. Volte-face du président français, interpellé par ces associations : lundi 24 juillet, Macron a rencontré plusieurs représentant·e·s du monde de la recherche et de la lutte contre le VIH/sida.

On en est où?

La lutte contre le VIH/sida ne semble donc pas faire partie des priorités politiques des dirigeants français et états-uniens, alors même que l’ONU s’est fixée en 2015 l’objectif de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030. Cette 9ème conférence est l’occasion de faire le point sur la situation à la fois de l’épidémie.

Selon ONUSIDA, en 2016,  36,7 millions de personnes vivent avec le VIH, parmi lesquelles seulement 19,5 millions de personnes ont accès au traitement antirétroviral. Si les décès ont baissé de 48% par rapport à leur taux le plus haut en 2005, 1 million de personnes sont mortes de suite de maladies liées au sida dans le monde en 2016.

Ces progrès sont notoires et ne doivent pas être ignorés ; toutefois, l’ONUSIDA pointe la question des financements : à la fin de 2016, 19,1 milliards de dollars US étaient disponibles pour la lutte contre le sida dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’ONUSIDA estime pourtant que 26,2 milliards de dollars US seront requis pour la lutte contre le sida en 2020 dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Il n’est donc pas question de lésiner sur les moyens alloués à la lutte contre le VIH/sida.

Giovanna Rincon Murillo, ACCEPTESS-T, France, speaking. Photo ©IAS/Steve Forrest/Workers’ Photos

La moitié des personnes vivant avec le VIH ont accès à des traitements rétroviraux, et de plus en plus de personnes mises sous traitement ne transmettent plus le virus. La transmission de la mère à l’enfant est également stoppée dans la plupart des régions. Les avancées sont donc réelles, mais la lutte contre le VIH/sida ne doit pas pour autant être prise à la légère : le nombre de nouvelles contaminations n’a que faiblement diminué, passant de 1,9 million en 2010 à 1,8 million en 2016, toujours d’après le dernier rapport de l’ONUSIDA. Ce qui fait une nouvelle contamination dans le monde toutes les 17 secondes (soit 5 000 par jour). L’Afrique reste la région plus touchée avec en moyenne deux infections sur trois, et la situation régresse en Europe de l’Est. Sur les six dernières années, on y constate une augmentation de 60% de nouvelles infections. 80% de ces nouvelles infections se produisent en Russie.

Tant que les personnes infectées restent stigmatisées et/ou discriminées, les avancées ne pourront être suffisantes. C’est pourquoi la solidarité internationale est plus que jamais nécessaire, surtout quand on sait que d’une part les traitements rétroviraux restent chers, d’autre part les populations les plus à risques restent discriminées voire ignorées par les pouvoirs publics.

Quelles pistes thérapeutiques ?

Jean-François Delfraissy, qui copréside la conférence mondiale sur la maladie, rappelait cette semaine à Libération combien le sida est une maladie politique : «Nous souffrons fortement encore d’un déficit de progrès sociaux. L’exclusion et la stigmatisation à l’égard des malades restent très présentes. Si l’on compare avec le cancer, où il y a eu de grandes avancées dans l’acceptation de la maladie, ce n’est pas le cas pour le sida.»

Lors du congrès qui se tient à Paris sont envisagées de nouvelles pistes thérapeutiques. Car si les patient·e·s sous traitement vont bien, on ne peut s’en contenter. Par exemple, il est question d’une injection que l’on se fait une fois par mois, voire d’un patch que l’on a sur le bras et qui agit pendant des semaines.

Par ailleurs, on a désormais vu qu’un traitement préventif, avec la Prep, était possible, et on peut également envisager des médicaments qui protègeraient sur des périodes plus longues. La frontière entre traitement et prévention s’amenuise.

Il est toujours également question d’un vaccin, et de nombreuses recherches sur ce sujet sont actuellement en cours. Toujours selon Jean-François Delfraissy, il est essentiel de trouver un vaccin, même si le programme 90-90-90 doit permettre de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030, sans vaccin et grâce à la prévention dépistage et traitement.

Pour autant, quelles que seront les avancées scientifiques et les pistes thérapeutiques envisagées, deux choses restent certaines. D’une part, tant que trop peu de personnes resteront dans l’ignorance de leur statut sérologique, les nouvelles contaminations persisteront, d’où la nécessité du dépistage. D’autre part, il nous revient de lutter activement contre la stigmatisation des personnes séropositives. Ces discriminations affectent fortement la santé de nos communautés et sont un obstacle majeur aux avancées, quelles qu’elles soient, dans la lutte contre le VIH/sida.

Quand on voit le temps qu’il a fallu pour que soit enfin levée l’interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives, on ne peut ignorer que le chemin à parcourir est encore long.

 

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