récit à 4 mains et 4 poings par Romy Alizée et Doc Celio
Depuis 2008, se tient chaque année à Berlin l’un des festivals de porno queer et alternatif les plus réjouissants. Pendant 5 jours, le Moviemento (aka le plus vieux cinéma d’Allemagne, désormais menacé d’être vendu, cliquez ici pour en savoir plus) ouvre ses trois salles aux festivalier.ère.s avec une programmation concoctée par l’équipe du PFF dont font notamment partie Paula Eichhorn et Jürgen Brüning. On y trouve des pornos DIY, des documentaires, des rétrospectives et des œuvres artistiques. Durant ces 5 jours plongés dans le noir, défilent devant nos yeux des vulves, des bites, des trous du cul dilatés, des dicklits, de l’amour, de la politique. Une ambiance particulière donc, mais aussi l’occasion de faire la fête et de tomber amoureux.euse à tout va. Cette année, j’y allais non plus comme spectatrice, mais comme réalisatrice et performeuse. Une semaine riche en émotions et en rencontres, dont je vais vous faire le récit.
Mercredi au BPF
Tout commence par des rires. Il est midi pile et la salle 2 est blindée pour les « Fun Porn Shorts ». Catégorie joyeuse dans laquelle notre premier bébé avec Laure Giappiconi est projeté et qui rassemble cette année plusieurs excellents films, tous hilarants. L’accueil fait à Romy & Laure… est bon, le public est à fond, les questions sont pertinentes, on ose même des petites blagues.
Bref, on ressort de la salle surexcitées. Chaque année, les horaires des séances sont très serrées et il n’est pas rare de devoir quitter un film avant la fin pour pouvoir assister au prochain. Par chance, les séances consacrées à la rétrospective porno français des années 70 ne sont jamais bondées (et oui, tout le monde préfère voir les Berlin Porn Shorts) et nous n’en manquerons aucune ! Installées comme des reines, Élisa, Laure et moi assistons au splendide Les mille et une perversions de Felicia… précédé du désormais légendaire discours de Jochen Werner, annonçant sobrement que “le film est doublé en allemand alors il est encore temps de partir”. Bonheur, ce film au grain incroyable met en scène une adolescente fiévreuse dont l’envie de baiser la fera pervertir le couple de français qui l’accueille.
Comme pour tous les films X de cette décennie, le soin apporté aux lumières, aux plans, aux décors et au stylisme est troublant. Ces films sont pour moi une grande source d’inspiration car ils mêlent habilement cinéma et pornographie. On ressort de ce film un peu humides, la tête envahie de “sehr gut”. Ensuite, on assiste au long-métrage Blow Away, de Anoushka dans lequel j’ai un petit rôle, avec un casting 5 étoiles, puis au documentaire très esthétisant Searching Eva, mi cool, mi agaçant, profond et creux à la fois (“vain”, a dit Laure).
Le soir, c’est plus on est de foufolles, plus on rit, avec notamment la projection des Corps dansants, réalisé par mes trois ami.e.s.
Je revois un film israelien découvert au Festival du Film de Fesses “Night of Love” , troublée par la beauté de l’image, des acteurs et de la tension sexuelle qui émane de cette sex party gay sur fond de conflit israélo-palestinien dont on a du mal à comprendre l’intention du réalisateur, également acteur principal. Pour le coup, le Q&A [séance de questions et réponses ndlr] aurait été bienvenu mais malheureusement, l’équipe du film n’est pas présente. La projection se termine par un film de Bruce LaBruce avec Bishop au casting, et je pense alors à Celio qui m’en vante souvent le sex-appeal.
