Oui, les pédés baisent

Pendant des années, j’ai vécu avec l’idée que le sexe était risqué car on pouvait attraper le VIH et en mourir. 

Cette peur là, je n’avais jamais pu la formuler avant qu’elle disparaisse tant elle était intégrée, normale. Et elle a disparu grâce à la PrEP : à partir du moment où j’ai commencé à être sous PrEP, j’ai réalisé qu’il y avait eu dans un coin de ma tête, à chaque fois que je baisais, la conscience du risque, la potentialité de l’infection, le lien avec la mort.

D’autres ont écrit bien mieux que moi ce que le sida a fait sur nos vies de pédés et sur nos sexualités. J’ai commencé la mienne en 2007, bien après les pires années de l’épidémie, mais j’avais bien intégré ce lien, ce risque : coucher avec des garçons c’est prendre le risque de mourir.

La PrEP change nos vies… et ce qu’on dit de nous 

Il est certainement trop tôt pour faire un bilan collectif de ce que la PrEP a changé dans nos modes de vie même si, en quelques années à peine, on pourrait déjà citer la quasi-disparition de la capote, une multiplication des backrooms (même si on dirait que c’est retombé…) et même une normalisation des partouzes. Un sexe plus insouciant peut-être même si l’impact des confinements et du chemsex devra sans doute faire relativiser tout ça.

On peut par contre aisément constater que la PrEP et son efficacité prouvée à prévenir les nouvelles infections au VIH ont fait à la bonne société : la preuve irréfutable de la dépravation homosexuelle, le fait que les pédés risquent la mort à chaque rencontre sexuelle, a été soudainement retiré des discours mobilisables sur les gays.

Les voilà donc, pas tant les homophobes revendiqués que les figures surplombantes de médecins sachants tout comme certaines figures gays, contraints de se rabattre tels des cardinaux catholiques sur les vieux arguments moraux : comment ? plusieurs centaines de partenaires par an ? sans limite ? sans même connaître leurs prénoms !?

L’argument de la maladie étant quand même bien pratique, on a recourt à la hausse des IST. Peu importe la logique : celle-ci se constate bien avant la mise en circulation large de la PrEP. Peu importe aussi la décence : une infection à vie et une maladie qui se règle par une piqûre dans la fesse sont mises sur le même plan…

Nous sommes la population la mieux informée en santé sexuelle

La variole du singe aurait probablement dû être du pain béni. Manque de bol : non seulement plusieurs décennies de sida nous ont appris quelques trucs mais en plus la PrEP et le suivi qu’elle impose font des pédés la population la mieux informée en santé sexuelle de ce pays.

Il n’a pas fallu nous motiver à nous faire vacciner, il a fallu motiver les autorités à faire le nécessaire pour nous donner accès aux vaccins que nous avons réclamés. Et il a fallu le faire malgré celles et ceux, parfois même chez les queers, qui clamaient en dépit de l’évidence que le monkeypox n’est pas une IST, qu’il ne concerne pas spécialement les gays et bis (à peine 97 % des cas…).

Le sexe entre hommes met toujours mal à l’aise

Au final, toujours ce même malaise autour du sexe entre hommes : que les pédés se marient ok, qu’ils aient le droit d’adopter admettons, qu’ils puissent donner leur sang ah ! grande victoire. Mais reconnaitre et dire qu’on baise, qu’on le fait plus que la moyenne, bien souvent en dehors du cadre du couple monogame et qu’on a plus de partenaires, cela reste compliqué. Admettre que c’est un fait comme un autre qui ne nous expose pas à une vie de malheur et de maladie : impossible.

Et ces discours ont des conséquences très concrètes sur l’accès à la santé sexuelle des gays.

À défaut de changer ça d’un claquement de doigts, en ce qui me concerne, j’ai compris au bout d’un certain âge (et d’un certain nombre de plans cul dont je ne connais pas le prénom) que, même en changeant de partenaires tous les jours, même avec 12 partenaires en même temps, même en dehors du couple, même si on choppe une IST, le sexe n’est jamais intrinsèquement mal. Et n’importe qui pensant le contraire peut bien aller se faire foutre.

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