C’est la fin de l’été et je retrouve Oriane en terrasse au soleil. Soignante elle-même, elle me rejoint pour présenter les actions et les positions du collectif dont elle fait partie. Pour une MEUF (pour une Médecine Engagée Unie et Féministe) forme les soignant.e.s, les accompagne et milite contre les violences dans le milieu médical et paramédical, dont on entend beaucoup parler ces derniers temps.
La naissance du collectif
Oriane : Pour une MEUF (qui signifie pour une Médecine Engagée Unie et Féministe) a été créée il y a presque deux ans par une psychiatre et une généraliste. Ces deux soignantes désespéraient des réactions des médecins et de leurs représentants face aux problématiques de sexisme médical, de violences gynéco ou face à la remise en cause de la façon dont la médecine pouvait être exercée, c’est à dire de manière sexiste, homophobe, raciste, paternaliste et violente. Elles avaient envie à la fois de pouvoir faire entendre un autre son de cloche de la part des soignant.e.s mais aussi de pouvoir venir en aide aux soignantes elles-mêmes victimes de sexisme dans leur formation ou dans leur pratique quotidienne, que ce dernier soit exercé par leurs pairs ou par leurs patients.
La création d’une association leur semblait le meilleur moyen de pouvoir intervenir directement auprès des médecins, des soignant.e.s et des étudiant.e.s sur ces thématiques féministes. Pour une MEUF est une association de soignant.e.s et n’est donc pas reservé aux médecins. Actuellement, les adhérent.e.s sont des médecins, des sages-femmes, des psychologues, des infirmières, des orthophonistes, des sécretaires médical…. Si Pour Une MEUF est mixte, c’est un collectif clairement féministe et son objectif principal reste de lutter contre le sexisme envers les patientes comme envers les soignantes. Cet axe de lutte est notre sujet d’expertise. Nous comptons aujourd’hui entre vingt et trente adhérentes.
Les activités de Pour Une MEUF : former, s’auto-former, construire le dialogue
Nos activités sont variées : d’abord, nous avons élaboré des formations à l’intention du grand public (comme celles sur la santé sexuelle) mais aussi à destination des étudiantes ou des soignantes sur la manière de réagir face à du sexisme et de s’en défendre. Nous avons également produit des formations plus généralistes, à destination de tou.te.s les soignant.e.s et notamment des hommes sur ce qu’est le sexisme et sur la manière de l’identifier. Cela permet alors de poser les bases : le sexisme, cela peut être à la fois une attitude, des mots, des gestes, ça recouvre plusieurs réalités et ça a des conséquences graves et importantes pour les soignant.e.s comme les patient.e.s. Ces formations leur permettent de reconnaître le sexisme, dans leurs propres pratiques ou celles de leurs collègues mais aussi de mieux accueillir la parole éventuelle de leurs patientes victimes de ces violences. Ainsi, on agit à plusieurs niveaux. Nous avons déjà dispensé ces formations auprès de collectifs de jeunes généralistes. L’association propose aussi une formation sur les violences obstétricales spécifiquement.
Pour une MEUF a aussi une volonté d’établir un dialogue entre les patient.e.s et les soignant.e.s. Nous organisons des soirées de discussion – qui ne sont pas des débats – qui visent à aborder des thèmes variés et permettre des échanges dépassionnés et dénués de confraternité. Récemment a eu lieu une soirée sur l’examen gynécologique, sujet d’actualité sur lequel de nombreuses femmes souhaitent échanger et s’informer. Nous en avons organisé une deuxième sur la contraception et la prochaine, en octobre, portera sur le soin en santé mentale, sur la manière dont il est vécu par les patient.e.s. Notre rôle dans ces soirées consiste surtout à modérer les échanges, à éventuellement animer la discussion et à veiller à ce que les discussions soient les plus constructives possibles.
L’autoformation : une nécessité qui s’appuie sur l’expertise de collectifs spécialisés
Ainsi, notre positionnement est de soutenir sans condition les associations de patient.e.s tout en intervenant directement auprès des soignant.e.s pour impulser une amélioration des pratiques, via la formation. C’est d’ailleurs pour cela qu’un des objectifs de l’association est de former chacun.e des soignant.e.s/adhérent.e.s. Nous sommes quelques-unes à avoir participé à des formations proposées par OUTrans par exemple, nous sommes également en contact avec d’autres associations au sujet des spécificités de la santé de certaines femmes qui vivent par exemple de la lesbophobie, la grossophobie par exemple La formation et l’autoformation avec le soutien de ces collectifs permet de compléter la formation universitaire des soignant.e.s, qui non seulement n’aborde que très peu ces sujets, mais aussi continue d’être raciste, sexiste, homophobe, etc.
Soutenir les étudiantes et les soignantes victimes de sexisme
Notre asso compte d’ailleurs de nombreu.x.ses étudiant.e.s, ce qui montre bien qu’il y a un manque sur ces questions au cours des études universitaires. Par ailleurs, cela reste aujourd’hui très difficile pour des soignantes en cours de formation de se déclarer féministes, les réticences sont très fortes. C’est pourquoi nous souhaitons poursuivre notre engagement auprès des étudiantes et soignantes victimes de sexisme et/ou de harcèlement sexuel sur leur lieu d’études et/ou d’exercice.
Au-delà de l’organisation des soirées d’échanges et des formations en interne, nous souhaitons poursuivre nos interventions dans les centres de formation. Nous travaillons également à la production d’un document reprenant nos revendications car Pour une MEUF a une vocation politique, militante. Nous nous positionnons, par exemple, sur des revendications visant à obtenir l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes ou l’allongement du délai de recours à l’IVG. Il nous semble important, en tant que soignant.e.s de nous engager sur ces questions et de nous faire le relais de ces revendications.
Comment rejoindre et/ou s’informer sur l’association Pour une MEUF ?
Pour adhérer, il suffit de contacter l’association via notre site internet. Une participation de 10€ pour les personnels paramédicaux et de 15€ pour les médecins est demandée tandis que les étudiants peuvent adhérer gratuitement. Nous disposons pour l’instant de deux antennes, une à Paris et une à Toulouse, mais certaines de nos adhérentes résident ailleurs et même à l’étranger.. Nous échangeons beaucoup par mail et nous nous réunissons environ une fois tous les deux ou trois mois. Nous sommes également sur Twitter et Facebook. Enfin, nous proposons une newsletter mensuelle à toute personne souhaitant se tenir informée des actions et positions du collectif, qu’elle soit ou non adhérente de l’asso. Les personnes qui souhaitent nous soutenir peuvent désormais nous faire des dons !