O’o : rencontre avec un drôle d’oiseau

« Touche », le premier album du duo de pop expérimentale O’o, basé à Barcelone, est sorti ce mois-ci sur le label InFiné. La grande pop y rencontre l’avant-garde dans des mélodies douces qui se nichent dans des ambiances musicales éthérées et synthétiques. Si l’on peut faire des comparaisons avec la musique de Bjork, de Laurie Anderson ou même de Lorde, O’o semble dores et déjà prendre son envol vers des univers sonores qui lui sont propres. Rencontre.

Le O’o est un oiseau hawaïen aujourd’hui disparu. Pourquoi avoir choisi ce nom ?

En fait, c’est une histoire assez simple, nous sommes tombés sur le mot “O’o” dans un dictionnaire des mots amusants de la langue anglaise. D’abord intrigués par cette graphie originale, nous avons ensuite découvert une vidéo du dernier oiseau O’o de son espèce qui appelait une femelle qui ne viendrait jamais. Son histoire et son chant hypnotique nous sont allés droit au coeur, on a trouvé que ce serait un bel hommage que de porter son nom…même si ce n’est pas le nom le plus évident à trouver sur Google, on espère quand même qu’il nous portera chance !

Est-ce que vous pouvez nous parler de vos influences musicales ?

Il y a tant de morceaux et d’artistes qui nous ont inspirés au fil des ans que faire une liste, même non-exhaustive, nous paraît vraiment difficile. Nous sommes plutôt influencés par différents genres musicaux, allant de la musique folklorique traditionnelle du monde entier à l’ambient, la pop et la techno. On aime penser qu’une partie de l’inspiration que nous avons tirée de l’écoute de nombreux styles de musique différents a en quelque sorte été condensée dans cet album.

Indirectement aussi, peut-être que les aspects organiques de l’album reflètent une fascination pour la nature. Lorsque nous étions en train de travailler sur cet album, l’évocation de la nature nous est souvent venue à l’esprit, ce qui nous a encouragés à développer cet aspect. On espère que cela transparaît dans TOUCHE.

Vous êtes basé·es à Barcelone. Est-ce que cela joue sur votre façon de faire de la musique ? 

D’une certaine manière, très certainement, parce que Barcelone est une ville formidable, festive, et inspirante. Et puis c’est souvent stimulant de vivre à l étranger, d’être baignés dans une culture différente, donc même si on ne ressent pas une influence directe de l’Espagne dans notre musique, il y a de grandes chances qu’on ait été au moins inspirés par le fait d’y vivre.

C’est grâce au concours Bala Perduda en 2018 que vous avez pu vous lancer dans la production de Touche. Comment ça s’est passé ?

Nous nous sommes inscrits à ce concours sans trop y croire. D’abord, nous n’avions pas de live, ensuite, nous n’avions que deux ou trois démos inachevées. Mais on a tenté notre chance quand même, et on a bien fait… On sortait de nulle part et on a été propulsés sur la scène du festival Primavera Sound, puis à la télévision catalane, pour ensuite finir en studio pour l’enregistrement de Touche, quelques années plus tard… tout ça grâce au fait de gagner le concours. C’est vraiment un souvenir inoubliable.

Votre musique peut évoquer des genres comme le trip hop ou l’ambient. Comment est-ce que vous la qualifieriez ?

On s’est arrêté sur « pop expérimentale » , mais on pourrait dire que c’est une sorte de pop étrange, avec beaucoup de synthétiseurs, de sons trouvés manipulés et de voix, pures ou déformées, avec des harmonies et des superpositions. 

Il y a en tout cas quelque chose d’onirique et d’hybride dans notre musique, même si c’est un terme un peu « fourre-tout ».

Vous avez tous·tes les deux étudié la théorie musicale. En quoi est-ce que cela nourrit votre production ?

Nous sommes tous les deux passés par le conservatoire, mais honnêtement ni l’un ni l’autre n’étions très doués en solfège… Cela dit, cette formation a sûrement aidé à « se faire l’oreille », à élargir notre horizon en terme de références musicales. Nous sommes tous les deux sensibles à la musique classique et à des musiques plus expérimentales auxquelles nous n’aurions peut-être pas eu autant accès si nous avions eu un parcours différent.

Cela nous a probablement donné une ouverture, des références et simplement un intérêt pour la composition.

Vous traitez souvent la voix comme un instrument à part entière. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

Victoria : Personnellement, je ne voulais pas « juste chanter ». J’ai toujours aimé trouver des sons différents de ma voix chantée, que ce ne soit pas simplement « joli ». Notre manière de travailler commence, pour la plupart des morceaux, avec la voix. Je travaille dans mon coin avec une loop station et j’enregistre d’abord des sons en boucle, des onomatopées ou parfois même des mots, et je compose la ligne mélodique vocale par dessus. Dès le départ, ma voix me sert donc d’accompagnement, comme le ferai un piano ou une guitare, par exemple.

À cela s’ajoute évidemment toute la production de Mathieu qui aime travailler les voix, les modifier, quitte à les rendre méconnaissables. Il est arrivé que je lui demande quel était tel ou tel son et qu’il me surprenne en répondant « c’est ta voix ».

Mathieu : Quand j’ai découvert Ableton je cherchais toujours des « a cappella » pour pouvoir en faire des chansons. J’ai découvert ensuite les samplers et les possibilités immenses des effets qui permettent de changer la voix en un son, un autre instrument… De ne travailler que sur la voix de Victoria maintenant me demande de pousser ce travail un peu plus pour le faire évoluer et c’est vraiment intéressant d’explorer toutes les possibilités.

Est-ce qu’on pourra vous voir sur scène en France prochainement ? Parlez-nous de votre rapport au live…

Pour le live, on reste en duo, ce qui à la fois réduit le champ des possibles et en même temps nous fait redoubler d’efforts pour qu’il soit plus vivant, et surtout différent des morceaux sur l’album.

On ajoute beaucoup de guitare par exemple, on trouve intéressant de donner une nouvelle vie aux morceaux lorsqu’ils sont joués en live,en les étirant, et en prenant le temps de voyager d’un univers à un autre.

C’est important pour nous de ne pas avoir à choisir un genre, et même de s’amuser à en changer tout au long du set. On y prend beaucoup de plaisir.

Vous pouvez venir nous voir le 24 juin au FGO Barbara à Paris ! 

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