Mardi 12 février a été lancé le groupe Women’s speech dont le but est de rassembler et de promouvoir les femmes dans la musique électronique au sens large. C’est en partant du constat que « la scène de la nuit en France [était] en majorité composée par des hommes, en tant que DJs, VJs, programmateurs, producteurs, propriétaires de lieux » que les fondatrices Mathilda et Elsa ont décidé de créer cette plate-forme de visibilité, ce « groupe de rencontre pour les meufs et/ou queers qui veulent échanger sur les musiques électroniques – toutes les musiques électroniques : techno, house, bass music, drum’n’bass, ambient, hardcore mais aussi du hip-hop & more. » Nous avons interrogé Mathilda et Elsa pour en savoir plus.
Friction : Women’s speech est né du constat selon lequel les femmes étaient trop peu représentées dans les musiques électroniques. C’est quoi le but exactement ?
Mathilda : Cela fait un long moment que j’y pense. Créer un espace de dialogue, de discussion, de partage entre professionnelles (ou non) de la musique. En effet, les artistes féminines et/ou queer sont encore fortement sous représenté·e·s sur les line-up de soirées ou festivals français. On observe cependant depuis peu un véritable effort de la part des programmateurs (essentiellement de festivals) pour proposer des line-up différents avec des personnes queers ou des artistes féminines : je pense notamment aux Nuits Sonores et au Weather Festival en tête de file (cette année on retrouve Park Hye Jin, Octo Octa b2b Eris Drew, Ciel & more…). Cependant, le but premier du groupe est de nous redonner les clefs de notre réussite : encourager les femmes programmatrices à booker des djs queer ou féminines via un doc avec de multiples contacts qui sera bientôt disponible sur le groupe. Favoriser les relations entre nous, créer des ponts. Pleins de choses viendront au fur et à mesure du temps si le projet prend aussi bien que nous le souhaitons.
Elsa : On ne s’adresse pas seulement aux femmes. Nous nous adressons aux femmes et/ou queers, c’est-à-dire toutes les personnes qui subissent des oppressions de genre et/ou de sexualité. Notre but c’est de nous visibiliser, de nous promouvoir et de nous redonner matériellement les moyens de notre réussite. Aujourd’hui, on se fait surtout booker par des hommes cis*, qui sont programmateurs, producteurs, propriétaires de lieux. Nous avons voulu renverser cette tendance et proposer une plate-forme où nous pourrons échanger, que ce soit sur la musique et les nouveautés, ou tout simplement nos mails, nos numéros et nos sons pour nous donner du taf entre nous. C’est un type de cooptation.
C’est pas n’importe quelle période pour donner de la visibilité aux meufs et aux personnes queer. Ça vous touche ce qu’il se passe dans les milieux du journalisme et de la com’?
Mathilda : En effet, ce qui se passe actuellement est assez édifiant. C’est d’ailleurs un coup du sort de lancer ce projet le jour où le scandale de la Ligue du LOL éclate surtout, que je connais certains de ses membres et que j’ai évolué au départ dans ce milieu là en travaillant dans des magazines. Ça me touche bien sûr, tout d’abord en tant que femmes, que personne racisée mais aussi en tant que personne gouine. Il est tant que les langues se délient et que les femmes n’aient plus peur et puissent se sentir en sécurité lorsque nous dénonçons ces actions. La communication, les agences de publicité c’est une sorte de secte du bien vu, de l’apparence et quand un scandale éclate il est toujours bon de l’étouffer… ce tapage permettra peut-être de faire avancer les choses.
Elsa : Oui, clairement cette communauté prend place dans un mouvement d’ensemble. Nous avons bien vu, notamment avec l’affaire récente de la ligue du LOL mais aussi de par nos expériences, que les hommes cis* blancs de bonne famille s’entraident énormément pour accéder plus facilement à des postes à responsabilité. Ils s’aident à grimper jusqu’en haut, à trouver des lieux, à devenir propriétaires… Nous voulons casser ce mode de fonctionnement. Nous voulons, nous, prendre de la place là où nous n’avons pas été invité·e·s. Pour ça, dans une société capitaliste telle que la nôtre, ce qui importe est l’argent, le réseautage. C’est aussi à ça que sert notre groupe.
