Le confinement, l’isolement, et puis faire avec.
Depuis que la France est lock down, on assiste à un florilège de lives sur les réseaux. Tous les soirs, surtout le vendredi soir et/ou le week-end, clignotent des pastilles rondes à l’effigie de Barbara Butch, Feministangst ou encore Ava’s Verden qui organise des lectures et des blind-tests quotidiens. Le collectif Barbieturix se lance dans le quizz en live sur Zoom et tandis que certain.e.s personnes mal-intentionnées appellent à l’outing sur les réseaux, d’autres, par leur énergie, leurs tons et leurs invité.e.s nous divertissent et mettent en avant le rassemblement et l’écoute : et ça fait du bien !
Lorsque tu ne peux ni voir ta famille “biologique” ni ta famille choisie : l’exclusion est totale et spécialement dure pour les personnes queers et LGBTQI.
Cette déferlante de lives en a irrité plus d’un.e, du moins au début du confinement, je pense que ça avait à voir avec le rejet du virtuel imposé. Maintenant que la situation dure et s’installe j’imagine que c’est ce qu’il nous reste à faire : nous organiser à distance pour que perdure la commu. Toutes les formes de luttes et d’activités sont représentées : de la teuf au débat, en passant par le jeu, le sport, le coup de gueule et surtout les témoignages. A la réflexion, ça sent la libre antenne qui semble signer un grand retour sur les ondes modernes.
Rappel historique : la libre antenne ou radio libre ?? Type d’émission radiophonique qui commence en France à la fin des années 1970 avec les radios « pirates », puis dans les années 1980 avec les radios associatives, la libre antenne avait perdu son âme libertaire et subversives dans des stations de radio commerciales. Dans les années 2000, avant l’arrivée des réseaux sociaux, une bonne partie de la jeunesse française écoutait LA radio libre : Skyrock. |
Le site Paris-luttes.info a publié le 8 avril dernier Les voix déconfinées : le retour des radios libres ? que je vous conseille de lire.
Pour Barbaba Butch, qui en est à une cinquantaine de lives depuis le début du confinement, le rythme est quotidien à raison de deux émissions par jour : une première à 18h avec un.e invité.e annoncé.e en avance et une autre le soir vers 23h en mode “libre antenne un peu cul” mais présentée par une grosse gouine féministe : autant dire que ça change de Difoul qu’on écoutait en scred sur Skyrock (oui je suis vieille) et qui dérivait souvent sur de la misogynie ou du sexisme ordinaire. A souligner, car c’est important : tous les lives de Barbara sont traduit pour les sourd.e.s et mal-entendant.e.s par un.e membre de l’asso mains à paillettes.
Des lieux comme Madame Arthur dont le cabaret proposait de folles soirées drag, mais aussi des artistes comme Kiddy Smile ou encore des comptes de mèmes astrologiques se prêtent au jeu. Ari de B continue ses cours de danse et Cy (we are yogis) propose ses cours de yoga en live sur Facebook le soir à 19h (des pots communs à prix libres sont disponibles pour soutenir ces initiatives). D’aucun seront surpris que les sex-party soient de retour : sur zoom. A lire, ce témoignage “j’ai participé à une sex-party sur zoom” sur le site de Têtu et cet article en anglais qui évoque l’ampleur du phénomène et les tentatives mises en place par le logiciel de visio pour détecter et interdire ces orgies (pas fun zoom).
Carmina, camgirl, réalisatrice de films X et rédactrice en cheffe d’un site d’info sur la culture porno a elle choisi le live Youtube pour mettre en place une discussion (avec débat et réponses aux questions) sur le porno indépendant et la définition d’un porno féministe.
Il est important de continuer à discuter et débattre. Trouver d’autres manières de s’organiser pour continuer à lutter.
Au delà de la libre antenne et des activités : le live est utilisé pour survivre et témoigner. Barbara Butch à travers ses invité.e.s mais aussi l’association AcceptessTransgenres qui utilise régulièrement le live pour nous tenir au courant et donner la parole aux membres de l’association qui aident les personnes trans à survivre à cette période compliquée. Plusieurs collectifs féministes, avec la particularité d’utiliser le réseau sécurisé discord, se sont réunis pour mettre en ligne un live qui relève carrément de l’émission radio avec pléthores de témoignages sur le terrain. A écouter ici :
Une tendance mondiale, comme la pandémie
Club Quarantine c’est “une teuf queer à distance” comme l’expliquent les organisateurs sur cette vidéo en anglais publiée sur le site de Vice. A Toronto au Canada la commu s’est approprié l’outils des réunions visio du taf Zoom pour organiser des teufs de 21h à minuit.
Elle n’est pas trop cute cette personne qui appelle son ami pour lui demander s’il va au club quarantine, se fait un cocktail et se pimp un peu avant de lancer l’appli ? Comme avant mais sans l’odeur de la sueur.
A Berlin aussi, plusieurs initiatives ont vu le jour et permettent aux queers berlinois de ne pas s’oublier.
Ce confinement est difficile pour tou.te.s et ces actions mises en place à distance permettent de faire tenir une communauté bien réelle. Une fois le confinement levé, le libre ton et la libre antenne qui a émergé aurait tout intérêt, pour nous surtout, à perdurer, à s’augmenter et à rentrer dans l’histoire 🙂
LISTES DES LIVES :
- Barbara Butch : live sur Instagram à 18h avec un.e invité.e presque tous les jours et le soir en semaine à 23h. Tous les samedis soir sur Zoom.
- We are Yogis : cours de yoga ou méditation sur Facebook à 19h
- Club Quarantine : fête live sur Zoom le samedi soir
- Ava’s Verden : en live sur Instagram à 10h pour des lectures, un peu plus tard pour le blind-test
- Ari de B : en live sur Instagram ponctuellement
- FemRev : en live sur Twitter ponctuellement
- Carmina : en live sur sa chaine Youtube ponctuellement
- Feministangst : en live sur Instagram ponctuellement
- et plein d’autres, n’hésitez pas à nous communiquer des infos sur les lives que vous suivez ou faites !