En avril dernier, Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État chargé du Numérique et jusqu’à peu candidat à la Mairie de Paris, déclarait vouloir déployer sur la ville plus de 240 drones de surveillance et 20 000 « boutons d’urgence » distribués notamment aux « populations vulnérables », faisant ainsi de la capitale un espace toujours plus « safe ».
Le 12 juillet, alors que les Gilets Noirs sont violemment évacués du Panthéon qu’ils occupent pour dénoncer la politique migratoire du gouvernement, plusieurs jeunes influenceurs qu’on imagine rémunérés diffusent simultanément des vidéos promouvant le Service National Universel auprès de la jeunesse, le vendant comme un remake de Koh-Lanta ou une expérience « iconique » à fort potentiel de likes sur Insta.
Le 14 juillet, lors du traditionnel défilé national qui, comme chaque année, s’efforce de faire rimer « Liberté-Egalité-Fraternité » avec Autorité, un clone masqué et armé arrive par les airs en volant sur un hoverboard, faisant ainsi d’un simili Bouffon vert – ce milliardaire sadique de l’univers Marvel – la nouvelle égérie du startup-nationalisme macronien.
Dans la foulée, le ministère des Armées affirme vouloir recruter des auteurs de science-fiction afin d’anticiper les besoins de l’armée néocoloniale française – et on imagine déjà des futurologues fantasmer la guerre des drones avec des généraux à moustaches-képis.
La dérive autoritaire de Macron n’est, en soi, pas une réelle surprise, et ne semble qu’une conséquence prévisible du durcissement inéluctable du libéralisme. Non, ce qui surprend le plus, dans la gouvernementalité macronienne, c’est qu’elle soit si ridiculement franchouillarde (même si sa boum à La Rotonde le soir de son élection, entre Stéphane Bern et Line Renaud, nous avait mis la puce à l’oreille).
Alliant néolibéralisme débridé et militarisation croissante, foi dogmatique en l’innovation et patriotisme rance, célébrant le progrès technologique au son des trompettes de la garde républicaine, le startup-nationalisme laisse entrevoir un avenir cybercapitaliste bleu-blanc-rouge et même cybercassoulet : une dystopie sauce camembert où le Général de Gaulle, ressuscité par une intelligence artificielle nourrie de ses correspondances et discours made in Station F, enverrait des voltigeurs en segway Michelin casser les genoux des Gilets Jaunes lors de l’épisode MMLXXXIV.
« The first 14 juillet was a riot », rappelait à juste titre (et non sans humour) l’ami Benjamin sur Twitter. 230 ans après les émeutes, plutôt que de perdre trop de temps à savoir qui jettera la première brique, prions surtout pour que celle-ci atterrisse rapidement dans la gueule du Bouffon vert.