Misungui Bordelle est travailleuse du sexe, dominatrice professionnelle, performeuse, actrice porno et anime de nombreux ateliers sur la sexualité. Son agenda est chargé, puisqu’elle anime ce samedi 16 mars l’atelier 9# SexualitéS Non-Valides à la Mutinerie. Ensuite, on pourra la voir au Festival des Sexualités Joyeuses (organisé par Les Chahuteuses au Point Ephémère). Elle sera ensuite à Marseille toute la semaine du 18 au 25 mars où elle donnera des ateliers, des cours de shibari pour les débutants et pour les intermédiaires, et un Workshop # 3 Misungui ainsi qu’une soirée débat & jam #2 Misungui. Ensuite elle performera en direct à l’occasion de l’expo States of Hysteria II, le 29 mars. Le 2 avril, la revue Soldes Almanach fête sa sortie annuelle à la Gaîté Lyrique, et Misungui est dedans. Et, last but not least, c’est en Bretagne qu’on la retrouvera pour Aspotazik à Concarneau pour une performance shibari expiatoire. Malgré son emploi du temps chargé, elle a pris quelques minutes pour discuter avec nous. Rencontre.
D’où te vient cette passion pour les cordes ?
Misungui : Ça a commencé il y a 6 ans environ. J’ai remplacé à la volée une pote qui était modèle de corde pour un prof dans l’ancienne “école des cordes”, j’ai accrochée direct et pendant deux ans j’ai exploré intensivement le shibari en tant qu’attachée. Ensuite j’ai eu envie d’être autonome parfois alors j’ai appris la technique et je me suis auto-suspendue pas mal et finalement je me suis mise à attacher d’autres gens… j’aime bien le côté technique et créatif du shibari mais surtout ce qui me fait vibrer c’est sa puissance érotique et sa capacité à amener dans des états proches de la transe.
Tu ne fais pas que du shibari, c’est quoi exactement ton activité en tant que travailleuse du sexe ?
Je suis dominatrice professionnelle, donc dans mes séances je fais du shibari mais pas que, j’explore un peu tous les kink et fetish de base… impact play, pegging, face sitting, uro…. Et puis des scénarios parfois assez immersifs dans des univers variés. Bref, ça se construit avec le.a client.e !
Je suis aussi actrice porno pour des films pornographiques le plus souvent queer/feministes/alternatifs. Je pose aussi pour des photographes.
Et puis je donne des ateliers pratiques pour explorer certaines partie du corps et certaines pratiques. Mon atelier le plus connu porte sur l’éjaculation féminine par exemple.
Tu peux nous parler un peu de “Portrait d’une jeune femme” ?
C’est un docu fiction, réalisé par Stéphane Arnoux que j’ai rencontré via Facebook alors qu’il cherchait une nana pour être le sujet de son prochain film. Au départ, il voulait parler de la sur-auto-représentation des jeunes femmes sur les réseaux et puis en tombant sur mon profil, il a capté qu’il y avait un truc relativement original, que j’avais une démarche politique et donc un propos, une sorte de profondeur on peut dire. Ça l’a intrigué, on s’est rencontrés, on a refait le monde ensemble en un apéro et là on s’est dit qu’il y avait un truc à faire avec cette complicité évidente !
Donc on a fait un film sur moi mais pas vraiment, c’est une sorte d’instantané d’un moment de mon histoire qui raconte quelque chose de notre monde et de ce qu’on peut en faire. C’est clairement un film pour se donner l’énergie de changer le monde, moi je crois, j’espère en tout cas!
Romy Alizée s’était élevée contre la censure sur internet pour les travailleuse du sexe et les performeuses (lien ici), est-ce que c’est dur de travailler avec les réseaux sociaux et internet aujourd’hui ? Comment tu t’y prends, toi ?
Oui j’ai co-signé sa tribune avec plaisir, et je suis aussi intervenue dans un article pour L’Obs à ce sujet… c’est vraiment infernal à vrai dire… moi j’utilise encore Facebook pour le texte et les outils pratiques pour promouvoir des événements. Twitter pour montrer quelques photos non censurée et principalement faire du teasing pour choper des clients et réseauter avec d’autres tds.
Instagram j’ai abandonné, tumblr de facto ne veut plus de moi non plus…. Donc j’ai un site gratos mal bricolé pour avoir quand même un semblant de book mais bon c’est pas terrible. Heureusement que je suis bien installée, assez connue pour que je n’ai pas trop besoin de me montrer sans arrêt, je pense par contre que pour d’autres nanas qui débutent c’est vraiment compliqué.
Comment as-tu décidé d’aller à Bordeaux et Marseille pour montrer ton film et participer à des tables rondes ? As-tu été invitée ?
Cette partie-là du boulot c’est plutôt le distributeur qui s’en occupe, en l’occurrence le film est quasi auto-produit et auto-distribué donc c’est Stéphane qui gère ça et ce sont beaucoup des assos féministes qui s’organisent pour porter le film dans les villes auprès des cinémas d’art et d’essais. Merci à elles d’ailleurs <3
Peux tu nous parler de ta conférence au côté de Alexia Boucherie et Ludivine Démol ? Comment le public universitaire l’a reçue ?
Et bien super je trouve! À la fois l’audience était composée d’étudiant.es principalement donc c’est quand même des jeunes et puis iels sont venu.es parce que le sujet les intéressait donc pas de raison d’être choqué a priori!
Je pense que la performance que j’ai montrée en vidéo les a beaucoup marqués (“MY” écrit par moi et filmée par Jessica Rispal, avec Yumie et moi comme performeuse).
M.Y. from Jessica Rispal on Vimeo.
Ton prochain atelier est sur les sexualités non valides à la Mutinerie, comment es-tu venue à t’intéresser à cette sexualité encore très taboue ?
Mon frère est paraplégique donc je me suis depuis longtemps questionné sur sa sexualité en terme technique et aussi social évidemment et je me suis rendue compte que c’était très compliqué d’avoir des réponses à mes questions en cherchant sur internet par exemple. Donc j’ai eu envie de faire un atelier qui donnerait la parole à un.e/des concerné.es de sorte que les personnes désireuses de s’informer sur le comment ça se passe et le pourquoi ça peut être compliqué ou pas du tout, me semblait vraiment nécessaire aujourd’hui en France.
Propos recueillis par Leslie et Doc Celio / Photo de couverture : ©Nikokoworld