10 ans du mariage pour tous·tes : « La possibilité d’un bonheur »

Le 17 mai 2023, la loi « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » aura dix ans. Cela pourrait être un anniversaire joyeux mais pour beaucoup d’entre nous, ce qu’il s’est passé en 2013 garde parfois un goût amer. À cette occasion, Friction ouvre ses colonnes : car 10 ans après les défilés homophobes, c’est à nos récits d’être mis en avant. 

Cette semaine c’est notre Leslie qui raconte deux instants espacés d’une décennie.

23 avril 2013, Ugine, Savoie

Une jeune professeure de lettres qui vient de s’expatrier de force dans une région inconnue, laissant derrière elle sa première relation amoureuse sérieuse, pleure en regardant la télévision. La garde des Sceaux, Christiane Taubira vient de prononcer son discours lors du vote solennel de la loi et le termine par ces mots : « Si vous êtes pris de désespérance, balayez ces paroles qui vont s’envoler ! Restez avec nous, gardez la tête haute, vous n’avez rien à vous reprocher ! ». La jeune femme n’est pas tout à fait out, pas tout à fait sûre d’elle ni de ce qu’elle deviendra. La garde des Sceaux parlait aux adolescent·es, c’est encore presqu’ado que la jeune femme pleure devant la chance de pouvoir vivre ce à quoi elle ne pensait pas avoir le droit, quelque chose dont elle n’était pas sûre de vouloir mais qui lui était refusé et dont on lui disait qu’elle n’y aurait pas droit. Elle vient de retrouver sa place dans la société. Elle pleure. 

23 avril 2023, Colombes, Hauts-de-Seine

Une moins jeune professeure de lettres partage un grand appartement de banlieue parisienne avec sa compagne. Elles parlent parfois de mariage comme d’une formalité administrative ou de l’occasion de faire la fête ou d’un engagement profond, amoureux, sérieux.  En dix ans, la jeune femme pas tout à fait out a appris qu’elle pouvoir faire comme tout le monde, comme tous·tes : refuser, vouloir, différer, rêver, rêver autre chose, rêver autrement, ne pas rêver du tout, vouloir à nouveau, hésiter. Avoir la simple possibilité du choix de vie, des modalités selon lesquelles construire un avenir à deux si on le souhaite et comme on le souhaite. Nous sommes restées et nous avons gardé la tête haute. La jeune femme pleure encore, mais plus sur les droits bafoués ou arrachés sous les injures répétées. Avoir le choix de mener la vie que l’on veut, avoir le choix de dire « Oui, je le veux » ou simplement de ne rien dire du tout, et d’effleurer la possibilité d’un bonheur dans un nouveau type de consentement. 

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