Jeudi
Tout commence par un chai latte crémeux et le meilleur scone de Berlin. La bande des 4 est rapidement rejointe par Rebecca et Sandra. Chacun.e a fait sa sélection de films, moi je file avec Elisa voir Dykes, Camera, Action !, un documentaire qui me mettra les larmes aux yeux (et à ceux de Marianne (Chargois) aussi, enfin je crois…). D’ailleurs, la croiser est l’occasion de discuter du film à tourner ensemble le lendemain et à cet instant je réalise que ohlala, j’ai oublié les gants ! 16h, on se dépêche d’aller en salle 2 pour un nouveau film à l’ancienne : Body Lust. Réalisé par une actrice porno dont l’objectif était de filmer du vrai sexe « pour les femmes » (sic), le film est foutraque, sexy, léger et arrosé de faux sperme au yaourt. À l’époque, les acteurs bandaient comme ils le pouvaient, c’est à dire souvent mou, mais toujours avec le sourire. Ma journée cinéma s’achève par un cam show pour le site Ersties, le premier que je fais en duo avec Natalia Portnoy. Pendant qu’on se fourre des doigts face à l’ordi, le site plante, les utilisateurs pestent : « I don’t see any fisting here, just a black screen !». Impuissantes face au trou noir, la connexion ne sera, hélas, pas rétablie et c’est ainsi que Natalia et moi nous quittèrent, sans jamais avoir pu nous fister (mais avec du fric en poche). Pendant ce temps, au Moviemento, mes ami.e.s assistent, blasé.e.s aux « Art Porn Short », et cette année il semblerait que le niveau soit médiocre. On retiendra cependant le film Warm, de notre ami Matock.
Vendredi
Tout commence par un regard, puis d’autres… dont je ne voulais pas spécialement parler dans ce report par peur d’être ennuyeuse mais avec lesquels j’ai évidemment saoulé mes ami.e.s. Bon, sachez tout de même qu’au PFF, il est possible d’installer un jeu de regards appuyés avec une même personne, et ce pendant plusieurs jours, entre deux séances, sans qu’il ne se passe quoi que ce soit. Étonnamment, ces petits jeux de séduction ajoutent une touche d’excitation au séjour dont j’aurais eu tort de me priver. Mais crush à part, vendredi est important, car vendredi est notre unique journée de tournage. À vrai dire, beaucoup de réalisateurices et performeureuses profitent du festival pour tourner. De ce fait, impossible de croiser Jiz Lee cette année, trop occupé.e qu’iel est à faire des films ! Notre planning annonce un PAT à 10h avec Marianne en fisteuse et moi en fistée dans un court-métrage imaginé par mes soins et filmé par La Fille Renne, suivi d’un autre court écrit par ce dernier. Les deux tournages se passent excellemment bien et je ne vous cache pas mon émotion d’avoir été la première meuf fistée par Marianne (et jamais je n’oublierai le moment où son poing est enfin entré en moi !). La fin de journée s’achève par une agréable séance photo en compagnie de Rebecca et Sandra mais déjà, dehors, la nuit est tombée.
Dois-je parler de notre vendredi soir ? Y a t-il des soirées qu’il vaut mieux oublier, ou ressortir dix ans plus tard sous forme d’anecdotes de jeunesse ? En même temps, mieux vaut en rire, non ? Alors… c’est après avoir fêté l’anniversaire de Rebecca que notre troupe élargie s’est dirigée au KitKat, dans l’espoir de frissonner de désir dans les backrooms. Surprise en arrivant, on se retrouve au sous-sol du club, entouré.e.s d’une ribambelle de jeunes gothiques, de mecs hétéros en jean et torse nus, applaudissant la seule perfo à laquelle on aura la malchance d’assister : celle d’un mec blanc à dreads, fouettant énergiquement les culs de deux (jeunes) femmes, parfois avec ses mains, parfois avec ses dreads. Je n’en dirai pas plus par crainte de perdre mes ami.e.s mais sachez que nous avons quitté les lieux vers 2h du matin, secoué.e.s par tant de mauvais goût (et de mauvais remixes de Tainted Love). Le lendemain, Matthieu me confiera être dans le déni de cette soirée. “Il ne s’est rien passé hier soir”, a t-il affirmé. J’ai acquiescé.
Samedi
Réveil tôt. À peine le temps de se fourrer quelques toasts et autres crumpets beurrés que nous filons voir la séance la plus gouine du PFF : Blood Sisters, Wicked Women et Fagdyke Cruising.