Nous aimerions aussi que cela devienne un groupe où tout le monde se sente assez à l’aise pour parler de situations problématiques, d’inégalités, ou encore d’harcèlement… Nous avons réellement la volonté que cela devienne une communauté d’entraide, et pourquoi pas, de soutien.
Qui est derrière cette initiative ? C’est votre propre expérience qui vous a amenées à créer cette communauté ?
Mathilda : Alors, comme expliqué ci-dessus, je réfléchis à ce projet depuis maintenant deux ans. C’est quelque chose que j’ai pu observer depuis que je travaille dans le « milieu de la nuit » en tant que responsable communication et parallèlement dans mon activité d’organisation de soirées. C’est aussi des changements que nous avons effectué dans notre DA avec le collectif Possession où on s’emploie depuis un an maintenant à programmer plus et à chiner plus d’artistes féminines en plus de notre résidente Parfait. J’ai accroché avec deux personnes et je leur ai proposé de me rejoindre ; une amie de longue date qui bosse aussi dans le booking, les soirées et les médias électroniques et une personne plus militante et engagée, qui travaille notamment dans la programmation de festival queer. Je pense que nous trois, dans un shaker, ça peut donner un bon cocktail.
Vous utilisez les réseaux sociaux. Lesquels? C’est important les réseaux sociaux aujourd’hui pour communiquer quand on est des meufs dans la musique électronique ?
Mathilda : Le groupe est tout récent mais nous utilisons en premier lieu Facebook ainsi qu’Instagram et Soundcloud. J’ai l’habitude de bosser avec des groupes FB, je trouve que c’est un moyen de créer une vraie communauté, de découvrir de nouvelles personnes… Les réseaux sociaux sont importants tout court et d’autant plus pour découvrir de nouveaux·elles artistes et favoriser le contact entre un·e tel·le et un·e autre. Tout est dit dans le terme réseaux sociaux ; c’est une plateforme de rencontre et de partage.Les réseaux permettent dorénavant de créer des carrières, de crée des DJ’s. Quand tu as le talent (et parfois pas forcément) et que tu sais communiquer sur les réseaux, tu as tout gagné. Je pense notamment à des artistes qui font des ascensions fulgurantes telles que Amelie Lens ou encore Charlotte de Witte avec maintenant des cachets qui peuvent atteindre 10K… Je ne suis pas fan de leur musique mais tu ne peux pas nier que les meufs et leurs équipes, niveau comm, sont très fortes.
Qu’est-ce que vous entendez par musiques électroniques ?
Mathilda : Musique concrète. Le groupe permettrait en plus de mettre des meufs et/ou queer artistes en avant, de mettre aussi en lumière des genres de musiques électroniques sous représentés en club en France : la bass music, le dub, le hardcore, la drum’n’bass mais aussi la scène hip-hop… Parallèlement au groupe, le soundcloud servira à faire découvrir une large palette de couleurs électroniques grâce à des podcasts mensuels. On a déjà quelques artistes très cool qui nous ont dit oui.
Qui peut vous rejoindre ? Et comment ?
Mathilda : Tout.e.s les femmes et/ou queer. Passionné·e·s de musiques. Passionné·e·s de musiques électroniques. Des femmes et / ou personnes queer qui souhaitent faire bouger les choses dans ce milieu.Mec cis not welcome
On peut faire quoi pour vous aider ? Vous soutenir ?
Mathilda et Elsa : Plus nous serons sur cette page, plus nous aurons des bons sons à écouter, des bon·ne·s DJ à booker, du public cool à nos soirées… Il ne manque plus que vous pour faire décoller cette belle initiative.
Women’s Speech : le groupe Facebook / le compte Instagram / le soundcloud à suivre !
Identité visuelle : Louise Trillard