Dommage, les deux premiers sont mal foutus et avec mes nuits de 5h, impossible de rester concentrée. De plus, l’épaule d’Élisa semble toute disposée à accueillir ma petite tête fatiguée. Les fagdyke, elles, me sortent de ma sieste. C’est un film en sépia. À priori, c’est pas super super le sépia quand même, mais là, je ne peux nier mon excitation. J’en profite pour vous confier quelque chose : cette année il n’a pas été rare que je ressente un fort désir de me masturber, et mes copines pareil. C’est étonnant car les années précédentes je n’ai jamais vu de film réellement excitants (à part peut-être l’orgie d’éphèbes gay de l’an dernier ?). Pour autant, je ne suis jamais parvenue à trouver un moment pour le faire… J’essaye encore de comprendre pourquoi : était-ce un vrai problème de timing, de lieu ou de sommeil ? Était-ce parce que je nageais en plein délire romantique à force de regards appuyés, retirant à ma main toute capacité à se mouvoir sous ma culotte ? En tout cas, l’an prochain, je m’organiserai mieux (ou je ferai comme d’autres, je resterai plus longtemps aux toilettes !). La suite de cette aventure berlinoise vous est racontée par Doc Celio !
Le off du festival par Doc Celio
Je rejoins la friponne en cheffe, Romy Alizée, le samedi soir pour la soirée de clôture. On se retrouve en joyeuse bande à faire la queue sans trop savoir pourquoi, paraitrait-il qu’il y a d’autres entrées, on ne cherche pas beaucoup à vrai dire.
Je reconnais pas mal de monde, Wicked Clarence est là, Bishop, Jasko Fide (coucou NYFA), Kali Sudhra, Flozif… mais aussi Nadia Granados dont je suis le travail depuis longtemps.
On retrouve à l’intérieur Marianne Chargois et Matthieu [Hocquemiller] et plein d’autres fripon.ne.s ! L’ambiance est de style boom, on adore. La musique passe des Spice Girls à Gala, il y a même une piscine à boules (sans mauvais jeu de mots). Avec Romy, on court partout et saute, une nouvelle chanson, une nouvelle idée, une nouvelle pièce, tout est prétexte à explorer. On a dansé le corps libre (comprenez qu’encore une fois j’ai sauté sur l’occasion pour faire sauter tous mes vêtements) et les regards charmeurs jusqu’au petit matin. Une très bonne soirée, simple, douce et enivrante. Pour être très honnête, j’ai bien failli me noyer dans ma cyprine (on n’a même pas réussi à vraiment trouver un moment pour se masturber).
Le lendemain c’est le marathon : on se retrouve pour un bref café et on commence – avec Laure – par cette fameuse rétrospective du porno français des années 70 doublé en allemand et l’incroyable film Les cuisses en chaleur. Un film qui traite du rapport profond entre le cul et le droit de propriété, avec des effets spéciaux et un scénario alléchés ! Nous vous le recommandons !
Puis, changement de cinéma, direction Babylon, près de Möbel Olfe (vous même vous savez les mardis soirs …), pour la séance de court-métrages lesbiens. J’ai encore une fois la chance de voir le minou de Romy sur écran géant dans deux films différents, dont un, Tease Cake, en présence de l’équipe du film, que j’ai vu 7 fois au bas mot, ce qui m’a permis une petite sieste (sans offense).
Puis, pause falafel et club mate, on revient au Moviemento pour le long métrage
The Sad Girls of the Mountain (le film est financé exclusivement par le travail du sexe et il a remporté le prix du meilleur long métrage), une parodie multiple, singeant les méthodes “gonzo” de VICE, traitant des communautés de gouines, des enjeux de santé mentale, de la société de consommation et de la sur mise en avant et performance du soi.. Avec humour et parfois maladresse (c’est mon avis et tout le monde s’en fiche mais je le donne).
Une fois le film terminé, nous repartons une énième fois vers “Kotti” pour nous rendre à la soirée de clotûre au Monarch (un bar que j’aime bien). La musique est de style boom années 80 mais cette fois remixée, moins bien que la soirée précédente donc, mais avec parfois des apparitions de J Balvin et Maluma – les rois du raggeaton – ce qui me ravit tout plein.
Les faits marquants de cette soirée sont au nombre de deux :
- Marianne Chargois a gagné le prix du meilleur court-métrage avec Les égouts de l’hétérosexualité (encore bravo !)
- J’ai roulé une pelle à Bishop – je ne souhaite plus me laver les dents depuis.
Notre séjour berlinois s’est achevé le lendemain autour de scones et de café lait d’amande avec Laure, plein de belles images en tête.